« On n’a pas le droit d’être malade pour se faire belle », plaide Suzanne Oumy Niang, professeur en dermatologie membre du jury de la soutenance de thèse de Madame Fatoumata Diouf Fall, doctorant en pharmacie. C’était le mercredi 7 avril 2010 à la Faculté de Médecine, de Pharmacie et d’Odonto-stomatologie de l’Université Cheikh Anta Diop. Elle révèle : « Il y a plusieurs chutes de cheveux qui sont causées par les instituts de beauté. » Bizarre, car la principale activité dans ces instituts est le traitement de cheveux. Mais les professionnels refusent le diagnostic de la dermatologue et montent à la barre pour se défendre.
Coumba, teint clair et de petite taille, est employée dans un salon situé dans les Sicap, quartier de la moyenne bourgeoisie dakaroise. Pratiquante depuis trois ans après une formation accélérée à l’Ecole internationale de coiffure, elle rapporte : « les clientes n’en font qu’à leur tête, même si tu leur dis que trop de défrisage nuit au cuir chevelu, elles insistent pour le faire. » Son aînée, Fatou Cissokho, la quarantaire, confirme : « Le défrisage doit se faire tous les six mois, mais les clientes insistent et souvent on le leur fait. » La fidélisation de la clientèle vaut-elle ce sacrifice. « Non ! Pas toujours ? » Il y a des questions sur lesquelles, elles sont catégoriques. Sur le registre des mariages catastrophiques, Madame Cissokho est intransigeante. « Souvent, j’ai des clientes qui veulent faire en même temps le mariage, défrisage-coloration qui occasionne des chutes de cheveux. Là, je refuse d’opérer ce travail. » Ouf, la conscience professionnelle est sauvegardée. Mais, c’est une goutte d’eau dans la mare.
Car certaines émissions de télé, genre, Elles sont toutes belles accentuent la tendance fautive. Dans cette heure de beauté de la 2stv, où l’animatrice veut sublimer la beauté de la femme sénégalaise, on y montre souvent l’image suivante : la « reine du jour », comme le surnomme l’animatrice de l’émission, se détresse, se défrise et se retresse en un temps record. « C’est un mariage catastrophique qui est à l’origine de bon nombre de calvities », s’écrie Aminata Barro, présidente du Mouvement pour la défense des consommateurs. Mais, les salons continuent de faire ce mariage.
En tout cas, la sicapoise est formelle : « On n’applique pas toujours ce qu’on a appris ! », confesse-t-elle. Et de poursuivre : « il y a une différence entre la théorie et la pratique, on ne respecte pas souvent les normes, ni les étapes, on joue contre le temps ». Le gain dicte ainsi sa loi. Pourquoi ? « La majeure partie des gérantes n’ont pas été formées. »
La coiffure a été pendant un bon moment un secteur où les femmes qui avaient un don en tresse et en maquillage ont été les pionnières. « On est conscient que nos élèves dérapent sur le chemin de l’informel », soutient Mamadou Ndiaye de l’école Exocoiff.
Outre ces chutes de cheveux et calvities occasionnées par le défrisage plus coiffure, pellicules et mycoses sont propagées par l’absence de stérilisation des instruments utilisés. Des peignes utilisés sur plusieurs têtes. Mais, relativise Coumba : « chaque jour, nous lavons les peignes à l’eau chaude javellisée ou avec de l’alcool avant la descente ».
Jeune stagiaire qui va bientôt boucler sa permière année de pratique après une formation dans une école privée, Ndèye est consciente des dangers potentiels liés à la manipulation des produits cosmétiques. Toutefois, elle n’est pas près de quitter la barque. Sur un ton péremptoire, elle lance : « Je ne supporte pas le finishing mais, je vis. On est au Sénégal. »
Amina Barro, présidente du Mouvement pour la défense, d’information et d’éducation des consommateurs
« On ne respecte pas les normes »
« Les salons ne respectent pas les normes. Cela est dû au niveau d’étude très bas des pratiquantes. Ce qui ne leur permet pas d’assimiler les cours de Cosmétologie. De plus, les fortes températures favorisent le développement des microbes. Les mycoses, Eczemas. On applique le même traitement à tout le monde. Malheureusement, les chutes de cheveux proviennent de plusieurs autres facteurs : une mauvaise alimentation, une vie agitée, le stress. Enfin, il y a l’absence de stérilisation des instruments utilisés (peigne, brosse, etc.). Dans les salons, on utilise souvent le même éponge, ce qui propage les dermatoses car si une cliente est contaminée, les autres le seront. C’est la même chose pour le rouge à lèvres qui expose à l’hépatite B ou aux infections labiales.
Concernant les cheveux, quand tu as un problème hormonal, une vie stressante, une alimentation mal équilibrée, tu as beau faire un traitement, tes cheveux ne poussent pas. On ne respecte pas les normes. On met trop de produits agressifs sur notre cuir chevelu d’où la calvitie très visible chez les femmes. Elle est souvent due au mariage catastrophique, défrisage-brushing et tresse. La majeure partie des calvities provient de ces traitements tel le « ray mou lisse » qui est encore plus agressif. Et puis, la télévision y joue aussi un grand rôle. (Ndlr : voir Elles sont toutes belles). »
Boly BAH
lagazette.sn
LAISSER « elles sont toutes belles « en paix. vous etes jalouses