L’Alliance pour la République, tout parti présidentiel qu’il est, qui plus est au pouvoir, est un véritable géant au pied d’argile marron. Une situation qui ne semble pas déplaire à son fondateur qui, en tant qu’ancien du Pds, ne s’en émeut pas…
On croyait certaines images révolues avec le départ du régime libéral. Mais l’incident qui s’est produit ce dimanche à Matam – le député Farba Ngom dégainant son arme en toute impunité, au cours d’une manifestation politique – prouve que les démons ne sont pas exorcisés. S’il est vrai que le choc des ambitions appelle souvent à la guerre de positionnement, la violence à laquelle on assiste avec l’Alliance pour la République renseigne sur la crise de croissance de ce parti au pouvoir, mais surtout sur sa vulnérabilité.
Une vulnérabilité qui s’explique, en partie, par sa non-structuration. L’APR, depuis sa naissance, fonctionne toujours avec des structures provisoires. Ce qui favorise les tendances dont les conséquences pourraient lui être gravissimes aux élections locales de juin 2014. Et la tension politique de ce week-end en est un signal fort.
A Matam, la tentative de ‘’réunification’’ des responsables locaux a échoué du fait d’une bataille rangée entre les partisans du griot du président de la République, Farba Ngom, ceux de Mody Sy et du maire Mamadou Mory Diaw. A Fatick, les mêmes raisons feront avorter la ‘’réunion d’information’’ qui devait être supervisée par Abdou Aziz Diop, conseiller spécial à la Présidence.
Le meeting organisé par la Convergence des jeunes républicains (COJER) sur l’esplanade du Grand théâtre, sur initiative de son coordonnateur, le député Abdou Mbow, a été dispersé à coup de pierres par une autre frange de la même structure dont le leader qui conteste le…leadership du député frappé par ‘’la limite d’âge’’.
La même tension prévaut à Thiès où les ministres Thierno Alassane Sall, Augustin Tine, tous originaires de la localité, se regardent en chiens de faïence. Les images des violences qui avaient émaillé l’inauguration de la permanence de l’APR dans la ville du Rail en novembre 2013 restent encore récentes. A Dakar, la situation n’est guère meilleure.
Car Adama Faye, frère de la première dame, est à couteaux tirés avec le Premier ministre Aminata Touré pour la conquête de la mairie de Grand-Yoff aux prochaines locales. Très critiquée par une frange du parti qui lui prête des ambitions présidentielles, le chef du gouvernement y joue donc une part de son avenir politique. Le ministre d’Etat Marième Badiane devra, elle aussi, asseoir un leadership face à Ndèye Fatou Gassama, parente du président, qui lui dispute la mairie de Sicap-Mermoz-Sacré-cœur.
Macky Sall : «L’Apr est un parti à part»
Cette situation est d’autant plus préoccupante qu’on ne sent pas la présence d’un leader fort. L’appel à ‘’l’unité dans la ’discipline’’ que Macky Sall avait lancé à ses partisans lors du 5e anniversaire de son parti est comme tombé dans l’oreille de sourds qui n’en font qu’à leur tête. De plus, le statu quo ne semble pas le déranger. Au contraire, dit-il ‘’l’APR est un parti à part’’ et il préfère s’y accommoder.
«Voici un parti qui n’est pas structuré comme nous l’enseignent les sciences politiques depuis 1913, en section, comité ou fédération. Jusque-là, nous avons fait le pari de ne pas faire de structuration verticale de notre parti. Nous avons préféré laisser l’adhésion libre à la base et constitué les militants en pôles de 100 (personnes), soit les comités de base», poursuit le président de la République.
‘’Tout le monde se croit légitime’’
Une démarche inefficiente, semble dire le politologue Fara Diallo pour qui, lorsqu’«un parti n’est pas structuré», son ‘’’fonctionnement pose problème’’. De fait, «il y a un véritable problème d’interprétation et d’application des textes. Tout le monde se croit légitime, on n’a pas besoin de faire cas des textes, ce qui compte, c’est exprimer sa légitimité au niveau de la base.
C’est cela le véritable problème de l’Apr où les structures ne fonctionnent pas correctement parce qu’elles ne sont pas jusqu’ici officiellement installées’’, explique cet enseignant à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis.
Une situation qui diffère de celles du Parti démocratique sénégalais (PDS) et du Parti socialiste (PS) dont les leaders, au pouvoir, «avaient quand même réussi à mettre en place des structures qui fonctionnaient correctement au niveau local, régional et départemental avec, à chaque endroit, des leaders charismatiques qui occupent des positions de pouvoir au niveau le plus élevé de l’État’’. Ce qui ‘’leur donnait la possibilité d’animer le parti’’ à la base. A l’Alliance pour la République, c’est une autre histoire qui se joue…
DAOUDA GBAYA
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