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Avis d’inexpert-« Le bidonnage » journalistique. Par Jean Meissa Diop (Dirpu Walf Grand’Place)

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Le bidonnage et le mauvais.
Quand ils n’ont rien à se mettre sous la dent, ni à écrire, nombre de journalistes se lancent dans ce que, dans le jargon de la profession, on appelle le bidonnage – le terme provoque toujours le fou-rire chez les étudiants en journalisme, tellement il est drôle. C’est-à-dire faire d’une petite information – qui méritait, tout au plus, une brève de quelques phrases, en un seul paragraphe – tout un article, avec force circonlocutions, blabla…

Avoir, comme une image que j’aime utiliser, une petite motte de beurre et vouloir en napper une baguette de pain ! Il faudra déployer toute une adresse pour y parvenir. Ce sont les vrais et bons bidonneurs qui réussissent l’exploit enrobé dans une belle et respectable écriture. Cela n’est pas donné à n’importe qui. Pour bidonner, il faut souvent du talent ; mais il ne faut pas en abuser, parce que cette astuce n’échappe pas au professionnel qui vous lira. Ça, c’est la forme plus ou moins acceptable du bidonnage. Celle qui l’est le moins, consiste à inventer des faits, personnages et situations qui n’ont jamais existé. Et là, il faut aussi du talent.

Une bidonneuse, Janet Cooke, africaine américaine, reportère au prestigieux et célèbre journal américain The Washington Post (auquel on doit l’éventement du scandale de Watergate dans les années 70), remporta, le 13 avril 1981, le prix Pullitzer (le Nobel du journalisme) du reportage en consacrant un papier à un jeune toxicomane dans le Bronx, quartier nègre mal famé de New York. Le reportage fut tellement bien fait que le jury n’y a vu que du feu, mais pas le maire de New York qui trouva la faille à l’origine de la découverte de la supercherie.

La journaliste avouera avoir inventé. Pour se protéger de ce genre d’escroqueries, écrit Wikipedia, les journaux américains emploient des équipes d’éditeurs (fact-checkers). « Ils peuvent exiger des journalistes tous leurs documents, notes, enregistrements, etc., pour vérifier la véracité des faits et propos avancés dans un article ». «Nous ne prenons rien pour argent comptant, affirme au New York Times le chef de l’édition du New Yorker (…). Nous vérifions les notes (des journalistes) et, même quand nous avons leurs notes, nous recontactons leurs sources.»

Il y a d’autres bidonnages retentissants, comme ceux-là, dans la pratique du journalisme, en radio, télévision, presse écrite, journalisme en-ligne… Une des entourloupes d’encyclopédie fut la fausse interview avec Fidel Castro, réalisée par une star de la télévision française, Patrick Poivre d’Arvor, découpant une allocution de Fidel Castro pour y insérer des questions présentées comme étant celles qu’il a posées au leader cubain. PPDA fut aussi pris dans une histoire de faux lors de la première Guerre du Golfe avec cette histoire d’enfants irakiens.

Ici, au Sénégal, il y a eu un cas moins connu d’une journaliste qui aurait interviewé sa sœur présentée comme étant une ménagère ! Le plus délirant fut le cas de ce reporter d’une radio régionale sénégalaise désigné pour aller couvrir une prière de Tabaski, mais qui s’enferma chez lui pour «pondre» un papier décrivant le «gouverneur vêtu d’un boubou bleu» et de l’imam qui a dirigé la prière. Malheureusement pour le reporter bidonneur, le gouverneur n’était pas habillé d’un boubou de cette couleur et l’imam prétendu avoir dirigé la prière était mort ! Défense de rire… Il fut sanctionné d’une mise à pied après découverte du scandale et protestation du gouverneur.

En faisant une recherche par Wikipedia, vous trouverez un florilège de bidonnages célèbres. De vrais et énormes «scandales journalistiques», relevant soit de la désinformation pure et simple, soit d’articles bidonnés : Affaire des charniers de Timi?oara (1989) ; Affaire des couveuses au Koweït (1990 ; Affaire Tuvia Grossman lors de la Seconde Intifada… Toutes ces Affaires ont eu à entraîner de nombreuses conséquences. Jack Kelley, journaliste à USA Today, Prix Pulitzer, démissionne en mars 2004 après avoir été accusé d’avoir bidonné un certain nombre d’articles ; Alexis Debat, consultant français à Washington DC, qui démissionne d’ABC News et de la revue The National Interest, après avoir été accusé d’avoir bidonné des interviews publiées en France par la revue Politique internationale ; André Ullmann, journaliste français travaillant pour les services secrets du Bloc de l’Est durant la guerre froide, écrit des faux articles au sujet de Victor Kravtchenko à l’origine d’un grand procès en 1948 ; Scandale de l’amiante dans les années 1990 ; Patrick Poivre d’Arvor réalisant un interview truqué avec Fidel Castro en 1991 ; Stephen Glass, journaliste au New Republic, renvoyé en 1998 pour bidonnages ; Jayson Blair, journaliste au New York Times, ayant démissionné en 2003 ; Judith Miller, journaliste au New York Times qui a colporté le mythe selon lequel l’Irak de Saddam Hussein détenait des armes de destruction massive, prétexte de la guerre en Irak ; Amir Taheri, prétend à tort dans le journal canadien The National Post que le régime iranien allait mettre en place un code vestimentaire pour les différents groupes religieux (2006) ; Troubles au Tibet en mars 2008, en Occident, des images de répression au Népal ou en Inde ont été présentées comme des images de répression en Chine, des témoignages ont été traduits dans le sens contraire et des photos recadrées pour cacher la réalité. Cela entraînera des questionnements sur la validité des démocraties occidentales chez des expatriés chinois.»

«Le bidonnage est tout un art, mais un art interdit, écrit le site «Profession pigiste» de l’Association nationale des journalistes pigistes. Mentir, inventer, créer, bluffer: Voilà les pires mots pour un journaliste aujourd’hui. Les bidonneurs sont les moutons noirs du métier, de fascinants concentrés d’interdits, des antimodèles bien pratiques pour qui veut comprendre ce qu’il ne faut pas faire lorsqu’on prend la plume, la caméra ou le micro.»

Bon, voilà ! Il y a tellement à dire sur le bidonnage, mais en donner juste un aperçu c’est déjà y fournir une entrée en matière. Il s’en trouvera, de vrais professionnels, pour dire que votre serviteur a bidonné, juste pour respecter son rendez-vous avec les lecteurs de son «Avis d’inexpert». Tant mieux. Je l’aurai fait pour vous, pour moi… Excusez-m’en…

Walf Grand’place via seneplus.com

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