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BlackBerry : comment le ver est entré dans le fruit

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Il a beau s’en défendre, le fabricant canadien du BlackBerry abat certainement sa dernière carte. Research in motion (RIM) présente, mercredi 30 janvier, sa nouvelle génération de téléphones – deux smartphones seront dévoilés – ainsi que son nouveau système d’exploitation, Blackberry 10 (BB10). L’objectif : retrouver un peu de sa splendeur d’antan, quand la « mûre » était la référence des téléphones portables professionnels haut de gamme.

Pour cela, l’entreprise de Waterloo (Ontario), a tout prévu. Il a déjà lancé le 23 janvier sa nouvelle plateforme de gestion des terminaux mobiles d’entreprises, BlackBerry Entreprises Services 10, qui offre aux clients professionnels et gouvernementaux une interface pour gérer leur flotte de smartphones sous Android. Parallèlement, le groupe a procédé à la refonte de son service de téléchargement d’applications, renommé BlackBerry World, où sont désormais disponibles des films, des émissions de télévision et de la musique. Et pour être sûr que ses clients vont bien utiliser ces nouveaux outils, RIM a lancé début décembre un programme de formation en ligne dédié, pragmatiquement intitulé « BlackBerry 10 Ready Program », qui propose notamment des « webémissions » hebdomadaires, en anglais.

UN « KEYNOTE » FAÇON APPLE

La stratégie de communication autour de cette armada de nouveaux outils rappelle étrangement celle d’Apple, du « keynote » de présentation de sa nouvelle gamme – « BlackBerry 10 Jam World Tour » – qui se fera « simultanément dans plusieurs pays à travers la planète » (New York, Toronto, Londres, Paris, Johannesburg et Dubaï) – au slogan qui annonce rien de moins qu’une petite révolution « The Game is Changing. Get Ready » (« Les règles changent. Soyez prêts »). Un slogan qui laisse dubitatif, car il promet exactement ce que n’a pas su faire RIM ces dernières années : évoluer – à temps. Le « BB10 » arrive en effet avec deux ans et demi de retard.
Pour Alexander Peterc, analyste chez Exane BNP Paribas, « RIM joue sa dernière cartouche. Il n’ont pas sorti de nouveauté depuis 1 an et demi. Jusqu’ici, ils ont réussi à limiter la casse : ils vendent encore 9 à 11 millions de smartphones par trimestre, ce qui reste tout de même deux fois plus que Nokia, l’ancien leader ».

Le Canadien a même présenté, mi-janvier, des résultats meilleurs qu’attendu, avec un léger bénéfice de 9 millions de dollars au troisième trimestre de son exercice décalé de 2012 – ce qui reste toutefois bien loin des 265 millions de dollars de recette engrangés lors du troisième trimestre de l’année précédente. En 2012, le groupe a dû tailler dans la masse salariale et annoncer en juin la suppression de 5 000 emplois. Six mois plus tard, RIM quittait l’indice boursier américain Nasdaq-100.

« ON VERRA POUR LA SUITE »

Selon une analyse publiée sur le blog collaboratif Margin Call, « le plus inquiétant est sans doute la chute prononcée du chiffre d’affaires (CA) depuis deux ans, un temps temporisée par les revenus provenant des services Blackberry. Le CA de RIM aujourd’hui est à peine plus de la moitié du CA de RIM d’il y a deux ans ».

« Temporiser ». C’est désormais l’objectif du patron de RIM, l’Allemand Thorsten Heins, ancien de Siemens chargé depuis un an de mener une « révision globale » de la stratégie du groupe, après avoir profondément remanié sa direction dans la foulée de la démission de Jim Balsillie, co-fondateur de l’entreprise. « Nous avons pris le temps de construire une plateforme fiable pour les dix prochaines années », a expliqué M. Heins au journal Die Welt. « Ce qui importe pour le moment, c’est de lancer BlackBerry 10 avec succès. On verra pour la suite. »

La suite va dépendre de sa capacité à conserver une base de clients estimée à 79 millions d’utilisateurs (décembre 2012). Nombreux sont les déçus du système d’exploitation Blackberry, victime de pannes régulières, la plus mémorable restant le crash mondial de ses serveurs pendant trois jours en octobre 2011, qui a fait l’objet d’une plainte collective.

LE « MOUTON NOIR » DES SMARTPHONES

Longtemps en avance sur ses concurrents, qui enviaient la fiabilité de son système informatique, l’instantanéité de sa messagerie et la prise en main de son clavier, BlackBerry est désormais en retard. Pointé du doigt, son système d’exploitation, lent et jugé peu adapté à la navigation sur Internet. Contrairement à Google et Apple, il ne possédait pas jusqu’en 2011 de logiciel permettant d’adapter les sites – développés ou non pour le mobile – au format de l’écran. Concernant les applications aussi, RIM a du retard. Si le « BB10 » pourra en faire fonctionner huit en même temps, son service de téléchargement proposera dix fois moins de références qu’Apple.

Autrefois adulé par les « pros », le BlackBerry est petit à petit devenu le « mouton noir » des smartphones, comme l’expliquait en octobre une enquête du New York Times, dans laquelle des cadres avouent avoir « honte » d’en posséder. Même les entreprises cherchent aujourd’hui à s’en débarasser, à l’instar de Yahoo!. A son arrivée en juillet, la nouvelle patronne du portail Internet, Marissa Mayer, décidait de remplacer les BlackBerry des employés par des iPhones et téléphones fonctionnant sous Android. Et le quotidien new-yorkais de conclure : « Les BlackBerry s’attardent à Washington, Wall Street et dans les métiers du droit, mais dans la Silicon Valley ils sont aussi rares que les cravates ». Un mois après, le Pentagone, suivi par les douanes américaines, faisait mentir la journaliste en annonçant avoir lui aussi rompu son contrat d’exclusivité avec RIM.

LE « DUOPOLE » D’APPLE ET GOOGLE

Désormais boudé par les cadres supérieurs, le BlackBerry peut encore compter sur les adolescents et les classes moyennes des pays émergents, « accros » à sa messagerie instantanée fermée – BlackBerry Messenger, BBM pour les intimes, et son prix, bien plus abordable que chez ses concurrents. Mais cela n’a pas empêché la part de marché de RIM de dégringoler de 13,6 % au premier trimestre 2011 à 3,9 % au quatrième trimestre 2012 (chiffres du cabinet IDC). « Le marché mondial des smartphones est devenu un duopole », conclut en outre une étude du cabinet Strategy Analytics, publiée lundi. Ce dernier se partage désormais entre le système d’exploitation mobile de Google, Android, qui se taille la part du lion à 68,4 % et celui d’Apple avec son iOS, qui atteint 19,4 %.

Géographiquement, le plus fort recul des parts de marché a été enregistré en Amérique du Nord (- 60 % sur un an) et en Europe de l’ouest (- 50 % sur un an), tandis que du côté des émergents, la part de marché de RIM est restée stable. « Toutefois, les nouveaux smartphones qui vont être présentés possèdent une électronique plus puissante, le prix moyen de vente, jusqu’ici relativement bas, va augmenter. Le glissement vers le très haut de gamme risque donc de faire reculer la part de marché dans les émergents si RIM néglige son offre de milieu/bas de gamme trop longtemps », souligne M. Peterc.

Aujourd’hui, seules les rumeurs de rachat, totales ou partielles, sont capables de fait bondir le titre en Bourse, qui a gagné plus de 50 % depuis le début de l’année, signe de la nervosité des investisseurs. Les déclarations d’un haut responsable du géant informatique chinois Lenovo, le 24 janvier, en marge du Forum économique mondial de Davos, qui avait manifesté son intérêt pour le fabricant canadien, avaient fait progresser son titre de plus de 2,8 %.

Anna Villechenon

lemonde.fr

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