Le Pr Ismaël Madior Fall, agrégé en Droit public a présenté, avant-hier, le livre intitulé : Les commissions électorales en Afrique de l’ouest : analyse comparée. Dans cet ouvrage édité par la Fondation Frerich Ebert, le Pr Fall, et son co-auteur, ont montré «les? similitudes et les différences» dans les fonctionnements des dites commissions. Un exercice qui a permis de constater l’avancée des pays anglophones sur les pays francophones à bien des égards. ImageEn Afrique de l’ouest, les élections constituent «le premier facteur conflictuel». Ce constat a amené le Pr Ismaël Madior Fall, agrégé en Droit public à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), Mathias Hounkpe, politologue béninois, a produire un ouvrage intitulé : Les commissions électorales en Afrique de l’ouest : analyse comparée. La cérémonie dédiée à cette présentation s’est déroulée, avant-hier. Devant un parterre d’hommes politiques, de membres de la société civile, et des représentants du ministère de l’Intérieur, M. Fall a mis en exergue les «similitudes et différences dans le fonctionnement du processus électoral entre membres de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao)». Ce travail a permis à cet agrégé en Droit public de classer les pays membres de la Cedeao en deux groupes : les pays en «phase de transition» (la Guinée, la Sierra- Léone) ; et les pays qui ont des «cycles d’élections à? consolider» (Sénégal, Bénin, Mali). «Dans ces pays, fait remarquer Ismaël Madior Fall, il est à tout moment possible de connaître un recul» caractérisé par des «élections contestées, en amont et en aval».
Prenant l’exemple du Sénégal, M. Fall se désole de constater que, 10 ans après l’Alternance, nos hommes politiques soient à couteaux tirés sur la nature et le rôle des commissions électorales. «Je pensais que cela appartenait au passé, mais le problème est encore là», déclare-t-il. Pour expliquer cette «problématique», les auteurs de l’ouvrage ont convoqué la «culture démocratique» de chaque pays. Si dans les pays Anglophones (Ghana, Nigéria), les commissions électorales s’occupent de tout (organisation, contrôle et proclamation?des résultats), dans les pays francophones, celles-ci ne font que superviser les élections dont l’organisation incombe au ministère de l’Intérieur. Ce qui ne manque pas de créer des «suspicions» au niveau de la classe politique. Idem concernant les conditions pour être membre de la commission électorale. Dans les anciennes colonies anglophones, les commissions électorales n’incluent que des personnes neutres, alors que les anciennes colonies françaises, elles, ont opté pour une représentation équilibrée des forces politiques prenant part à la compétition électorale, à l’exception du Sénégal et de la Guinée-Bissau qui ont plutôt choisi l’option anglophone. Mais «le risque, ici,? précise Pr Fall, c’est d’avoir des gens qui ne connaissent pas l’habilité de la matière électorale».
S’agissant de l’autorité et de la procédure de nomination des membres des commissions électorales, elles varient selon les pays. Dans les ex-colonies françaises, c’est le président de la République qui les nomme sur proposition d’autres corps (Bénin et Niger). Tout le contraire chez les voisins anglophones où la nomination se fait par le président de la République avec le consentement nécessaire d’une autre institution (Libéria, Gambie, Nigeria). Il y a des pays où seulement l’avis consultatif d’autres institutions est exigé (Libéria, Sénégal, Ghana, Sierra-Léone). Il y a une dernière catégorie de pays où c’est le Parlement qui procède à la nomination des autorités de la commission électorale (Togo, Guinée-Bissau, Cap-Vert).??
Une fois les membres de la commission élus, reste à fixer la durée de leur mandat. A ce niveau, indique le livre, on note quelques variations. Dans certains pays comme le Bénin, le Niger, le Togo, les membres sont intermittents (nommés de façon ad hoc, jusqu’à la prochaine élection) avec un mandat limité. Dans d’autres pays, le mandat est continu. C’est le cas du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, du Nigeria, du Sénégal, de la Gambie, de la Sierra-Leone, du Libéria, du Ghana.
LE CAS DE LA CENA
Toutefois, il arrive que les membres de la commission électorale, pour des raisons politiques, soient contraints à la démission par le président de la République. Comme ce fut le cas au Sénégal avec la démission forcée de l’ex-président de la Commission électorale nationale autonome (Cena), Moustapha Touré. Une méthode qui préoccupe Tamsir Jupiter Diagne. «On ne peut pas se lever un beau matin et demander à un président de la Cena de démissionner ou le faire démissionner», estime le chroniqueur à l’hebdomadaire Nouvelle Horizon. Et de rappeler?: «Wade a agi de la même manière avec Me Mbaye-Jacques Diop à qui il a dit : Remets-moi mon bien.»?Il suggère la révision des textes qui régissent la Cena, afin que Me Wade ne puisse pas user «d’autres mo-yens» pour démettre à tout moment ses membres. Ces derniers en ont pris pour leur grade. «Le problème avec la Cena, dira M. Diagne, c’est que ses membres sont enfermés dans une sorte de ghetto. Ils ne vont pas jusqu’au bout de leurs actes.»
Le Pr Alioune Sall, agrégé en Droit public, considère que le problème de cet organe est plus profond. Ayant été rapporteur, lors de la mise sur pied de la Cena en 2005, le Pr Sall soutient que cette commission électorale est confrontée à trois problèmes : d’abord, sur le plan juridique, le Pr Sall constate qu’«il y a un problème d’interprétation et d’exploitation des pouvoirs de la Cena»?; ce qui est à l’origine des conflits de compétences entre elle et la Justice. «Est-ce un problème d’hommes», s’interroge-t-il. «En tous les cas, les institutions sont à l’image des hommes qui les incarnent», fait-il remarquer. L’autre problème est lié aux questions logistiques. Et le dernier problème est, selon lui, d’ordre politique. Faisant le bilan de ses revues avec les coalitions de partis (Bennoo Siggil Senegaal, Cap 21, les Non-alignés), ce membre de la mission exploratoire chargée de l’audit du fichier relève deux «questions», à l’issue de son entrevue : «L’instabilité du cadre institutionnel» et «l’utilisation des moyens de l’Etat» lors des campagnes électorales. Ces questions soulevées par l’opposition constituent, selon lui, «les points d’achoppement» aux discussions entre celle-ci et le pouvoir.
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