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« Au secours , le spectre d’un coup d’état institutionnel plane sur le pays. Comment y répondre et combattre efficacement les ennemis de la démocratie ? (Par Alioune Diawara, juriste et militant syndical à Bordeaux, wa keur Ndoumbèlane)

Date:

Alors que l’ouverture officielle de la campagne pour l’élection présidentielle dans notre pays est
imminente (3 février 2024), des bruits de couloirs, des rumeurs assourdissantes circulent quant à un
probable report de la date du premier tour (25 février 2024). Au cœur de cette menace inquiétante se trouve comme à son habitude le « président politicien Macky SALL », comme l’appelle le Pr Mody NIANG.

En effet, à la faveur d’un bel exemple d’imbécillité collective du parti d’ Abdoulaye WADE, le PDS
vient d’offrir au futur ex-président l’occasion de mettre en œuvre l’une des pratiques dans lesquelles il a toujours excellé ; à savoir la petite politique, appelons cela la loufoquerie politicienne. Quelle mouche à piqué les auteurs de la saisine de l’assemblée nationale en vue de constituer une
commission d’enquête parlementaire, pour soi-disant des faits de corruption et de conflits d’intérêt
visant les juges Cheikh NDIAYE et Cheikh Tidjane COULIBALY du Conseil Constitutionnel. En attendant des preuves de ces affirmations très graves, des voix s’élèvent pour défendre ces deux
magistrats dont la carrière est impressionnante. Nous ne les connaissons pas assez pour apporter
notre obole à ce concert de témoignages très éloquents. Mais tout de même, nous nous réjouissons du communiqué collégial publié par le CC pour défendre leur honneur et leur indépendance ; indépendance dont on a eu tord de préjuger ces dernières semaines. Le cinquième alinéa de ce communiqué est très clair « le Conseil Constitutionnel, prenant la mesure de la gravité des
accusations, tient à ce que toute la lumière soit faite dans le respect des procédures constitutionnelles et légales régissant les relations entre les institutions, notamment la séparation
des pouvoirs et le statut de ses membres ». Tout est dit dans cet alinéa. Rien, ni personne n’est au
dessus de cette juridiction : ses décisions sont sans appel et s’appliquent aux citoyens comme à l’
Etat, dans un état de droit, si tant est que notre pays est encore un état de droit. Il l’a certes été avec Abdou DIOUF et Abdoulaye WADE, sauf à signaler le zèle de certains de leurs entourages de
l’époque, qui ont voulu s’arroger des libertés vis-à-vis des règles de bonne gouvernance (on ne citera
pas de nom, mais les sénégalais qui n’ont pas la mémoire courte les reconnaîtront sûrement). De nos jours, il est permis d’en douter.

Nous savons tous que cette commission d’enquête parlementaire n’a aucune chance de prospérer si
on suit la logique des institutions et la séparation des pouvoirs. Qui plus est, le juge Cheikh NDIAYE vient d’avoir la bonne idée de porter plainte contre X ; plainte qui juridiquement va permettre de neutraliser les velléités de cette commission d’enquête parlementaire, si le procureur décide d’ouvrir une enquête judiciaire. Mais alors pourquoi toute cette agitation et même cette précipitation à mettre en place une commission d’enquête parlementaire à cet instant précis, alors que le président de l’assemblée nationale lui-même a rejeté des dizaines et des dizaines de demandes en cette matière (voir la belle chronique du Pr Mary Teuw NIANE dans léral.net du 29 janvier 2024 qui alerte sur l’imminence d’un coup d’état institutionnel) ? La réponse est très claire et c’est Pape Alé NIANG qui la donne « ils veulent pousser des membres du CC à démissionner pour pouvoir acter le report des élections ». nous ajouterons, en sus, afin de mettre en place leur projet machiavélique, à savoir la prolongation du mandat de l’actuel locataire du palais Léopold Sédar SENGHOR. En clair, il s’agirait de dissoudre le CC et par voie de conséquence de reporter l’élection présidentielle sine die. Et c’est le président de la République qui reviendrait dans le jeu, qu’il n’a en fait jamais quitté. En somme, on assiste en ces derniers temps à une énième pantalonnade du pouvoir de Macky SALL, qui se moque totalement de l’éthique en matière de gouvernance. Le juge Kéba MBAYE (ancien premier président de la Cour Suprême du Sénégal) doit se retourner dans sa tombe, lui qui disait dans son discours d’adieu, à l’occasion de la rentrée académique 2005-2006 de l’Université Cheikh Anta DIOP :« l’éthique devrait être adoptée par notre pays comme la mesure de toute chose, car accompagnant le travail. Elle est la condition sine qua non de la paix sociale, de l’harmonie nationale, de la solidarité et du développement ».

Il faut dire que les temps ont bien changé depuis ce discours du père d’ Abdoul MBAYE sur le
thème « l’éthique aujourd’hui ». En effet, au pays de Ndoumbèlane, on ne sait jamais qui dit vrai et
il est difficile de séparer le bon grain de l’ivraie. On entend actuellement des discours dissonants
voire opposés dans l’entourage présidentiel : Amadou BA affirme à qui veut l’entendre qu’il va
gagner au premier tour et dit vouloir aller aux élections à la date prévue (le 25 février 2024) alors
que les thuriféraires du président SALL vont vite en besogne, en déclarant que les élections ne
doivent pas se tenir en raison des soupçons qui pèsent sur la Haute juridiction constitutionnelle. La
ficelle est grosse et le tissu de mensonges cousu de fil blanc. Il est à craindre que le président de la
République intervienne, dans les prochains jours, à la télévision pour nous annoncer avec gravité :
« Mes chers compatriotes, comme vous le savez, j’avais décidé de ne pas me présenter à un second
mandat (tout le monde sait que c’est bien un troisième mandat) alors que rien ne m’y obligeait. Je maintiens toujours ma volonté de ne pas participer à la compétition présidentielle, …..mais, les circonstances exceptionnelles actuelles (bla bla bla bla) me conduisent à agir pour le respect des
droits et devoirs de tous les candidats, de maintenir la paix et la sécurité dans le pays. J’ai donc décidé, en accord avec la représentation nationale de reporter l’élection présidentielle à une date
ultérieure, en attendant l’examen des procédures devant les cours et tribunaux de la République ». ,
ces procédures en cours dont il parle lui permettraient de faire juger et de maintenir indéfiniment en prison, Ousmane SONKO, Bassirou Diomaye Diakhar FAYE et toutes les autres petites mains ou « sans-culottes » (révolutionnaires du tiers état sous la convention française de 1792 à 1795) de l’exPasteef qui croupissent dans geôles de la République ; d’autre part, Macky SALL en profiterait pour prolonger son mandat de deux ou trois ans, ce dont il a longtemps rêvé.

Qu’on ne s’y trompe pas, « Big Mack » n’a renoncé à rien ; la preuve est qu’il continue les nominations tous azimuts au sommet de l’état et continue à jeter des milliards par la fenêtre pour assurer ses arrières. Les récentes cassettes vidéo d’ Ousmane SONKO ont réveillé sa fibre « guerroyère » et il se dit que le « mortal kombat » auquel le conviait le PROS est toujours d’actualité. Il vient de prendre conscience que même embastillé à Camp pénal ou ailleurs, le camp de « Boy bi » (comme il l’appelle familièrement) peut gagner les élections et l’envoyer lui aussi dans ce même espace carcéral. Il a la trouille et comme tous les trouillards, ce qui compte pour lui, c’est d’aller au bout de son projet funeste : empêcher son rival le plus déterminé à siéger au palais de la République , quitte à souffler sur les braises encore incandescentes qui ont provoqué la mort de plus de 40 jeunes à l’occasion des manifestations sanglantes qui ont inondé le pays il y a quelques mois.

Face à cette forfaiture qui s’annonce, le peuple uni dans sa diversité doit opposer une résistance très vive, en organisant la désobéissance civile le moment venu ; concept qui nous vient des états-unis et que Ousmane SONKO avait essayé de mettre en place, sans y mettre les formes. En effet, il n’est nullement question d’utiliser la violence contre Macky SALL et ses « tonton makout » (référence à Jean Claude DUVALIER, ancien président de la République d’ Haïti qui avait constitué une milice pour massacrer tous ceux qui, épris de justice et de liberté, manifestaient contre sa gestion calamiteuse du pays). Nous pensons que la meilleure formule est celle de l’inventeur du concept de désobéissance civile, en l’occurrence le philosophe Henry David THOREAU, qui, en 1849, refusait de payer ses impôts pour protester contre la politique esclavagiste du gouvernement américain. Nous pouvons agir dans le même sens si les conditions suivantes sont réunies : le constat d’une injustice flagrante, la mise en place d’une action collective publique et le refus de toute violence.

Tout d’abord l’injustice flagrante est constituée par le fait de nier une décision prise par le CC qui est
la plus haute juridiction en matière de contrôle et de mise en œuvre du processus électoral dans
notre pays, conformément aux pouvoirs qui lui sont conférés par la Constitution ; cette constitution dont le président de la République est le gardien (n’est-ce pas Hadj Mansour MBAYE?) . La
décision du CC même difficile à avaler pour Karim Meissa WADE et ses godillots, doit s’appliquer
et s’imposer à tous. Nous ne reviendrons pas sur les turpitudes du fils WADE (voir notre chronique
dans Xalima du mardi 23 janvier 2024) ; cela lui ferait trop d’honneur ! Nous pensons que le PDS
doit faire marche arrière et aller au bout du processus électoral, en faisant passer l’intérêt général avant celui de leur candidat désinvolte et arrogant. L’intérêt général aujourd’hui commande de tenir les élections et d’en finir avec le régime pourri de Macky SALL.

L’action collective, concertée, est le second pilier de la réussite d’une désobéissance civile. Cela est
aujourd’hui possible car la société sénégalaise est traversée par une multitude de mécontentements
et de comportements délétères qui préfigurent des lendemains très difficiles pour le pouvoir en place. Je prends en exemples tous ceux qui empruntent régulièrement les transports en commun et qui constatent les actes d’incivilité venant de nos concitoyens, comme pour dire « y en a marre, nous n’avons plus rien à faire de ce gouvernement ; nous ne voulons plus respecter les règles, qui au demeurant, sont l’objet de violations flagrantes et répétées de la part des puissants ». L’union faisant la force, tous les secteurs de la vie économique pourront ainsi être paralysés, si tous les transporteurs décident de se lancer dans des « opérations escargot » à travers les grands axes
routiers avec blocage temporaire des autoroutes; si tous les fonctionnaires effectuent des débrayages
quotidiens sur leur lieu de travail , si les commerçants et les petits artisans acceptent de fermer boutique ou de croiser les bras sur les chantiers de l’Etat pendant quelques heures par jour, si les Sénégalais acceptent de bloquer les halls de gares et d’aéroports retardant le départ des trains et avions, si tous les éboueurs font la grève des poubelles et laissent les ordures s’amonceler dans nos rues, etc…tout cela bien sûr sous la direction de leaders civils et qui ont envie d’en finir avec le régime de Macky SALL et son poulain Amadou BA. Il s’agit ainsi de perturber gravement le pays dans son fonctionnement quotidien jusqu’à ce que la date du 25 février 2024 soit confirmée pour la tenue du premier tour de l’élection présidentielle.

Et enfin, la non violence doit être au cœur de nos préoccupations, car « Big Mack » n’en a cure de
tous ceux qui cherchent à s’opposer à lui de façon violente. Le peuple sénégalais a assez donné pour
le savoir. Les familles des jeunes emportés par la violence politique n’ont pas fini de faire le deuil de
leurs proches disparus, car aucune excuse ne leur a été présentée d’une part et d’autre part, elles
attendent toujours l’arrivée des décisions judiciaires pour prétendre à une hypothétique
indemnisation. Le mot d’ordre de cette désobéissance civile doit être la non-violence, à l’image de ce qui s’est passé dans d’autres pays et qui a entraîné la fuite de Blaise CAMPAORE au Burkina Faso, d’ Ivo MORALES au Pérou et des printemps arabes qui ont provoqué les défaites de Ben ALI en Tunisie, et de Hosni MOUBARAK en Egypte, etc…Ce sera ainsi un moyen de mettre le
président SALL face à ses responsabilités futures, face à la communauté internationale , que la
ministre de la Justice Aïssata TALL a du mal à convaincre qu’il n’y aurait pas de prisonnier politique au Sénégal et que les actes de torture ou de barbarie allégués par les « droits de l’hommiste » sénégalais et étrangers ne relèvent que de la fantasmagorie.

Le but bien sûr ce sera de faire reculer le pouvoir finissant de Macky SALL, qui préoccupé par sa seule volonté de se couvrir et de s’offrir une retraite tranquille est prêt à fouler au pied toutes les règles qui gouvernent le fonctionnement de nos institutions ; institutions qui sont loin d’être parfaites, mais quel pays peut se targuer d’avoir des institutions parfaites ? Peut-être que ce pays n’existe que dans les cieux et au quel cas, il doit être gouverné par des dieux, nous en sommes convaincus.

Pour finir, il est possible que nous soyons la cible des sbires du futur ex-président dans les prochains jours ou mois et accusé par la DIC des faits d’appel à l’insurrection, de menace à la sécurité et à l’intégrité du pays, de tentative de sédition et arrêté à l’AIBD (Aéroport International Blaise Diagne) et ensuite conduit au Camp pénal. Quel privilège ce sera de côtoyer Ousmane SONKO et Bassirou Diomaye Diakhar FAYE pour un modeste citoyen comme moi, qui ne rêve que d’une chose : voter contre Amadou BA et goutter au plaisir de la victoire de l’opposition patriotique
le 25 février 2024, inchallah.

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