L’ancien président de l’Union des magistrats du Sénégal (Ums) s’est fendu de ce texte que Le Quotidien reproduit in extenso, pour exprimer son sentiment, relativement au bras de fer qui oppose ses collègues magistrats à leur tutelle. S’il juge ainsi «contraire à la morale, à l’éthique et au simple bon sens», le fonds commun des magistrats, il n’en déclare pas moins, que le ministre de la Justice n’a pas le droit de remettre en cause, les jours de congés des magistrats. Pour Aliou Niane, il ne saurait être acceptable de toucher à ces acquis pour la simple raison qu’il s’agit d’un mois de congé annuel et 15 jours de vacances judiciaires.
«La rencontre entre le ministre de la Justice et le bureau de l’Union des magistrats sénégalais (Ums) a révélé un certain nombre de problèmes de nature et d’acuité différentes. Mais, sur certaines questions, les autorités politiques gagneraient à revoir leur perception du problème et la position qui en découle. Il en est ainsi, par exemple, de la problématique posée autour de la question des vacances judiciaires.
Non à la remise en cause des vacances judiciaires
A ce propos, le ministère de la Justice n’a pas intérêt à mettre sur le tapis de telles questions. Les vacances judiciaires constituent une exigence qui découle de la spécificité, des vicissitudes, contraintes et sujétions particulières inhérentes au fonctionnement du secteur. Elles obéissent, sous cet angle, à la même logique que les trois mois de vacances au niveau de l’enseignement. Sauf que pour le judiciaire, il ne s’agit que d’un mois de congé annuel et de 15 jours de vacances judiciaires. Vouloir remettre en cause cette pratique ne saurait être acceptable. Celle-ci constitue l’une des facettes de la contrepartie, à titre purement illustratif, des audiences que les magistrats tiennent jusqu’à 3h ou 4h du matin. Qu’est-ce qui se passerait si les magistrats devaient arrêter leurs audiences à 17h ou 18h ?
Sur cette question, il faudrait, peut-être, organiser les juridictions afin que la tenue des audiences ne soit pas perturbée par les vacances judiciaires.
«Cantinisation et mercantilisation»
Concernant le fonds commun, je le dis de la façon la plus nette et précise : son institution est contraire au bon sens, à la morale et à l’éthique. Si l’on s’en réfère aux dispositions du décret 2012-2029 du 1er décembre 2012, celles-ci indiquent que «le fonds commun des magistrats sera alimenté par les recettes recouvrées au titre des amendes criminelles, correctionnelles ou de police ainsi que des confiscations prononcées par les Cours et Tribunaux en toutes matières (…) ; des amendes civiles, des droits de chancellerie payés par les bénéficiaires de décrets de naturalisation ; des consignations faites pendant l’instruction lorsqu’elles sont définitivement acquises au Trésor public () ; toutes autres ressources décidées conjointement par le ministre chargé des Finances et le ministre chargé de la Justice». Alimenté ainsi, le fonds commun est une forme de «cantinisation», de «mercantilisation» de la justice.
«Injure à la magistrature»
En effet, cela donne aux magistrats un intérêt personnel et pécuniaire sur les décisions de justice qu’ils prennent ou les actes judiciaires auxquels ils participent. Ce qui peut pousser quelqu’un à faire intervenir des éléments exogènes provenant de sa propre comptabilité au moment de trancher un litige. De ce point de vue, l’institution du fonds commun des magistrats tel que prévu serait aussi grave que des actes de corruption. Penser pouvoir intéresser les magistrats sur le capital des décisions qu’ils rendent, c’est injurier la magistrature. Cela serait assimilable aux faits notés dans l’arène où les arbitres perçoivent une part des amendes infligées aux lutteurs à partir de leurs propres sanctions.
Aujourd’hui, au lieu de ruer sur les brancards pour faire appliquer un tel décret, l’Ums gagnerait à mobiliser ses troupes en vue de son abrogation pure et simple. Toute autre voie empruntée serait périlleuse et constituerait une véritable forfaiture pour toute la magistrature.»
«Il est certes vrai que des mesures d’ordre salarial ont été prises par le président de la République en vue de renforcer l’indépendance de la magistrature. Mais la pratique a montré que, malgré leur importance, elles n’ont pas atteint les effets escomptés à cause du facteur fiscal. En effet, les magistrats ont aujourd’hui un million d’indemnités dans leur salaire. Mais une bonne part de ce montant est «capturée» par l’impôt sur le revenu. C’est ainsi que la plupart des magistrats, malgré ce montant d’indemnités, ont un salaire net en-deçà de 800 000 francs Cfa. Ce qui n’est point négligeable, mais cela reste éloigné de la volonté politique des autorités et des revendications justes et légitimes des magistrats.
Pour une indemnité de représentation
C’est cela qui motivait ma demande, lorsque j’étais à la tête de l’Ums, de transformer l’indemnité de judicature en indemnité de représentation, qui est exonérée d’impôt sur le revenu à 100% pour les ministres et députés et à 50% pour les présidents de conseil régional. Contrairement à certains dirigeants d’entreprises publiques qui perçoivent l’indemnité de représentation, sous la forme d’un remboursement de frais, sur la base de dépenses effectuées et dûment justifiées, les ministres et députés disposent de la même indemnité sur la base d’une subtilité juridique et fiscale visant exclusivement à relever le niveau de leur rémunération.
Ainsi et dans une optique d’indépendance du judiciaire et sur la base des principes de séparation et d’équilibre des pouvoirs, les magistrats devront bénéficier d’une indemnité de représentation. Et dans cette perspective, au lieu de créer une nouvelle indemnité, il s’agira tout simplement de transformer l’indemnité de judicature en indemnité de représentation. Ceci aurait permis aux magistrats d’éviter d’enfourcher le cheval du fonds commun qui nous réduit, tous, à une «comptabilité de palefreniers».
PERSPECTIVES DE L’UMS
Aujourd’hui, l’urgence est à la réflexion de grande envergure et à la mobilisation autour d’objectifs clairement définis correspondant à la hauteur attendue des magistrats et étant en droite ligne de leurs missions sacerdotales. A cet effet, l’Ums devra, inéluctablement, se délester de certaines de ses revendications financières et incruster son action dans un processus visant à élever la justice à un niveau qualitativement supérieur. Cela devra passer par :
– une meilleure distribution de la justice ;
– une annihilation de tout facteur d’injustice et de tout acte de corruption dans le secteur de la justice ;
– une réduction sensible du volume et de la durée des détentions préventives ;
– une réelle diligence dans la délivrance des actes de justice ;
– une meilleure protection des droits et libertés des citoyens ;
– une plus grande spécialisation des magistrats dans des domaines aussi pointus que le droit maritime, le droit financier, la cybercriminalité, le droit des affaires …
Les intertitres sont de la Rédaction
lequotidien.sn
C’est ça être magistrat et non de passer tout le temps à parler de fonds commums. C’est à la longue même une humiliation que de voir des magistrats revendiquer des fonds commums au moment où ils font partis des fonctionnaires les mieux traités au Sénégal.
Votre sens de l’honnêteté, votre bravoure et le sens du refus vous a valu votre défénestration à la tête de l’UMS.
Certains magistrats véreux vous ont même combattu silencieusement, nous étions là et nous avons tous vu et compris.
Du courrage DIEU vous le paiera car vous défendez la Justice sénégalaise.
Un vrai homme de justice. Tu es un homme intègre et tu le sera toujours jusqu’à la fin de temps. Merci Aliou Niane de cette contribution.
Combien de fois nous verrons cette catégorie d’homme sincère et courageux dans leurs prises de positions sur des sujets aussi délicats ? Nos médias devraient leur donner davantage l’occasion d’éclairer les citoyens sur cette affaire qui commence à énerver nos compatriotes. Les Magistrats et les Enseignants pensent devoir pomper les ressources du peple à leur seul profit comme si plus de 90% DE LA POPULATION n’étaient pas dans la dêche! Dans des pays plus nantis que le nôtre, il est devenu plus prudent de parler de dimunition de 15 à 20 % des salaires pluôt que d’augmentation. Le Sénégal doit revoir la générosité manifestée par « mon ancien Président » qui avait une peur bleu des troubles sociaux à deux ans des élections. pARTAGEONS UNE GRANDE PARTI DU TRAVAIL QUI EXISTE DANS LA FONCTION PUBLIQUE EN DIMINUANT LES SALAIRES DE 15% POUR LE RECRUCTEMENT D4AU MOINS 3000 jeunes dans les structures de santé, l’éducation et personnel de justice !
„Kou wakh, Fègne!! 1 million d’indemnités !! ??
Cette prise de position illustre, si besoin en était encore, comment les sales « élites » de tout bord, pire que des brigands, spolient la sueur de la nation, tout en insistant, par le verbe, les habillages et les postures hypocrites, sur les valeurs de peuple, de « démocratie », de citoyen, de justice ou de morale, comme ici.
Une ou deux remarques : Premièrement : Les personnels de l’Éducation n’ont pas TROIS mois de vacances (du 31 juillet au premier lundi d’octobre, jusqu’ici, cette année encore moins, d’ailleurs…). Deuxièmement : Monsieur Niane (et les autres), avez-vous dénoncé le Fonds commun et vous êtes-vous battu, sans relâche et de toutes vos forces (par exemple en démissionnant aussi de vos différentes fonctions)contre cette forfaiture et les autres – avant et,surtout, lorsque vous étiez à la tête de l’UMS ?
Ça ne sert à rien de parler APRÈS ! Sinon, c’est de la duplicité populiste, avec des projections personnelles, comme chez tous ces nouveaux scribes et hérauts de la morale qui ont mangé des deux mains, jusqu’à l’indigestion, dans les râteliers de Wade et Cie.