S’il y a des Sénégalais qui doutent encore du professionnalisme de nos forces de défense et de sécurité, certainement que les populations de la cité de Rail n’en font pas partie. Eux qui attendaient religieusement l’ombre de Cheikh Béthio Thioune, guide moral des «thiantakounes», hier, ont été doublés sur toute la ligne. En effet, en lieu et place du Cheikh, les Thiessois et fervents disciples de ce dernier, se sont contentés de la rumeur. Car, ils n’ont nulle part aperçu le grand-boubou bleu et l’écharpe blanc du marabout. Ce n’est que les va -et -vient des véhicules de la gendarmerie et de la police qui patrouillent dans les alentours du Tribunal régional de Thiès et dans les différentes artères de la ville qu’ils ont pu observer. Cheikh Béthio Thioune, une personnalité religieuse pas des moindres, a contraint les forces de l’ordre, essentiellement des éléments de la police et de la gendarmerie nationale, dont des hommes de l’unité d’élite du Gign, à faire leurs démonstrations de force et sortir la grosse artillerie. Ils n’ont pas lésiné sur les moyens matériels et humains pour un bon déroulement de l’audition du Cheikh et pour contenir les «thiantakunes» qui se sont illustrés durant les 72 heures de la garde à vue de leur guide moral. La stratégie qui a été adoptée a consisté à ne laisser aucune place aux éventuels disciples qui pensaient troubler l’ordre public. Ainsi, selon des sources policières, c’est plus de 200 hommes de tenue, armés jusqu’aux dents, grenades lacrymogènes bien en vues, qui ont été déployés partout dans la ville pour assurer l’ordre lors de l’audition du Cheikh par le Juge d’instruction du premier Cabinet du Tribunal régional de Thiès. Très tôt le matin, avant même le lever du soleil, le dispositif sécuritaire était déjà en place. De la caserne de la gendarmerie territoriale, où le guide des «thiantakounes» était placé en garde à vue pour les chefs de «meurtre et actes de barbarie» commis sur deux de ces talibés depuis lundi, jusqu’au Tribunal, les forces de l’ordre avaient jalonné tout le parcours. Du reste, la police et la gendarmerie avaient restreint la circulation sur cette axe. De même, les abords du Tribunal étaient quadrillés, des barrières de sécurité étant installées à 100 mètres sur toutes les rues menant aux bâtiments de la juridiction. Ce dispositif impressionnant a obligé les «thiantakounes» à se faire extrêmement discrets. Ils étaient quasiment invisiblement. Mais l’ambiance allait subitement changer, aux environs de 10 heures, avec l’arrivée devant le tribunal de Thiès de hauts gradés des services de sécurité (commandants, colonels et commissaires de police et de gendarmerie). Des instructions sont données aux préposés à la tâche de se tenir prêts car le Cheikh va arriver d’un moment à l’autre. A 10 heures 25 minutes, un véhicule 4×4 noir aux vitres teintées du Gign se pointe à la façade gauche du Tribunal. A 10 heures 30 minutes, un autre 4×4 toutes sirènes hurlantes, en tête d’un long cortège de camions de la gendarmerie et véhicules de police, annoncent l’arrivée du guide des «thiantakunes» au tribunal. La voiture 4×4 noire aux vitres teintées qui s’était pointée en premier et qui transportait en réalité Cheikh Béthio Thioune s’engouffrait dans le parking souterrain du Tribunal régional. Le second 4×4 noir fait lui le tour et arrive à la façade gauche. C’est là que tout le monde a compris le plan minutieusement concocté par les forces de l’ordre. Car le tour était déjà joué. Cheikh Béthio Thioune avait déjà fini de rallier l’étage menant au bureau du juge. Vêtu d’un grand boubou bleu, on l’aperçoit au deuxième étage du Tribunal, regagnant le bureau du juge. En compagnie de ses avocats, Cheikh Béthio Thioune est sorti du bureau du juge à 13 heures. Il est escorté par les éléments du Gign qui l’embarquent à bord du 4×4 noir qui l’avait amené. Puis, sous escorte des camions de la gendarmerie remplis d’hommes armés, le convoi prend la direction de la Maison d’arrêt et de correction (Mac) de Thiès, située au quartier Dixième. Les 21 disciples du Cheikh, également inculpés dans cette affaire, qui ont aussi été auditionnés par le juge, n’ont pas tardé à rejoindre leur guide. Aux environs de 13 heures, le Tribunal de Thiès avait fini de se libérer de ces hôtes encombrant pour retrouver sa quiétude habituelle.
Moustapha BA (Envoyé spécial)
Source Le Populaire