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Algérie : deux ex-premiers ministres condamnés pour corruption

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Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal étaient jugés pour une série de malversations touchant le secteur automobile et le financement électoral «occulte» d’Abdelaziz Bouteflika.

C’est la première fois depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962 que sont jugés d’anciens chefs de gouvernement, et pas n’importe lesquels. Ahmed Ouyahia, 67 ans, a été quatre fois premier ministre entre 1995 et 2019, dont trois fois durant les 20 ans de présidence Bouteflika, et Abdelmalek Sellal, 71 ans, a dirigé le gouvernement de 2014 à 2017 et quatre campagnes électorales d’Abdelaziz Bouteflika. Les deux ont été condamnés mardi 10 décembre à respectivement 15 et 12 ans de prison pour corruption. Ils étaient poursuivis avec d’autres anciens hauts dirigeants politiques et des grands patrons pour une série de malversations touchant le secteur automobile et le financement électoral «occulte» d’Abdelaziz Bouteflika, contraint en avril à la démission par un mouvement de contestation populaire inédit.


Abdeslam Bouchouareb, ancien ministre de l’Industrie en fuite à l’étranger, a lui été condamné par contumace à 20 ans de prison. Deux autres ex-ministres de l’Industrie Mahdjoub Bedda et Youcef Yousfi ont écopé de 10 ans d’emprisonnement. Ancienne préfète, Nouria Yamina Zerhouni, qui comparaissait libre à la différence de ses coaccusés, s’est vu infliger cinq ans de prison ferme. Ancien président du Forum des chefs d’entreprises (FCE), principale organisation patronale du pays, Ali Haddad, PDG du n°1 privé du BTP algérien a été condamné à sept ans de prison ferme. Trois autres hommes d’affaires, Ahmed Mazouz, Hassen Arbaoui et Mohamed Bairi, propriétaires d’usines de montage de véhicules, ont écopé respectivement de sept ans, six ans et trois ans de prison ferme. Les biens de l’ensemble des fonctionnaires et ceux de leur famille ont été confisqués.

Ce procès était le premier consécutif aux vastes enquêtes sur des faits présumés de corruption, ouvertes à la suite du départ forcé du président Bouteflika, et soupçonnées de servir opportunément des luttes de clan au sommet dans l’après-Bouteflika. Les accusés comparaissaient pour des affaires de favoritisme dans l’industrie automobile, mise sur pied via des partenariats entre marques étrangères et grands groupes algériens, souvent propriétés d’hommes d’affaires liés à l’entourage du président déchu. Le préjudice pour le Trésor public estimée à plus de 128 milliards de dinars (975 millions d’euros), selon le chiffre donné par l’agence officielle APS. Mais les débats ont été dominés par les accusations de financement illégal de la dernière campagne électorale d’Abdelaziz Bouteflika.

« Il ne me reste pas beaucoup à vivre. S’il vous plaît, M. le juge, réhabilitez-moi  »

L’ancien premier ministre Abdelmalek Sellal

Pendant tout le procès, ouvert mercredi au tribunal de Sidi M’hamed, dans le centre d’Alger, les prévenus ont nié en bloc, et se sont défaussés les uns sur les autres. «Je n’ai été ministre que deux mois et demi», a argué l’ex-ministre Mahdjoub Bedda. «Je jure que je suis innocent. J’ai été à la direction de la campagne une semaine seulement», a renchéri son coaccusé Abdelghani Zaalane. Prenant la parole dimanche, pour la dernière fois avant le verdict, les principaux prévenus ont encore protesté de leur «innocence». Abdelmalek Sellal, dont le fils était également jugé, s’est même effondré en larmes, jurant qu’il n’avait «pas trahi le pays» et implorant : «Il ne me reste pas beaucoup à vivre. S’il vous plaît, M. le juge, réhabilitez-moi».

De nombreux avocats de la défense boycottaient les audiences, dénonçant une «parodie de justice» et un climat de «règlements de compte». Appelé à la barre comme témoin, Saïd Bouteflika, frère et conseiller du président déchu, a refusé de répondre aux questions du juge. « L’Algérie d’avant le mois de février et l’Algérie de maintenant n’est pas la même (…) Nous sommes ici pour appliquer la volonté du peuple (…) Nous voulons un procès historique et (une) morale pour celui qui veut en tirer des enseignements», avait martelé dimanche le procureur avant de conclure le procès. Ce dernier a eu lieu pendant les tout derniers jours de campagne pour la présidentielle de jeudi, un scrutin massivement rejeté par le «Hirak», le mouvement de contestation populaire du régime.


Le Figaro

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