Lors des auditions de confrontation devant la Commission d’instruction de la Crei, l’ancien ministre d’Etat en charge des Infrastructures a encore disqualifié les juges d’instruction de cette juridiction spéciale. Il accuse aussi les témoins à charge d’avoir été menacés ou soumis à des contraintes pour l’enfoncer. Celui qui se dit blanchi par les justices française, monégasque et luxembourgeoise, soupçonne le Procureur spécial et son substitut d’être mus par des ambitions pour la suite de leur carrière.
L’ancien ministre d’Etat Karim Wade n’a pas été tendre avec les juges de la Commission d’instruction de la Crei. Refusant de répondre aux questions de ces juges, le fils de l’ancien président de la République a d’emblée qualifié la Crei de parodie de justice. Disqualifiant les magistrats de la Commission d’instruction de la Crei, Karim Wade leur lance : «Vous êtes radicalement incompétents, car vous n’êtes pas mes juges. Je relève de la Haute cour de justice, qui est seule compétente pour m’entendre ainsi que les présumés complices et témoins.»
Il indiquera, à travers une déclaration qu’il a lue, aux juges de la Commission d’instruction de cette juridiction spéciale qu’il ne peut «collaborer à la violation de (s)es droits et de (s)es droits de l’Homme consacrés par la loi, les traités/conventions internationales ratifiés par le Sénégal, et d’une décision de justice internationale, notamment la Cour de justice de la Cedeao».
Karim Wade, qui dit aussi constater «à nouveau que la Commission d’instruction de la Crei persiste dans la violation de (s)es droits de la défense», se considère comme blanchi par les justices française, monégasque et luxembourgeoise qui auraient transmis «toutes les preuves de (s)on innocence».
«Ne faîtes pas de la politique ! Ne soyez pas de connivence avec le gouvernement !»
L’ancien ministre d’Etat ne s’en est pas arrêté là, d’après nos interlocuteurs. Puisqu’il s’en est pris au Procureur spécial près la Crei, Alioune Ndao, et à son substitut, Antoine Félix Diome. C’était pour les accuser d’être des magistrats qui sont braqués contre lui «et qui cherchent sa perte». Il dira encore à leur sujet que leur comportement à son égard se justifie par des ambitions qu’ils ont «pour la suite de leur carrière». En dehors de ces observations, indique-t-on, Karim Wade a accusé le substitut du Procureur spécial près la Crei, Antoine F. Diome, «d’être sorti avec l’un des témoins». Histoire de dire que ce dernier a influencé cette dame : Coumba Diagne. D’ailleurs dans sa déclaration remise à la presse, Karim Wade souligne que «les relations entre la dame Coumba Diagne et le substitut du Procureur spécial, Félix Antoine Diome, qui échangeaient régulièrement par mails, déjeunaient dans des restaurants, hôtels de la place, l’accueil et la conduite par le garde du corps et le chauffeur du substitut du Procureur spécial de la dame Coumba Diagne, lorsque cette dernière revenait de ces voyages, ne sont pas des pratiques convenables dans la justice d’un pays».
Il lancera à l’attention des juges de la Commission d’instruction de la Crei : «Ne faîtes pas de la politique ! Ne soyez pas de connivence avec le gouvernement». «Je vous invite pendant qu’il est encore temps, à prendre vos responsabilités par rapport à l’histoire de notre pays, à rester au service de la République et non au service des hommes qui la dirigent temporairement», ajoutera-t-il à travers sa déclaration transmise à la presse.
«Les témoins à charge ont été instrumentalisés par la Crei»
Des sources proches du dossier soutiennent encore que M. Wade considère que «les témoins à charge ne sont pas crédibles». Pour lui, ces derniers «ont été instrumentalisés par la Crei pour le faire condamner». Certains parmi ces témoins ont, d’après Karim Wade, été l’objet «de menaces pour témoigner à charge, d’autres ont fait l’objet de garde à vue pour qu’on leur soutire des déclarations».
Il s’en est ensuite pris au patron de l’entreprise Jean Lefebvre Sénégal (Jls). De Bara Tall, Karim Wade dira qu’il ne peut que témoigner à charge contre lui pour l’enfoncer, parce qu’il lui avait refusé un marché de gré à gré de 40 milliards de francs en 2010, au moment où il était ministre en charge des Infrastructures.
A la suite de la déclaration de Karim Wade, la Commission d’instruction de la Crei a procédé à l’appel des témoins à charge. C’était pour leur demander si les accusations de l’ancien ministre contre eux étaient conformes à la vérité. Eux tous, aussi bien la notaire Patricia Lake Diop, Ely Manel Diop que Bara Tall, confient nos sources, ont déclaré n’avoir jamais été l’objet de menaces ou de contraintes pour témoigner à charge contre le fils du Président Wade. Il y a même la dame Coumba Diagne, qui a ajouté qu’elle a accepté de se confier à la Crei lorsqu’elle a vu son nom dans la presse.
Par Le Quotidien