L’Afrique du Sud est toujours sous le choc après la publication d’un rapport de 355 pages sur les liens compromettants du chef de l’Etat avec une riche famille d’hommes d’affaires. Le rapport publié mercredi, après une décision de justice, détaille les relations corrompues du président Zuma et de certains ministres avec les Gupta, accusés de s’ingérer dans les affaires de l’Etat. Le numéro un suf-africain avait pourtant tout fait pour tenter de bloquer la publication de ce rapport.
L’opposition politique appelle purement et simplement à la démission du président Jacob Zuma. Plusieurs partis ont déjà annoncé leur intention de déposer dès la semaine prochaine une motion de censure contre le chef de l’Etat. L’Alliance démocratique annonce son intention de porter plainte contre plusieurs personnes citées dans ce rapport.
Du côté du parti au pouvoir, le Congrès national africain (ANC), pas de réaction pour l’instant. Les cadres disent étudier le rapport, mais le parti est déjà profondément divisé sur son soutien au président Zuma. En revanche, ce jeudi matin, une trentaine de vétérans de l’ANC ont pris position.
Une centaine de héros de la lutte anti-apartheid, comme Ahmed Kathrada et Andrew Mlangeni, tous deux compagnons de cellule l’ancien président Nelson Mandela, appellent l’ANC à faire le ménage, exprimant leur déception face à un mouvement qui semble avoir oublié ce pour quoi ils se sont battus. Ils demandent à rencontrer le chef de l’Etat sans pour autant appeler à sa démission.
Ces hommes et femmes qui se sont battus pour la démocratie et l’état de droit se disent choqués par le comportement de leur président Jacob Zuma. « Notre président a couvert de honte notre organisation et notre pays avec son comportement honteux, sa corruption et sa collusion avec des individus qui se moquent bien de notre pays et de ses citoyens. Il a abusé de son pouvoir et des ressources de ce pays pour éviter d’avoir à faire face à la justice, s’indigne Cheryl Carolus, ancienne leader étudiante sous l’apartheid. Nous sommes scandalisés par le niveau de corruption et le mépris flagrant envers une Constitution pour laquelle nous nous sommes tant battus. Ce qui nous choque encore plus, c’est que les ressources de l’Etat sont pillées par nos propres leaders, et en premier par notre président. Notre pays est en train de brûler et l’ANC reste silencieuse. »
Pas de démission dans l’immédiat
Le rapport, dans sa conclusion, demande une enquête sur de possibles « crimes » de corruption commis au sommet de l’Etat. La médiatrice de la République demande une enquête judiciaire, qu’une commission d’enquête soit mise sur pied dans les 30 jours, et lui donne six mois pour compléter cette enquête.
En effet, les informations dans ce rapport sont des pistes qu’il faut ensuite creuser pour obtenir des preuves susceptibles de tenir devant un tribunal. D’ici là, peu de chance que le président démissionne. Dans tous les scandales précédents, il s’est toujours battu jusqu’à la dernière minute.
La réponse qu’apportera Jacob Zuma à la situation va plutôt dépendre de l’attitude de son parti, l’ANC. C’est un mouvement divisé entre les pro-Zuma et ceux qui estiment qu’il doit partir et qu’il a déjà beaucoup terni l’image du mouvement, au pouvoir depuis la fin de l’apartheid.
Zuma absent
Aux dernières élections locales, l’ANC n’a obtenu que 56 % des votes, principalement à cause des scandales entourant le chef de l’Etat. L’ANC doit se préoccuper de son avenir. Tout va dépendre des rapports de force au sein du mouvement. Concrètement, on reproche aujourd’hui au chef de l’Etat de ne pas être intervenu pour mettre fin à l’influence de la famille Gupta.
Dans un des cas cités, par exemple, le ministre adjoint des Finances, Mcebisi Jonas, a avoué que les Gupta lui avaient proposé le poste de ministre ainsi que de l’argent. S’il est prouvé que le président nommait ses ministres sur les recommandations des Gupta, c’est une violation de son serment de chef d’Etat et il peut être poursuivi.
De même, le rapport fait état d’un appel téléphonique du président à l’un de ses collaborateurs, lui demandant de contacter les Gupta et de les aider. Une fois de plus, s’il a permis ou facilité la mainmise de cette famille sur les affaires de l’Etat, cela peut être considéré comme une infraction.
Il y a aussi de nombreux exemples où les Gupta auraient obtenu des contrats publics via Duduzane Zuma, le fils du président qui travaille pour cette famille, et qui les aurait mis en contact avec tel ou tel ministre. Le chef de l’Etat peut encore contester le document. Pour l’instant, il ne s’est pas exprimé. Jacob Zuma est en visite au Zimbabwe.
RFI