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Adieu camarade Madické Wade ou Ndaaga pour les proches ! Par Mandiaye Gaye

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Madické Wade, pour ceux qui ne le connaissaient pas,  était l’une des dernières figures historiques et emblématiques de la direction du P A I historique à Saint-louis, dans les premières années  d’existence de sa vie légale. Il était aussi, l’un des héros  et figure marquante de l’épopée héroïque du 31 Juillet 1960, qui marquait la date des élections municipales mémorables de Saint louis.  C’est cet homme-là, qui vient de nous quitter sur la pointe des pieds,  paisiblement et discrètement dans sa ville natale, qu’il aimait tant et ne quittait presque pas, sinon, que pour un laps de temps. Ville pour laquelle, il s’était  toujours battu, depuis sa tendre jeunesse pour la hisser le plus haut possible dans le concert des villes, afin de l’égaler aux plus belles d’entre elles, du monde. Il s’était attelé à cela, jusqu’au dernier souffle de sa vie sur terre et, il en était de même dans tous les engagements qu’il prenait, quels qu’ils soient. Ce qui l’identifie comme un homme qui n’abdique jamais devant les difficultés, si dures soient-elles. Et, l’honneur que ses concitoyens saint-louisiens lui ont récemment rendu en retour, pour son attachement indéfectible à sa ville, lors de la célébration des 140 ans de Saint Louis, en est un témoignage éloquent largement mérité de toute une ville à un de ses meilleurs fils, pour services rendus.

Ndaaga, comme ses proches aimaient l’appeler, est un  pur produit et de souche, de Saint-louis. Il a été présent à tous les combats méritoires dignes de ce nom de notre pays, tant à l’époque coloniale que durant la période la lutte pour l’indépendance nationale. Et même après l’obtention de l’indépendance, son combat s’est poursuivi. Et, au-delà de sa ville, partout où se menaient les luttes pour la liberté, la démocratie, la justice et le progrès social dans tout le Sénégal, il était de la partie.

Victime, comme beaucoup de ses camarades du P A I de l’époque, du pouvoir oppresseur colonial durant les années de luttes pour l’indépendance nationale, il le fut davantage avec la répression du régime néocolonial de Senghor à travers le P A I, considéré comme un danger réel lui et ses militants.

Enseignant émérite de son état, une espèce en voie de disparition, parce comme lui, il n’en existe plus de tels genres pétris de ses rares qualités, de nos jours. Fervent militant éducateur et aussi défenseur intransigeant de l’école publique, à laquelle il a tout donné, en lui consacrant tout son talent et toutes ses qualités pédagogiques les plus chères pour son triomphe et la réussite de ses élèves. Ce qui lui a valu d’avoir eu entre ses mains, beaucoup de jeunes Sénégalais, de partout à travers le pays, qui sont devenus  aujourd’hui parmi les meilleurs cadres et les personnalités les plus dignes de ce nom dans notre pays. Ces derniers d’ailleurs, parmi lesquels, un certain Amath Dansokho, lui vouent une reconnaissance et de l’estime sans borne. Ils reconnaissent  tous sans exception, lui être redevables de beaucoup  pour les efforts inestimables qu’il a eu à déployer dans le passé, avec tant abnégation, afin de leur inculquer solidement un savoir de base ou fondamental, sur lequel devrait venir reposer tout le reste après. Par conséquent, ce qui suppose une solide fondation capable de supporter toutes les autres  lourdes charges à venir. Lui, naturellement, ne demandait jamais de contrepartie et moins encore de privilèges, pour le savoir qu’il donnait, la seule satisfaction ou récompense qui lui suffisait largement, était uniquement la réussite de ses élèves. Beaucoup de jeunes de Saint Louis, qui furent ses élèves dans cette école mythique de Duval, qui sont devenus aujourd’hui même vieux, sont fiers de l’avoir eu comme leur instituteur. Et, au-delà de ses qualités d’enseignant, l’homme était aussi multidimensionnel car, il était à la fois artiste, sportif, homme politique, guide spirituel et écrivain.

Homme politique remarquable, Madické Wade s’est révélé comme un grand dirigeant révolutionnaire aux militants du Parti Africain de l’Indépendance de la ville de Saint-louis, dans les années 50 et 60. Mais, c’est au cours de la campagne électorale des élections municipales de 1960, et surtout le jour du scrutin, précisément le 31 juillet 1960, qu’il s’est particulièrement distingué comme un vrai organisateur et commandant de troupe. A l’issue de ces élections municipales du 31 Juillet à Saint-Louis, il fut arrêté avec Majhmout Diop ainsi que d’autres camarades et jetés tous en prison. Cette page glorieuse du PAI à Saint-Louis porte les marques indélébiles de Madické Wade, par son éloquence, son courage et le sens élevé de l’organisation. Cette séquence du P A I, de ses activités politiques  et sa participation remarquable à ces élections du 31 Juillet 1960 a été l’une des pages les plus glorieuses de sa brève existence, comme parti politique légal. D’abord tôt le matin, et avant que Majh n’intervienne plus tard, c’est lui  Madické, qui conduisait et coordonnait toutes les opérations relatives à l’organisation et à la résistance des militants dans la ville de Saint-Louis. Tout allait bien et l’espoir était vraiment permis que nous pouvions gagner ces élections-là. Mais c’était sans compter avec un pouvoir violent, répressif et antidémocratique. Et, Senghor et son parti, au vu du déroulement du scrutin, de la situation qui prévalait aussi se sont rendu compte aussitôt, que la tendance ne leur était pas favorable et qu’ils risquaient même à ce rythme, de perdre la ville de Saint-Louis. Et immédiatement, ils avaient pris la décision arbitraire de provoquer les représentants du P A I dans les bureaux de vote. Cette décision, avait été prise comme un prétexte valable, justifiant un trouble à l’ordre des militants du P A I, aux seules fins d’avoir un motif de pouvoir vider tous les représentants du parti des bureaux. Cette mesure contre laquelle, naturellement, Madické Wade candidat, et les militants du P A I s’étaient opposés farouchement par une  résistance physique et ferme à tous égards.

C’est cette provocation du pouvoir de Senghor, qui déclencha les hostilités de ce 31 juillet 1960. La riposte sans précédent par sa forme de résistance en guérilla urbaine et l’héroïsme que les militants du P A I avait démontré et opposé aux forces de répression ce jour-là, constituait effectivement, ce qu’on a appelé  plus tard, les évènements historiques des municipales de Saint Louis, dont on parle souvent. J’étais certes jeune, mais je fus témoin et acteur de ces évènements sans précédents dans les annales politiques de l’histoire de notre pays. Il était évident que ce jour-là, si les élections s’étaient déroulées correctement sans heurts et n’eût été aussi la provocation du pouvoir,  suivie de répression aveugle des militants et sympathisants du P A I,  Saint- louis allait être la première ville du Sénégal conquise par un parti d’obédience marxiste-léniniste, dans un pays qui venait juste de sortir de la colonisation. Malheureusement, la progression fulgurante et l’élan d’une dynamique de succès incontestable du P A I ont été brisés par le pouvoir néocolonial de l’époque, en procédant immédiatement le 1er Août 1960, à sa dissolution et son interdiction sur l’étendue du territoire national. Ce n’était pas tout, également la plupart de ses dirigeants présents à Saint-Louis avaient été arrêtés et mis en prison.

Leurs arrestations avaient fait l’objet d’un procès historique retentissant et populaire, grâce à une plaidoirie marquée de haute facture par la qualité de la prestation du pool d’avocats qui assurait leur défense. Devant ce vaste public enthousiaste et favorable à l’unanimité aux inculpés, le tribunal n’avait autre verdict ou issue, que de libérer les accusés. D’ailleurs, ils furent tous acquittés immédiatement  à l’issue du procès. Ce que le Pouvoir de Senghor ne pouvait accepter, et c’est ainsi qu’il interjeta aussitôt un Appel. Connaissant parfaitement la nature violente et les véritables intentions inavouées du pouvoir néocolonial, la direction du Parti ordonna immédiatement l’entrée dans la clandestinité des camarades connus et fichés. Ce qui justifiait que le P A I avait refusé de se laisser abattre comme un lapin. Il faut le souligner, le courage et la détermination des militants du  P A I de cette époque sont sans commune mesure avec ce qui se passe aujourd’hui dans la classe politique globalement. Et cela est resté encore gravé dans ma mémoire.

C’est ainsi que Madické avec d’autres camarades dirigeants du P A I ont abandonné travail, épouse et enfants à un sort incertain, au nom d’un fort idéal commun, de convictions fortes et pour une juste cause, d’entrer immédiatement et totalement dans la clandestinité. Activement recherchés par la police, Madické et ses camarades avaient effectivement bénéficié d’une vaste solidarité et d’un soutien sans faille des populations de Saint-louis, afin d’échapper à la police répressive de Senghor qui était  mise à leurs trousses.

Voilà, ce sont dans ces circonstances particulières-là, que j’ai connu l’illustre disparu. Et depuis lors, nos contacts n’ont jamais été rompus, même si parfois nous étions distancés de fait, parce que nous habitions l’un et l’autre dans des villes différentes. En effet, nous avons pendant longtemps à Saint Louis, avec les camarades Ibnou Mbaye, Malick Sow, moi-même et lui Madické pris tous les soirs le thé chez la camarade Dieynaba Diallo, militante de la première heure parmi les amazones du P A I, dont le courage, la générosité et la fidélité à ses convictions se mesurent à l’aune des grandes dames qui ont consacré leur vie aux justes causes sociales et humaines. C’est cette dame, qui fut sa confidente, qui est restée aux côtés de Madické jusqu’à ses derniers instants de vie. Et en dehors de ses épouses, celle-ci a été la personne la plus proche de Madické jusqu’à sa mort. Elle est aujourd’hui très affectée par cette perte qui lui pèse énormément.

Il faut le noter, que Madické Wade, dans le cadre de l’activité politique fut un dirigeant de premier plan de la direction nationale du P A I à cette époque. Et, pour les besoins de ses activités politiques et révolutionnaires, il avait séjourné à Cuba le temps nécessaire pour subir avec d’autres camarades, dont Alla Kane et Sadio Camara, une formation militaire adéquate de haut niveau. A son retour au pays, il a poursuivi  et intensifié l’activité politique dans la clandestinité. Et pour ceux qui ne le savaient pas, Madické fut aussi le compagnon de misère dans la longue marche et les dures conditions de vie clandestine extrêmement pénibles, avec les  Seydou Cissokho, Alla Kane et Sadio Camara, mais le tout, dans l’honneur et la dignité, sans jamais avoir renié un seul instant leurs convictions profondes. Là aussi, à titre d’information et pour que les Sénégalais le sachent, c’est une autre grande Dame, dénommée Moussoukoro Sakho, notre maman à tous, qui les avait hébergés chez elle à Djoloffène, à quelques encablures de la police de Sor à Saint louis, avec tous les graves risques que cela comportait à l’époque. Et, il s’y est ajouté, au-delà du gît, elle leur avait assuré également le couvert, ceci des années durant. Cet acte de courage et de générosité de haute portée est à saluer, mais à porter aussi, à la connaissance de tous les Sénégalais, selon quoi, il existe bel et bien des bienfaiteurs qui ne réclament jamais de contrepartie. Cette maman en fait bien partie.

La disparition de Madické Wade est une perte immense pour notre pays, mais malheureusement, la jeune génération de notre pays ne l’a pas connu et donc n’a pas pu bénéficier de sa riche expérience dans tous les domaines. Et cependant, elle avait beaucoup à apprendre de cet homme, comme une référence et un modèle d’engagement du don de soi pour les justes causes dans tous les domaines de la société. Voici une race d’hommes en voie de disparition et qui malheureusement, ne nous a pas laissés ou légués leurs riches mémoires et le capital d’expériences accumulées, qui nous permettraient d’y puiser, à chaque fois que de besoin.

C’est pour moi un devoir absolu de mémoire et une charge obligatoire de faire connaitre aux Sénégalais, ma part de vérité  de ce que je sais de Madické et, qui fut-il réellement? J’ose espérer que pour les autres dimensions du camarade disparu, d’autres voix plus autorisées que la mienne, s’en chargeront ou plutôt s’en acquitteront avec la hauteur requise. Je précise au passage, qu’après s’être retiré partiellement de la politique active proprement dite, il s’était consacré totalement à l’activité spirituelle et précisément à la réactivation de la prière des Deux Rakas de Serigne Touba, effectuées chez le Gouverneur du Sénégal à la Place Faidherbe. Et sur ce plan aussi, il avait excellé comme partout ailleurs, en donnant d’abord à cet évènement, un rayonnement national sans précédent, avant de porter sa dimension à un niveau international, en l’organisant à Paris.

Ndaaga, tu es parti à jamais certes, mais tu resteras toujours gravé dans nos mémoires. Et que la terre de Saint-Louis que tu as aimé tant te soit légère. Amine !

Gaye Mandiaye, un camarade et compagnon des années de braise

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