En 2009, le Sénégal s’est opposé à la Côte d’Ivoire sur la question de la norme sanitaire sur l’huile de palme raffinée. La Sunéor avait convaincu l’Etat de faire interdire ce produit, pour cause de santé publique. Aujourd’hui, cette société importe elle-même l’huile qu’elle a décriée. Hier, au Port de Dakar, le Cavally, bateau en provenance d’Abidjan, a débarqué 5 000 tonnes d’huile de palme raffinée, pour le compte de la Sunéor. L’information n’est pas banale, en ce sens que la compagnie nationale de production des oléagineux, a été en tête du front pour l’interdiction de l’entrée sur le territoire national, de l’huile de palme importée, sous prétexte qu’elle était trop riche en acides gras saturés, et donc, dangereuse pour la santé humaine.
Avec le soutien (désintéressé ) de l’Agence sénégalaise de normalisation (Asn), qui avait sorti une norme dite Ns 03-72, qui régulait la composition des huiles de consommation, qui ne devaient pas contenir plus de 30% d’acides gras saturés, la Sunéor était parvenue à faire imposer par décret présidentiel (n°2009-872), l’interdiction de toute importation d’huile de palme, en particulier de Côte d’Ivoire. Ce qui avait causé une forte tension entre le pays de Laurent Gbagbo et le Sénégal, car notre pays avait été traîné devant la Commission de l’Uemoa par le gouvernement ivoirien, ainsi que par la société West africain commodities, basée à Dakar. Cette entreprise, spécialisée dans l’importation et la commercialisation de l’huile de palme raffinée, a été particulièrement lésée par cette mesure, dont le but n’était manifestement que de favoriser un concurrent plus puissant et bénéficiant d’appuis au plus haut niveau de l’Etat.
Condamné par la Commission de l’Uemoa, le Sénégal a introduit un recours devant la Cour de justice régionale, dont la décision est toujours attendue. Entre-temps, la décision d’interdire les importations d’huile de palme, raffinée comme non raffinée, a été suspendue, depuis la décision de la Commission de l’Uemoa.
C’est dans ces circonstances qu’intervient la révélation de ce nouveau débarquement de cargaison d’huile de palme, introduite par la Sunéor. Ce qui met à nu les non-dits de cette mesure d’interdiction de l’importation de ce produit.
Interpellés pour qu’ils s’expliquent sur ce paradoxe, qui voit la société qui a le plus fortement combattu l’arrivée sur le marché sénégalais de l’huile de palme étrangère, en commander une aussi forte quantité, les responsables des relations avec la presse de la Sunéor se sont fait porter pâles. M. Ndiaye a regretté de ne pouvoir répondre à cette question du journal Le Quotidien, et il nous a demandé de nous adresser à la direction, sans pour autant nous indiquer un interlocuteur précis.
Le Quotidien n’a pas eu plus de chance auprès de la Direction du Commerce intérieur. Nos tentatives de joindre le directeur sont restées vaines, ce dernier étant sous boîte vocale. Ce qui fait que les Sénégalais ne sauront pas de si tôt pourquoi la Sunéor, qui peine tant à solder les créances dues aux Opérateurs privés stockeurs (Ops) et aux producteurs d’arachide, préfère nourrir les consommateurs sénégalais avec de l’huile végétale, pour réserver notre huile d’arachide, dont la qualité est reconnue de tous, à l’exportation. Du moment que cette société ne parvient pas à payer ses dettes, à quoi lui sert-il de faire des bénéfices à l’étranger Pour le compte de qui, si c’est pour nourrir les Sénégalais de ce que l’on décriait il n’y a guère longtemps