Le coronavirus communément appelé le Covid 19 a envahi le monde en quelques mois. La vitesse et l’ampleur de sa propagation, depuis son apparition en chine en Décembre 2019, n’ont laissé planer aucun doute sur la dangerosité de cette pandémie.
Jamais dans l’histoire de l’humanité, hormis la grippe espagnole et la peste en 1343, une pandémie avait secoué le monde de cette manière. En effet, le nouveau virus a infecté des milliers de personnes, a causé la mort de centaines de milliers de personnes et mis un frein à l’économie mondiale. Le Covid-19 semble immobiliser la scène internationale en laissant présager un nouveau monde pour ne pas dire un nouvel ordre mondial.
Comme un village planétaire, tous les pays du Nord ont adopté les mêmes stratégies de lutte contre la propagation du virus qui a révélé pourtant la fragilité des systèmes sanitaires tant vantés par les occidentaux. En l’espace de quelques mois le virus a montré les limites de ces pays faiseurs de rois.
L’Afrique, qui devrait profiter de cette situation de bouleversement mondial pour se frayer un chemin de souveraineté à tout point de vue, est en train de mettre en place le même scenario en dupliquant les mêmes mesures appliquées en Occident.
Evidemment il ne s’agit pas de passer en peigne fin les plans de riposte sanitaires et de résiliences économiques mises en œuvre, mais de montrer comment nos instincts de survies, nos réalités sont inadéquats avec ces politiques que nos dirigeants copient tous azimuts. Si l’Occident peut se payer le luxe de supporter les effets d’un confinement pendant des mois et le contenir, en Afrique les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets. Ici, on ne mange que si dans la journée, les membres de la famille qui s’essayent à du petit commerce informel dans les rues ou sur les marchés, ont vendu quelque chose comme en témoigne les prémices de révolte dans beaucoup de pays africain. Chez nous on vit au taux du jour
Le Covid 19 a mis à terre de grandes puissances : Etats Unis, Italie, Espagne et France où les conséquences sanitaires sont visibles. Cependant c’est sur le plan économique et social que les conséquences sont plus qu’inquiétantes. En fait le choc économique, né de ce virus, a impacté tous les pays surtout les plus développés. Pour faire face à cette dangereuse bestiole et l’endiguer rapidement, les pays développés ont opté majoritairement pour deux principales méthodes : test de dépistage massif et le confinement des populations. Selon les spécialistes ces méthodes avec leurs mesures d’accompagnement sont les plus efficaces pour endiguer le virus et couper la chaine de transmission.
Dans ces pays la primeur des conseils pour endiguer le virus est donnée par les professionnels de la santé. Ces derniers ont proposé des solutions que les décideurs ont systématiquement à adopter comme le confinement partiel ou général comme réponse épidémiologique. Or ces professionnels de la santé dans la plupart des cas ne tiennent pas compte des répercussions socio-économiques dramatiques de ces mesures recommandées. Du point de vue économique et social, les mesures de confinement ont des conséquences désastreuses pouvant aboutir à une désagrégation et une dislocation du système économie mondial. Ainsi, les effets du confinement apparaissent et se font sentir automatiquement après sa mise en œuvre. Et le bilan est peu reluisant.
La Chine qui a été le premier à confiner ces populations (d’une seule région Wuhan) depuis le 23 janvier a annoncé fraichement avoir subi une récession de 6,5% au 1er trimestre 2020 (du jamais vu depuis le temps de Mao Tsé Toung) sans compter le nombre d’emplois perdus.
Pour la France qui a démarré le 17 Mars son confinement, Bruno le Maire ministre de l’économie estime que 2020 sera la pire année de récession économique depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Une baisse de 5,6% du Pib est prévue. Le 7 avril, près de 6,3 millions de salariés étaient concernés par le chômage partiel.
En Italie, le deuxième pays le plus gravement touché par l’épidémie, on annonce une perte de 4 à 5% de son PIB en 2020. D’ailleurs certains spécialistes annoncent que les répercussions sur le système économique pourraient être plus graves.
Les Etats Unis sont aujourd’hui au summum de la crise en matière de dégâts économiques. Le confinement leur a valu plus 22 Millions de personnes déclarées comme chômeurs. En deux semaines de confinement, les EU ont perdu tous les résultats d’emplois générés par les politiques d’emplois menées ces 10 dernières années. Les sommes astronomiques et la fréquence des annonces de leurs plans de relance économique montrent à quel niveau la situation est chaotique.
En somme tous ces chiffres sont la résultante du modèle de confinement adopté par différents pays. Tous ces pays cités ont un dénominateur commun. Ils sont dans la prestigieuse classe du groupe du G20. Ce sont des pays considérés comme riches. En conséquence sans tirer encore des conclusions nous pouvons présumer qu’ils ont les moyens de supporter la riposte contre ce virus en adoptant le confinement. Ce dernier a un coût énorme.
Qu’en est-il de l’Afrique ? Pouvons-nous adopter les mêmes stratégies ? Avons-nous les mêmes moyens que ces pays ? Ce modèle est-il adapté à nos économies ? Pouvons-nous nous payer ce luxe ?
Comme les autres continents, l’Afrique n’est pas épargnée de ce choc économique. L‘Afrique notamment subsaharienne subit doublement les répercussions socioéconomiques. Elle le subit ces dernières a cause des mesures coercitives qu’elle-même a prises pour lutter contre le Covid 19 mais aussi du fait de sa dépendance économique congénitale envers les pays riches, lesquels pays quand ils toussent, fatalement l’Afrique éternue. Selon la Banque mondiale (Albert Zeufack Economiste en chef pour l’Afrique), la croissance baissera entre -2 à -7% pour 2020. Ce sera pour la première fois depuis 25 ans que l’Afrique subsaharienne connaitra une récession de cette nature. Les impacts ne seront pas seulement sentis sur la croissance mais aussi le bien-être social dont la consommation, le revenu des ménages, les productions agricoles. Il s’y ajoute une baisse des importations de produits alimentaires de 35 Mds de Dollars selon toujours la Banque Mondiale.
A l’image des autres pays du Nord, les pays africains ont presque adopté des mesures similaires de sortie de crise. Très tôt, les gouvernements ont mis en œuvre des mesures draconiennes pour contenir la pandémie notamment des états d’urgences, couvre-feux, confinements partiels. Des banlieues de Dakar aux townships de Johannesburg en passant par les mégapoles de Lagos, Kinshasa, Nairobi et Accra, nos dirigeants se précipitèrent et rivalisèrent d’ardeur en matière de prises de décisions de mesures préventives. Nos voisins du Maghreb qui sont les premiers à avoir des cas tests positifs, ne sont pas en reste du combat. Mais le décor planté par cette mesure n’est pas beau à voir.
En Afrique du Sud, le pays le plus touché en Afrique subsaharienne, le 26 Mars 2020 marque le début du démarrage de leur confinement. Mais depuis ce jour, les populations ne cessent de se révolter contre cette mesure. Le confinement a révélé et exacerbé la crise alimentaire (20% de la population ont un accès insuffisant de la nourriture) dans ce pays. La situation se dégrade de jour en jour et le gouvernement sud-africain a préparé des mesures d’accompagnement aux populations pauvres qui tardent à arriver chez les concernées.
Au Nigeria, avant que l’Etat fédéral adopte les mesures de confinement, les populations avaient commencé à alerter. L’économie informelle étant la seule source de revenus de l’immense partie de la population, une telle mesure n’a fait qu’accentuer la pauvreté endémique sévissant dans toutes les villes. Le Nigeria comptait en 2018 plus 87 M de personnes vivant sous le seuil d’extrême pauvreté (le rapport de World poverty Clock). La police nigériane a tué 18 personnes pour ne pas avoir respecté les mesures strictes du confinement.
Au Kenya, les émeutes de la ville Kibera, un quartier à Nairobi lors de la distribution des vivres, montrent à suffisance la gravité de la situation alimentaire des populations.
Au Sénégal, le gouvernement n’a pas opté pour un confinement comme les autres pays mais il a pris des mesures contraignantes en vue de lutter contre le covid 19. Ces mesures sont entre autres l’état d’urgence, un couvre-feu et beaucoup de restrictions portant sur les services afin de couper la chaine de contamination. Ces mesures ont carrément mis à terre l’économie surtout dite Informelle. Comme du reste dans les autres pays, le secteur informel est en expansion et occupe une place dominante dans l’activité économique. Il reste un grand pourvoyeur d’emploi et un véritable contributeur dans le PIB des États africains. Il occupe plus de 80% de notre économie. L’Etat sénégalais a entrepris un programme de soutien en vivres aux ménages vulnérables. Ainsi on sent l’hésitation des gouvernants ou même l’impossibilité d’imposer un confinement général à la population parce qu’ils savent mieux que quiconque nos populations ne peuvent pas rester confinés. Elles n’auront pas de quoi se nourrir.
Le paradoxe pour l’Afrique subsaharienne réside dans le fait que les capacités de résilience face à cette pandémie est totalement différente des pays qui se sont appliqués les mesures de confinement. Au demeurant il faut noter que le cas de notre continent est plus inquiétant avec la stratégie du confinement. Pourtant l’Afrique aujourd’hui est le continent le moins touché par le coronavirus malgré les déclarations des oiseaux de mauvais augure qui lui prédisent le pire. En tout cas si on se base sur les modélisations faites par les chercheurs sur le continent et les prévisions annoncées au début de l’arrivée du virus en Afrique nous pouvons dire sans ambages que l’Afrique ne peut être plus victime que le monde eu égards aux autres aspects mis sur la balance par les spécialistes sur pourquoi l’Afrique ne sera pas atteinte plus que l’Europe ou les Etats Unis. Nous pouvons citer comme exemple la déclaration de Didier Raoult sur ITV qui dit que l’Afrique est relativement protégée par son histoire avec la chloroquine.
La structuration des économies africaines plaide totalement en défaveur d’un quelconque confinement. D’ailleurs beaucoup de dirigeants se sont empressés de le dire (le Benin, le Ghana etc…). Plus de la moitié de la population de l’Afrique subsaharienne vit sous le seuil de l’extrême pauvreté soit plus de 400 millions de personnes, fixé à 1,90 dollar par jour (1,70 euro) selon les critères internationaux.
La majorité de nos économies est caractérisée par le poids écrasant du secteur informel. Une grande partie des emplois sont générés par ce secteur. Selon le dernier classement de FMI 2018 « l’informel » représente 70% des emplois en zone urbaine, et plus de 90% des nouveaux emplois créés sur la dernière décennie. Nos populations vivent au jour le jour. Elles sont adeptes du slogan « Vivre au Taux du Jour » pour parler comme le célèbre bloggeur Bernard Ugeux (Anthropologue et prêtre).
En réalité nos Etats ne peuvent ni supporter ni compenser le coût social du confinement. Pour Confiner une population, il faut avoir un minimum de réserves de vivres de premières nécessités. Nos pays n’en disposent pas. Les Pays développés comme la France, l’Italie, les Etats-Unis, l’Allemagne peuvent se payer le luxe de confiner leur population pendant 3 à 4 mois sans grandes difficultés. Par contre, l’Afrique subsaharienne n’a ni ces moyens et ne s’est guère préparée à cela. L’instinct de survie se manifeste déjà dans les pays les mieux lotis en Afrique qui ont imposé le confinement et en souffrent déjà. L’Afrique du Sud par exemple a vu son secteur minier s’effondrer, un secteur qui contribue à 8% de son PIB et emploie des milliers de sud-africains. D’ailleurs le syndicat du secteur a mis la pression sur le gouvernement pour sauver le secteur. Ce dernier a accepté de lever partiellement le confinement à hauteur de 50%.
Même si la priorité est d’abord de sauver des vies, personne ne peut dire si le choc causé par le Covid-19 sera temporaire ou durable. La bataille sanitaire sera décisive et nous prions pour que le monde entier soit très vite épargné de ce virus. Mais la famine guette nos populations et le confinement ne peut pas perdurer. Il est temps d’apprendre à vivre avec le virus et de penser à d’autres mesures alternatives permettant la reprise des activités économiques.
.Par monsieur Khaly DIOUF, secrétaire général du Bureau de la Cellule des Cadres de Rewmi.