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Affaire de la forêt classée de Mbour 4 Extension : une responsabilité partagée (Par Papa Makha Diao)

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« Cette forêt appartient à tous, il faut que les gens la respectent » ainsi s’exprimait le Colonel Youssoupha DIOUF, Inspecteur régional des eaux et forêts dans le quotidien l’enquête, en date du 22 Aout 2020. Il avance que, cette forêt, qui s’étend sur une superficie de 4 300 km2, doit être conservée pour le bien de tous.

C’est donc dire l’importance qui s’attache à la préservation de cette forêt dans un contexte marqué par la surenchère foncière.

De quoi s’agit-il ? En 2006, la ville de Thiès a attribué des parcelles dans les 67 ha du lotissement de 82 ha dans la partie de Thiès dénommée Mbour 4. Ainsi, les attributaires ont édifié des constructions sur le site classé alors que pour occuper cet espace, il faut un acte de déclassement. Et, il se trouve que les 67 ha empiètent dans la forêt classée de Thiès.

Naturellement, l’autorité de contrôle de l’occupation du sol en l’occurrence la DSCOS a procédé, ces derniers jours, à la démolition desdites constructions jugées irrégulières et en porte à faux avec les prescriptions de la loi portant Code de l’Urbanisme.

Dans ce qu’il est convenu d’appeler l’affaire La forêt classée de Mbour 4 Extension, il importe de se poser la question de savoir si une commune, un promoteur immobilier ou un particulier a-t-il le droit d’effectuer des lotissements ou de construire dans une forêt classée patrimoine commun ? 

Dans un monde marqué par le changement et le dérèglement climatique, la lutte contre la déforestation, la lutte contre l’érosion côtière, les inondations, la pollution etc. doit-on préserver nos forêts ou édifier des constructions ne respectant pas les prescriptions légales ?

Pourtant, la loi constitutionnelle n° 2016-10 du 05 avril 2016 portant révision de la Constitution a consacré la reconnaissance de nouveaux droits aux citoyens notamment le droit à un environnement sain, le droit sur les ressources naturelles et leur patrimoine foncier.

Aussi ressort-il de l’article 25-2 de la Charte fondamentale que : «  les pouvoirs publics ont l’obligation de préserver, de restaurer les processus écologiques essentiels, de pourvoir à la gestion responsable des espèces et des écosystèmes, de préserver la diversité et l’intégrité du patrimoine génétique, d’exiger l’évaluation environnementale pour les plans, projets ou programmes, de promouvoir l’éducation environnementale et d’assurer la protection des populations dans l’élaboration et la mise en œuvre des projets et programmes dont les impacts sociaux et environnementaux sont significatifs ».

Ainsi donc, la préservation du patrimoine foncier et forestier est devenue une exigence constitutionnelle.

Au-delà du texte constitutionnel qui accorde une garantie à la protection des ressources naturelles, les dispositions des Codes Forestier et de l’Urbanisme prévoient respectivement la procédure du classement et du déclassement des forêts ainsi que les sanctions encourues en cas de non-respect des prescriptions légales.

En effet, l’alinéa 2 de l’article 27 de la loi 2018-25 du 12 novembre 2018 portant Code forestier dispose que : « Le déclassement d’une forêt ou d’une terre à vocation forestière ne peut intervenir que pour un motif d’intérêt général ou de transfert des responsabilités de L’État en matière de gestion forestière au profit d’une collectivité territoriale qui garantit la pérennité de la forêt ». Pour la présente contribution, on ignore si un acte de délassement a été introduit dans le circuit administratif. Toujours est-il que, par le biais d’une promesse de régularisation annoncée par le Chef de l’État, en 2017, les populations en ont profité pour occuper illégalement la zone forestière. De ce fait, Même si l’opération de lotissement a été effectuée sous l’empire de textes aujourd’hui abrogés, il demeure que l’option de l’État est clairement affichée. Il s’agit de la protection des ressources naturelles dont la forêt est une composante.

En outre, il est fait état de constructions irrégulières dans lesdits lieux. À cet égard, les dispositions pertinentes de la loi n° 2008-43 du 20 août 2008 portant Code de l’Urbanisme sont assez dissuasives. En effet, l’alinéa premier de l’article 85 dispose que « Toute personne qui réalise ou entreprend, fait réaliser ou fait entreprendre, modifie ou fait modifier des constructions ou installations sans autorisation administrative ou en violation des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur, est punie d’une amende de 100.000 à 10.000.000 francs. Les maîtres d’œuvre, entrepreneurs ou toute autre personne ayant concouru à l’exécution desdites constructions ou installations sont punis des mêmes peines ». Effectivement, l’autorité chargée du contrôle a adressé plus de 250 sommations d’arrêts travaux pour absence d’autorisation administrative et défaut de titre.

La protection du patrimoine foncier et des ressources naturelles n’est pas seulement l’apanage du Constituant et du Législateur, le juge administratif ne se gêne guère pour faire respecter une évaluation environnementale ou une enquête avant l’affectation des terres.

Dans l’affaire Mame Diarra Diop et autres c/ la Commune de Dya en date du 28 mars 2019 (Arrêt n° 9, Inédit), les juges de la haute juridiction ont annulé la délibération n°16/C-DYA/2017 du 4 novembre 2017 du Conseil municipal de Dya, approuvée par arrêté n°101/A.NG/SP du 9 novembre 2017 du Sous-préfet de l’Arrondissement de Ngothie, portant affectation d’un terrain d’une superficie de huit cent quarante-cinq (845) hectares sis à Sagne Bambara à la Société nouvelle des Salins du Sine Saloum, pour l’implantation d’une usine de sel.

En effet, selon la cour, il n’est pas établi qu’une évaluation environnementale a été faite avant la décision attaquée qui porte affectation de terres en vue de l’implantation d’une usine de sel laquelle, selon l’article L9 du Code de l’environnement, est une installation classée susceptible de porter atteinte à l’environnement.

L’article 27 de la loi précitée fait état d’un motif d’intérêt général pour déclasser ou une forêt. Alors, doit-on priver une grande ville comme Thiès, et par ricochet le Sénégal, d’une forêt pouvant absorber les effets de la pollution, limiter l’avancée du désert, attirer des pluies ou régulariser 250 personnes qui ont construit sans autorisation préalable (l’article 68 du Code de l’urbanisme exige une autorisation de construire avant d’entamer une construction) ? Cette problématique nous permet d’en soulever d’autres.

La responsabilité de la Commune de Thiès peut-elle être engagée en ce que c’est elle-même qui avait procédé au lotissement en 2006 sur le site sans pour autant disposer d’un acte de déclassement ? L’autorité administrative notamment le Préfet qui avait approuvé l’acte de lotissement est-elle aussi responsable ? les services de l’urbanisme à l’époque avaient-ils bien instruit le dossier de lotissement ? Les personnes qui ont construit illégalement sans titre, ni autorisation pourront-elles être punies d’une amende ou d’un emprisonnement comme l’exige le Code de l’Urbanisme ? La responsabilité de l’autorité de contrôle du sol n’est-elle pas engagée en ce qu’elle doit anticiper sur l’occupation illégale de l’espace et du sol ? Pourquoi démolir ces constructions alors que ces gens, même s’ils sont de l’illégalité, ont consenti d’énormes sacrifices pour construire ?

Autant de questions qui permettent de poser le débat sur le bien-fondé ou non des démolitions des constructions édifiées sur ledit site.

En tout état de cause, il est tout à fait loisible de soutenir que ces interrogations nous poussent à affirmer que la responsabilité est partagée entre l’administration, la collectivité territoriale et les personnes ayant construit sans titre, ni autorisation préalable.

Puisque la plupart des gens qui construisent sans autorisation le font la nuit, il urge donc d’intégrer dans le Code de l’Urbanisme notamment la partie réglementaire, une disposition devant permettre à l’autorité de police du sol de pouvoir effectuer des contrôles nocturnes afin d’anticiper sur les constructions illégales.

L’affaire MBOUR 4 montre encore une fois de plus que les textes sur le foncier de manière générale méritent d’être réactualisés.

Bien plus, des assises sur la gestion du foncier doivent se tenir afin de nous éviter des lendemains incertains.

Papa Makha DIAO, Intervenant en Master en Droit de l’Urbanisme à l’Université Cheikh Anta DIOP et à l’Université Amadou Hampaté BA de Dakar. ([email protected]).

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