La stabilité politique, les perspectives économiques avec le début des exploitations du gaz et du pétrole, les infrastructures aéroportuaires existantes (deux aéroports opérationnels à Dakar) et touristique (pour le tourisme d’affaires), mais aussi les prédispositions géographiques du Sénégal sont autant d’atouts à mettre au profit du secteur du transport aérien. Autant d’atouts qui font également penser que l’heure est arrivée de procéder à l’ouverture du ciel sénégalais (“Open sky”) aux compagnies aériennes ‘low-cost” pour dynamiser le secteur, créer plus de valeurs, d’emplois et générer des devises.
En termes de risque pays, le Sénégal est un des pays les plus stables et les sécurisants pour tout investissement. La dernière alternance politique vient confirmer la solidité des fondamentaux du pays. Un contexte qui séduit, attire et offre de belles opportunités d’investissements dans plusieurs secteurs d’activités économiques, dont le transport aérien, un des rares secteur de l’économie sénégalaise à rester encore verrouillé.
Donner une nouvelle dynamique au secteur du transport aérien.
Telle est la mission que le nouveau régime a assignée à son Ministre Cheikh Bamba Dièye (CBD), outillé pour relever ce challenge. Si la participation sénégalaise à la 54e édition du Salon International de l’Aéronautique appelé « Salon du Bourget » avait sans doute donné l’occasion au Sénégal de comprendre la nécessité d’aller ou à la limite d’enclencher concrètement la réflexion sur l’ouverture du ciel sénégalais aux « Low cost » étrangers, force est de constater le manque de suite dans les idées. L’espoir renaît avec l’avènement d’un nouveau commandement sous la houlette de CBD. De quoi remettre en branle-bas de combat une task-force autour de cette question.
Cette «Open Sky» prônée doit épouser les contours d’une politique nationale. Elle devra se concevoir dans une philosophie et une approche à la fois industrielles et socio-économiques. Elle renforcera l’économie nationale par le renforcement du hub aérien sénégalais, et le développement corrélatif de plusieurs autres secteurs stratégiques comme l’industrie aéronautique ou encore le tourisme.
Création d’un écosystème : un écosystème pour créer de la valeur et des emplois durables
Une open sky effective peut créer entre 5000 et 15000 emplois directs et indirects en une décennie. Si elle est adossée à une politique industrielle de repositionnement sur les “nouveaux métiers du monde” comme l’aéronautique en plus de l’ offshoring, c’est à dire si elle repose sur un véritable écosystème aéronautique, le secteur aura la capacité de doubler voir tripler en deux décennies ce volume d’emplois, sur fond de remodelage des formations des jeunes (centres de formation dédiés à la variété des métiers aéronautiques) et de dégagement de nouvelles zones franches capables d’accueillir de nouvelles industries conceptrices de pièces et composantes aéronautiques. Les terrains de l’aéroport Léopold Sédar Senghor vendus par l’ancien régime, auraient pu faire l’affaire. Les ZES peuvent être des ZF de substitut.
Une orientation stratégique qui fera également progresser la R&D.
Cet écosystème se construira à travers des projets de coopération et de colocalisation avec des constructeurs et fabricants de référence de pièces et composantes aéronautiques (sous-traitance aéronautique) pour le compte de géants comme Airbus, Boeing, Bombardier, Dassault Aviation, Snecma, Labinal, Matis, EADS, …), sur fond de création ou d’exploitation des zones spéciales industrielles précitées. Une belle occasion aussi pour élargir les champs de compétences industrielles, créer de la valeur et booster l’emploi.
Dans le sillage de cette nouvelle orientation industrielle, émergeront également de nouveaux champs de compétences avec les activités directes et connexes. Cela aura également un impact sur les activités aéroportuaires puisque l’essentiel des produits émanant de la production aéronautique sera acheminé aux marchés européens par voie maritime. L “Open Sky”, qu’elle soit entre le Sénégal et l’Union européenne (ce qui n’est pas gagné d’avance) ou avec une autre communauté économique du monde, est aussi une véritable opportunité pour le tourisme national, tant dans son offre internationale qu’interne avec la présence potentielle de compagnies bon marché comme EasyJet, Jet4you, Air Arabia, Eagle Azur, Ryanair.. ou même de “nouvelles”, créées à travers des joint-ventures avec des sénégalais (une manière d’encourager les investissements locaux et de garder la main sur le secteur).
Cette ouverture peut permettre aussi à la compagnie sénégalaise Air Sénégal de développer son offre locale, à travers une filiale nationale « low cost » dédiée au transport interne desservant avec plus de dynamisme les régions. L’éventualité d’une ouverture du ciel sénégalais aux compagnies européennes par exemple et malgré la venue éventuelle des redoutables « low cost » va intensifier la concurrence et renforcer la palette de choix de tarifs et services au grand bonheur des voyageurs et touristes.
Chantiers titanesques et multidimensionnels.
Cette ouverture nécessite au préalable une étude-réflexion sur les réalités juridictionnelles-commerciales sur les marchés visés, sachant que les conditions et droits d’établissement de compagnie varient d’un pays à un autre. Rien que dans l’Union européenne (qui n’a pour l’heure accordé cette faveur qu’au Maroc depuis 2006), on note cette disparité avec des types et volumes de restrictions qui varient d’un pays à un autre. Des hantiers titanesques et multidimensionnels. (A suivre).
Cheikh Mbacké SENE
Expert en Communication stratégique, Veilles & intelligence économique
Doctorant en administration des affaires au School of Business and Economics, Atlantic International University (Hawaï, USA)
Ancien Conseiller Technique au Ministère de l’urbanisme, du logement et de l’hygiène publique et au Ministère de la jeunesse