Dans le cadre de la 12e Biennale de l’art contemporain de Dakar, la Cour suprême accueille une exposition off. Au menu, une vingtaine de tableaux qui retrace une partie de l’engagement des artistes et de l’histoire du Sénégal.
La Cour suprême accueille actuellement une exposition d’œuvres majeures du patrimoine artistique sénégalais. Kalidou Kassé qui s’est chargé de la restauration de certaines d’entre elles considère cette exhibition comme une manière de montrer l’importance de sauvegarder ces tableaux.
Il l’a dit hier au cours du vernissage. Seulement, au-delà de cette préoccupation cette exposition permet de découvrir la manière de travailler des artistes de ‘’l’école de Dakar’’. Cette structure était un mouvement de renouveau artistique né au Sénégal en 1960 et qui a vécu jusqu’en 1974. Elle était soutenue par le Président poète Léopold Sédar Senghor.
C’est ainsi qu’à la Cour suprême, le visiteur peut découvrir des œuvres d’Alpha Walid Diallo, d’Ibou Diouf, d’Ousseynou Ly, de Maodo Niang, d’Amadou Bâ, de Mohamadou Zulu Mbaye, d’Amadou Sow, d’Amadou Maodo Niang, etc. Sur la plupart des tapisseries et peintures, on sent une certaine revendication identitaire des auteurs.
C’est le cas dans l’une des productions de Mamadou Wade accrochée ici et réalisée en 1972. On y voit une scène de guerre avec un contingent de soldats habillés en tenues traditionnelles sénégalaises et perchés sur des chevaux en pleine forêt. Celui qui semble être le roi mène la troupe et a, à ses côtés, son griot.
Tam-tam en bandoulière, ce dernier est à la même hauteur que le roi. Un drapeau rouge est brandi par l’un des soldats derrière. La résistance des Africains face aux colons est chantée ici par Mamadou Wade avec des traits précis et bien distincts. Une résistance dont ont fait aussi montre des Sénégalaises.
Face à l’impérialisme culturel, elles ont su dire et garder leur africanité. Ce sont celles-là qu’a dessiné Maodo Niang. En peinture à huile et bien colorés et en graphisme en noir et blanc avec du crayon noir et de l’encre de chine, les deux tableaux qui montrent la même scène affichent deux femmes en afro. En réalité, c’est l’esthétique africaine dans la scène de tresses comme le révèle son auteur.
Le premier tableau en noir et blanc est réalisé en 1970 alors que celui en peinture et bien coloré l’a été en 1974. ‘’Avant, c’est l’identité et les valeurs qui nous intéressaient’’, a dit M. Niang. D’ailleurs, c’était le cas pour tous les artistes de l’école de Dakar. Parler de la négritude dans leur travail était un de leur sujet de prédilection. C’est pourquoi d’ailleurs le Président Senghor les soutenait.
Dans l’œuvre d’Amadou Sow est représenté un être hybride. Il devait en compter beaucoup à cette époque. Ceux qui ‘’n’étaient ni noirs ni blancs’’, ‘’ni africains, ni européens’’. En outre, l’amour parlait aussi à ces artistes ‘’rebelles’’. C’est le cas d’Ibou Diouf. Dans l’une des tapisseries exposées, on peut lire : ‘’Que je sois le berger de ma bergère dans les tanns de Djilor où fleurissent les morts.’’ Une phrase qu’il a empruntée à Senghor.
Par ailleurs, plus on découvre les créations, plus on s’éloigne des années 1970 pour se rapprocher des années 1980 et 1990. Et l’on découvre une évolution dans les préoccupations des problématiques sociétales. La revendication identitaire n’est plus aussi vivace qu’avant. Les difficultés de la vie quotidienne interpellent des artistes comme Khalifa Guèye.
Dans une de ses productions de 1986, il expose une famille. Une mère assise sur un tabouret est entourée de trois de ses enfants et un quatrième repose sur ses pieds. Le bébé pleure en détournant la tête du sein de sa maman. Ses deux sœurs sont accrochées au bras de leur mère. L’une se tord en se tenant le ventre avec une main et l’autre pleure à chaudes larmes.
Le garçon qui tient l’autre bras de la mère tend l’une de ses mains réclamant quelque chose à cette dernière qui craque à son tour. Une famille affamée. C’est ce que montre Khalifa Guèye avec le désarroi d’une mère qui ne sait où donner de la tête. C’était la dure période des ajustements structurels effectués sous le régime de Diouf. Ce tableau traduit un engagement de l’artiste et sa part de dénonciation des conditions difficiles de vie des populations à cette époque.
Et quand au début des années 1990, les gens espèrent un changement positif, les choses semblent aller de mal en pis. A travers une œuvre de Paulane faite en 1991, on découvre un soleil brillant à la couleur or mais qui émet des rayons noirs et rouges sur la terre. C’était à la veille de la dévaluation du F Cfa. Une autre période ardue pour les Sénégalais.
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