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Assemblée Nationale : la démocratie balafrée. Par Boucar Diouf

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La foire aux empoignades dans une salle de l’Assemblée Nationale sénégalaise à l’occasion de travaux des commissions, qui a fini de faire le tour des rédactions, est totalement condamnable, mais moins par la violence des protagonistes que par les manquements qui sont à l’origine de ce conflit ouvert entre l’opposition et la majorité.
L’affaire est d’autant plus grave que, contrairement aux autres pays où les députés se crêpent le chignon pour des problèmes d’intérêt national, les nôtres ne songent souvent qu’à défendre des intérêts partisans contre vents et marées.
La démocratie, ce système qui permet d’offrir aux citoyens la possibilité de participer « au processus par lequel leur vie collective prend forme et détermination » (Welmer) va bientôt devenir infirme au Sénégal : celle du verbe ou de la force tendant à prendre le pas sur celle du consensus.

Cette rupture des médiations entre la majorité et l’opposition est imputable à l’ensemble de la classe politique, et confirme « l’impuissance » de la puissance publique à mettre en place des espaces de libre-débats constitutifs de convergences entre sphères de la société.
Cette difficulté, adjointe à la multiplicité des partis politiques, à l’absence de perspectives et à l’arrogance des acteurs, risque de conduire, à très court terme, à une désaffection totale de l’électorat.
Face à ce contexte d’une extrême gravité qui annonce, à brève échéance, la disparition des partis politiques dans leur forme actuelle, chaque formation cherche à tirer la couverture à elle-même aux dépens des autres, avec au total, une situation dégradée pour tous.
C’est pourquoi les hommes politiques, dans leur démarche quotidienne, doivent garder en bandoulière les principes de prudence et de précaution, convaincus que leur décision et autres actes seront forcément passés au crible de la critique citoyenne.’’ En effet, c’est en faisant n’importe quoi qu’on devient n’importe qui ’’disait Rémi Gaillard.
Nos honorables députés doivent pourtant savoir que l’honorabilité ne se décrète pas, elle se mérite et que l’Assemblée Nationale, calquée sur le modèle français, tend à devenir une copie défraichie par des décisions de plus en plus contestable et contestées.
Il serait temps de leur organiser un «ndeup collectif » pour leur faire comprendre cette vérité républicaine qui veut que les assemblées aient des règles écrites et des règles non écrites et qu’en définitive, l’Assemblée Nationale étant l’institution politique par excellence, la légitimité y a autant de valeur que la légalité.
Une décision légale est une décision conforme au droit, alors qu’elle est dite légitime lorsqu’elle est acceptée par ceux qui, principalement, en subissent les conséquences.
La légitimité se retrouve ainsi à la base de l’autorité qui renvoie à la probabilité qu’un ordre donné soit suivi par le groupe de personnes auxquelles il est destiné. Il est donc aisé de comprendre que la légitimité puisse parfois se passer de la légalité et non l’inverse et de constater :
? qu’un pouvoir légal à tout point de vue n’est pas démocratique s’il n’est légitime ;
? que la légalité reste une condition nécessaire mais non suffisante pour asseoir l’autorité.
Le président de l’Assemblée Nationale, face à l’existence de deux groupes parlementaires pour l’opposition, aurait dû mettre le curseur aussi bien sur les deux critères de légalité et de légitimité pour fonder sa décision. En faisant prévaloir le premier sur le deuxième, il est à l’origine d’une crise qui peut déboucher sur une radicalisation de l’opposition parlementaire, et, à terme, conduire à une rupture profonde entre le pouvoir et l’opposition, porteuse de dangers au plan économique et social.
Il aura oublié qu’en réalité, la limitation du pouvoir des lois et des institutions se traduit par la possibilité de défiance de la part du sujet politique et que la seule légalité ne peut permettre à une personne de présider un groupe au sein duquel il a perdu la confiance de la majorité, sauf à exercer une violence légale. Une notion qui a permis et permet encore aux peuples opprimés de lutter illégalement mais légitimement contre les dictatures (cf crise au Burkina Faso), tant il est vrai qu’on retrouve la légalité aussi bien dans les grandes démocraties que dans les dictatures.
Du reste, au moment où des voix se font de plus en plus entendre pour renouer le fil du dialogue entre les deux parties, il va sans dire que cette décision qui impose à l’opposition la personne qui doit présider à sa destinée, ne brille pas par sa pertinence et renforce ceux qui soutiennent que des forces tapies dans l’ombre travaillent à contre courant des partisans de la paix sociale.
Pourtant, en prenant solennellement la courageuse décision de s’engager dans le combat pour un Sénégal à jamais affranchi des servitudes d’une gouvernance au rabais, puisque portée sur la dépravation organisée de nos ressources, soit de nos moyens de vivre et d’exister, le Président de la République a imprimé sa marque indélébile dans la lutte pour la reconquête de valeurs humaines essentielles au premier desquelles se situent la dignité et l’honneur.
Pour se hisser à son niveau, ses alliés et autres collaborateurs doivent garder à l’esprit qu’il n’est assurément de combat politique qui puisse prospérer en faisant abstraction de cette vérité éternelle : un pays se construit sur un socle de valeurs et ne peut naturellement émerger que lorsque son projet de société est porté par des hommes et des femmes, animés du seul souci de le projeter dans le cénacle des nations.
Au demeurant, l’agenda du peuple sénégalais qui recoupe certainement celui du Président de la République est tellement chargé par les urgences économiques et sociales que la communauté politique sénégalaise, au lieu de se complaire dans cette tranquille médiocrité de la politique politicienne qui flatte ses pires instincts, gagnerait à faire bouger les lignes de son action, en se lançant résolument à l’assaut des innombrables défis qui interpellent la nation.
Il s’agit plus simplement et au pas de charge de trouver une réponse concrète à la fameuse question que ne manquent pas de se poser les sénégalais’’ qu’allons nous devenir ?’’.
Il est enfin utile de rappeler aux uns et aux autres que les révolutions et les changements intempestifs ne se produisent dans une société que lorsque celle-ci cesse de se trouver représentée de façon adéquate et significative par les acteurs de la politique.

Boucar DIOUF
Coordonnateur National de la CIAR
(Convergence d’Idées Autour de la République)
[email protected]

4 Commentaires

  1. Bien dit, les bujumen savent eux qu’il y a la légalité ds la dictature. Le Gvt de Pétain et de Hitler était légal.
    Il faut mettre en avant la morale, la vertu et la légitimité sinon on va vers la dictature au Sénégal.

  2. le contenu ne souffre d’aucune contestation. l’analyse grandeur nature obéit à des principes de droit qui sou-tendent un principe objectif qui est la légitimité.Méconnaitre cela pourrait conduire à un chaos institutionnel qui à terme peut provoquer des troubles à l’ordre public. restons républicains sans être partisans pour un senegal stable et apaisé…

  3. Incontestablement la faute est imputable au Président Mr Sall qui souffle le chaud et le froid.
    Pour un Président né après 1960 c est dommage qu il ne puisse rehausser l image de notre démocratie
    Vraiment déçue !!!

  4. cette assemblée ne donne aucune garanti au citoyens de ce pays ; ayant des comportements ridicules bannis même pars nos enfants qui sont dans les jardins d’enfants c’est vraiment regrettable pour notre cher pays qui ne mérite pas cela, il faut dissoudre cette assemblée et mettre des députés qui défendront dignement les intérêts de ce pays contrairement a leurs propre intérêts ,presque 99% des sénégalais pensent ont affirmé qu’ils sont la pour leurs propre intérêts.

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