XALIMA NEWS – “Bonjour ! Et à Dakar ? L’affaire-là a fait que j’entends de moins en moins mes parents et amis sénégalais…” La voix n’a pas changé et le ton est resté taquin. C’est bien le président guinéen qui est au bout du fil. Entre deux propos relatifs à la gestion de la crise sanitaire née des milliers de morts causés par le virus Ebola en Afrique de l’ouest, il lâche : “dans tous les cas, le Sénégal et la Guinée sont des pays frères et que tout réunit. Ce qui s’est passé ces dernières semaines est un malentendu qui est en train d’être dépassé”.
Le Pr Alpha Condé, présent à New-York pour les besoins de la 69ème session de l’Assemblée générale de L’Onu, a eu hier un entretien téléphonique avec “ EnQuête “. Une discussion qui a tourné essentiellement autour des relations diplomatiques entre le Sénégal et la Guinée. Manifestement, l’ancien opposant historique devenu président de la République par la voie des urnes en 2010, cherche à tourner la page pour s’inscrire dans une dynamique de gestion concertée de l’épidémie, avec l’appui de ses voisins et de la communauté internationale. Depuis l’irruption de l’épidémie d’Ebola, le Sénégal a fermé ses frontières (terrestres, aériennes et navales) avec son voisin du Sud frappé par le mal. Les relations bilatérales entre les deux pays ont traversé ces dernières semaines des turbulences, avec en paroxysme l’arrivée en catimini au Sénégal d’un jeune étudiant guinéen porteur de la maladie, mais qui sera heureusement sauvé grâce à l’expertise des médecins sénégalais et à la qualité du plateau technique du Chu de Fann, centre national de référence pour les maladies infectieuses. Et comme ingrédient pour rendre le cocktail détonnant, il y a eu… la saisie par les douaniers de l’aéroport LSS de Dakar-Yoff d’un aéronef affrété par la présidence guinéenne, avec des devises à bord et à destination de Dubaï. Il aura fallu plusieurs jours aux autorités des deux pays pour dissiper les malentendus…
“L’affaire” qu’évoque le président Condé au bout du fil est donc cette terrible maladie qui a entraîné une mini-crise entre Dakar et Conakry, ce qui ne s’était pas vu depuis les années 70 et les duels épiques sur fond de batailles idéologiques entre les présidents Léopold Sédar Senghor et Ahmed Sékou Touré. Des deux côtés, des acnés nationalistes d’un côté (guinéen), et des peurs à relents xénophobes de l’autre (sénégalais), avaient fait vaciller le socle d’une relation exemplaire. Beaucoup de Sénégalais avaient alors réveillé les démons du repli sur soi, alors que la classe politique guinéenne dénonçait “un manque de solidarité” à leur endroit. Bref, c’était plus qu’un malaise.
EnQuête