L’affaire de l’Agence de régulation des télécommunications et des postes (ARTP) ne cesse de rebondir. Et aujourd’hui, l’on se demande bien pourquoi la Chambre d’accusation a prononcé un non-lieu pour Moustapha Yacine Guèye, patron de Magal Holding Limited (MTL), après celui accordé à Cheikh Amar, patron de Tracto Services Equipement (TSE), et maintient en prison l’ancien Directeur général de l’ARTP, Ndongo Diaw ?
La question mérite bien d’être posée, si, comme le soutiennent nos sources, les juges de la chambre d’accusation affirment n’avoir aucune preuve que le reliquat de 860 millions dans la médiation pénale entreprise par Moustapha Yacine Guèye ait été versé et bien encaissé par la Caisse de dépôt et consignation. Et pourtant, le patron de MTL a bien bénéficié d’un non-lieu, alors que l’ancien Directeur général de l’ARTP continue de croupir en prison, ne pouvant même pas bénéficier d’une liberté provisoire derrière laquelle ses avocats courent depuis des mois.
Or, lorsqu’il est arrivé des mois auparavant à l’aéroport de Dakar en provenance de Dubaï, alors qu’un mandat d’arrêt international lui pendait au nez, Moustapha Yacine Guèye n’a échappé à l’arrestation que parce qu’il a présenté aux limiers un document prouvant que sa banque, la Société générale de Paris, avait enclenché la procédure de virement du reliquat de 860 millions.
EnQuête avait à l’époque écrit que le patron de MTL, lavé comme Cheikh Amar de TSE dans ce dossier de détournements de deniers publics survenu à l’ARTP, c’est l’ancien DG Ndongo Diaw, qui reprenait ainsi espoir. Une affaire ARTP qui avait fait grand bruit en son temps, comme un exemple achevé de prédation de deniers publics. Le vendredi 29 juin 2012, en compagnie de Ndongo Diaw, Mamadou Yaké Bâ et Léon Patrice Sagna, respectivement ancien DG, comptable et responsable financier de l’ARTP, Moustapha Yacine Guèye, patron de Magal Holding Limited (MTL), était déféré au parquet. Tous risquaient une inculpation pour détournement de deniers publics, recel et faux.
Le présumé détournement est lié d’une part à l’achat d’un immeuble à 3,5 milliards auprès de Cheikh Amar. Une transaction jugée irrégulière. D’autre part, il est reproché aux ex-responsables de l’ARTP d’avoir frauduleusement soustrait des caisses de la structure la somme de 3,07 milliards de francs Cfa dans le cadre du contrôle des appels entrants. Moustapha Yacine Guèye avait surtout intéressé les enquêteurs pour la somme de 1,8 milliard qui lui a été payée directement par la structure dirigée à l’époque par son compagnon en business, Ndongo Diaw.
Les justificatifs de ce paiement sont restés nébuleux. MYG, fervent talibé mouride, ancien cadre de la multinationale IBM, rentré au pays, était, disait-on, un important support financier de Touba, ce qui en fait une patate bien chaude pour les autorités. En tout cas, ayant transigé pour 1 milliard afin de ne pas aller en prison, Moustapha Yacine Guèye s’était ensuite fondu dans la nature, jusqu’à ce retour tumultueux qui lui avait permis de prouver avoir totalement soldé la somme qui lui était réclamée par la justice.
Ndongo Diaw, lui, avait vu la demande de liberté provisoire formulée par ses avocats rejetée au mois de mai dernier par la Chambre d’accusation, suivant en cela le Doyen des juges Mahawa Sémou Diouf, au moment où ses co-accusés Léon Patrice Sagna et Mamadou Yaké Bâ bénéficieront eux de la LP. Poursuivi pour détournements de deniers publics, corruption passive, concussion et faux et usage de faux, Ndongo Diaw reste aujourd’hui seul en prison. Cette situation pour le moins incongrue pousse à croire que c’est seulement parce qu’il n’a pas de parapluie protecteur, pour ne pas dire la protection de lobby religieux qu’il continue de croupir en prison, alors que ses coaccusés sont libres comme le vent.