Entre des quartiers sans inondations et des villes sans bidonvilles, le Sénégal fait face à un choix difficile, quasiment impossible à résoudre dans le contexte d’aujourd’hui. Et pourtant, il faudra trancher ce choix car les fondements de la ville nouvelle l’imposent, mais surtout et encore ceux de la citoyenneté née du mouvement du 23 juin et de la nouvelle alternance. Des villes durables, des quartiers organisés, respirables sans inondations sont sans doute probables ici et là. Mais pour quand ?
« Exister est un fait, vivre est un art, », écrivait un romancier. Que n’a-t-il pas raison, cet homme quand il aura fini de faire le tour de nos grandes villes, nos banlieues et quartiers périphériques où la norme reste l’anarchie, les saletés et encore les inondations quand les premières pluies tombent. Un mélange des genres pas possibles, voilà qui inspirerait le cinéaste le moins inspiré quand il arrive dans une ville en Afrique. Mais, l’histoire ne s’arrêtera pas là pour ces deux observateurs, car les défis au plan urbain sont nombreux en matière de rénovation, de restauration, de restructuration urbaine, d’assainissement et de lutte contre la pauvreté dans les grandes villes africaines. Et le Sénégal ne fait pas exception. C’est fort de ces anomalies qui affectent le fonctionnement d’une certaine forme d’urbanité adaptée aux ambitions du pays, que le Forum urbain national du Sénégal (Funsen) a essayé, mercredi 18 juillet à Dakar, de reposer le débat sur ces équations majeures à travers un thème : « la restructuration et la régularisation foncière : une réponse aux inondations et à l’habitat non planifié au Sénégal. »
Débat de janvier pour un mois de juillet, on aurait pu dire. Mais pour un art du mieux vivre, le temps n’a plus d’importance. Car l’hivernage qui s’est déjà installé ne laissera pas aux autorités locales et nationales, le temps de réajuster certaines erreurs à l’heure où pointeront les premières inondations. Le plus prometteur dans le « jeu » est que dans ce domaine, malgré les erreurs et les énormes sommes investies dans le plan Jayaay, il existe pourtant des projets et des pistes à explorer qui datent de quelques années. L’exposant, Lamine Diouf, géographe et urbaniste a évoqué avec beaucoup de conviction, les espoirs suscités par les projets de lutte contre les inondations dans un quartier comme Pikine, à Saint-Louis. Si l’on ne parle plus depuis un moment, des graves inondations dans la capitale du Nord, on le doit, selon lui, au projet de drainage du quartier de Pikine, à partir de deux méthodes qui semblent avoir donné de bons résultats depuis trois ans. Il s’agit de la création de bassins d’orages, mais aussi et surtout, de la construction de pavés autobloquants qui ont le pouvoir de permettre l’infiltration facile des eaux de pluies.
Mais aujourd’hui, avertit Lamine Diouf, « Loin de se contenter de ces acquis, il faut curer pour éviter les erreurs du passé. Et c’est le moment. »
Sortir des savants constats d’experts et aller vers des solutions adaptées et durables, le défi est aussi à ce prix, a expliqué le spécialiste. Au lieu de la ville subie, l’idée est d’aller vers une cité pensée et intelligente dans laquelle il n’existerait plus le genre d’habitations spontanées que l’on connaît depuis des années dans les grandes villes sénégalaises avec des contre-exemples comme Gounass du côté de Thiaroye, Pikine Irrégulier et Guinao rail …
L’esprit est encore de créer un consensus et de repenser la restructuration des quartiers en écoutant mieux les populations. De lever également des préalables comme l’immatriculation des sites et titres.
Tout comme le principe d’organiser des voies existantes à travers une politique efficace de régularisation de l’occupation foncière et immobilière.
Lutter contre les inondations et la multiplication des bidonvilles dans les espaces urbains est ainsi un défi qui attend les pouvoirs – quels qu’ils soient – en Afrique de l’Ouest et au Sénégal. Dans ce sous continent, Dakar comme Abidjan, Lagos et Cotonou, n’ont plus le choix. Tous les acteurs de ces grandes agglomérations ont à cœur d’assainir le cœur de villes devenues otages des spéculateurs et des arnaqueurs fonciers qui agissent en accord, des fois, avec l’Etat et d’autres fois sur son dos et celui des pouvoirs publics. Pour apporter sa pierre à ce challenge difficile mais pas impossible à résoudre, le Forum urbain national du Sénégal a eu le mérite de rouvrir le débat.
Avril, mai ou juin, c’est comme pour dire que la période n’est pas essentielle. L’idée, selon Mamadou Berthé, architecte et administrateur de la Fondation Droit à la Ville, « est d’arriver à avoir des ensembles urbains durables… Et, pour relever ce défi, il est heureux d’avoir des espaces de dialogue, d’échanges et de plaidoyer comme le forum. » Selon lui, la question des bidonvilles et de l’habitat spontané reste une problématique des temps, à solutionner. Et, des challenges comme le projet de villes sans bidonvilles sont des pistes intéressantes tout comme la réorganisation de l’occupation foncière et immobilière. Dernier élément du puzzle : arriver à faire en sorte que la planification précède l’occupation des espaces vierges dans les villes.
sudonline.sn