De 2010 à 2011 (juin) des dizaines de milliers de chèques douteux en provenance du Sénégal ont atterri dans des comptes de la BNP Paribas Monaco. Ces opérations viseraient à semer les contrôles de changes ainsi que le fisc et, éventuellement, à laver l’argent du crime organisé. À quels Sénégalais appartiennent ces chèques ? Quel est le mode opératoire de ces transactions suspectes ? Pour quels objectifs ?… SenePlus a mené l’enquête.
Le 19 février dernier, le procureur général de Monaco a ouvert une information judiciaire pour ‘’blanchiment et complicité de blanchiment’’ visant la Bnp Paribas Monaco. La banque est soupçonnée d’avoir servi de support à un circuit financier suspect de chèques en provenance de 21 pays africains dont Madagascar, Gabon, Burkina et… Sénégal.
Contacté par SenePlus, Jean Merckaert, l’administrateur de l’Ong anti-corruption Sherpa, très au fait de l’affaire, a levé le voile sur les flux au départ du Sénégal. Il révèle à ce propos : ‘’La BNP Monaco a reçu 733 remises de chèques en 2010 et 371 entre janvier et juin 2011. Chaque remise peut contenir entre 1 et 50 chèques.’’
Ce sont donc des dizaines de milliers de chèques en provenance du Sénégal qui ont atterri dans des comptes de la filiale monégasque de la BNP Paribas.
Soupçons de blanchiment d’argent
Selon l’administrateur de Sherpa, ces opérations devraient correspondre à des milliards de francs Cfa. ‘’Si l’on procède par analogie avec Madagascar (où le compte d’un seul apporteur d’affaires a été crédité en un peu plus de 3 ans, en 284 remises de chèque, d’environ 10 millions d’euros), on peut estimer qu’il est vraisemblable de penser que près d’une centaine de millions d’euros (plus de 65 milliards de francs Cfa) ont également été sortis du Sénégal pendant cette période.’’
À en croire la même source et plusieurs autres contactées par SenePlus, ces transactions suspectes visent à ‘’sortir des capitaux à l’insu des contrôles des changes, échapper à l’impôt et éventuellement blanchir de l’argent du crime organisé’’.
Le mode opératoire est rodé. Des expatriés ou visiteurs français sont invités à régler leurs achats (nuit d’hôtel, supermarché…) par chèque en euros sans que l’ordre ne soit rempli. Les chèques sont ensuite vendus contre un intermédiaire qui remplit l’ordre et encaisse le chèque sur son compte monégasque.
Ignorance ou omerta ?
L’affaire a suscité un tollé en France, mais ne fait pas encore grand bruit au Sénégal. En effet, si elles disent avoir eu vent de l’information, la plupart des personnes contactées par SenePlus dans le cadre de cette enquête reconnaissent en ignorer les contours. C’est le cas d’un député de l’opposition qui a souhaité garder l’anonymat et ne pas se prononcer en attendant t’en savoir ‘’un peu plus’’. Itou pour Birahim Seck du Forum civil, qui a promis de revenir vers nous pour donner la réaction de l’organisation dont il est membre.
Contacté à son tour, le président de la Cellule nationale de traitement des informations financières (Centif), Waly Ndour, a rappelé que ‘’les informations traitées par la Centif sont confidentielles, la loi ayant expressément encadré l’utilisation des résultats des investigations de la Cellule’’. Nous lui préciserons, par le biais de son assistante, qu’on souhaiterait uniquement savoir si la Centif a eu vent de l’affaire et si elle allait s’autosaisir. Nous n’avons pas encore de réponse.
Parrains du système
Quels sont les Sénégalais impliqués dans ces opérations suspectées ? D’où tiennent-ils leurs avoirs ? Ces fonds sont-ils d’origine licite ? Du côté de Sherpa, on affirme ne pas détenir ‘’de renseignement précis’’ pour répondre à ces questions. Selon d’autres sources contactées par SenePlus, il faudra ‘’creuser du côté des opérateurs de change informels’’.
L’affaire a été révélée par Le Canard Enchaîné, en avril 2013. Dans la foulée, Sherpa avait demandé au parquet de Monaco d’ouvrir une information judiciaire. L’Ong anti-corruption portera plainte au mois de novembre dernier contre la filiale de Bnp pour ‘’escroquerie aggravée en bande organisée, recel d’escroquerie, recel de fraude fiscale et blanchiment aggravé’’. Ce n’est que trois mois plus tard qu’une information judiciaire est ouverte.
La procédure est enclenchée et le juge désigné à Monaco pour la conduire est appelé à reconstituer les pièces du puzzle, notamment en remontant jusqu’au Sénégal, un des points de départ africains du supposé trafic de chèques. Là où en ce moment la traque aux biens supposés mal acquis fait rage.
Par seneplus.com
« Le mode opératoire est rodé. Des expatriés ou visiteurs français sont invités à régler leurs achats (nuit d’hôtel, supermarché…) par chèque en euros sans que l’ordre ne soit rempli. Les chèques sont ensuite vendus contre un intermédiaire qui remplit l’ordre et encaisse le chèque sur son compte monégasque ».
Cette pratique qui existe, à ma connaissance depuis plus de quarante ans est connue de tous les Français qui séjournent au Sénégal. En 1996 déjà, il y avait au moins trois magasins tenus par des Libano-Syriens où ces transactions étaient menées tranquillement au comptoir, sans aucune précaution particulière qui pouvait faire croire que ceux qui donnaient de l’argent contre des chèques avaient des craintes de quoi que ce soit. Je suis étonné même que les Autorités Sénégalaises n’aient pas été mises au courant depuis ces quarante dernières années . Quoi qu’il en soit, il est très facile de savoir qui bénéficiaient de cette forme d’évasion de capitaux, destinée surtout à « gruger » le Fisc Sénégalais !
[…] 11:13 UTC Blanchiment d’argent à partir de Dakar: Plus de 40 milliards … […]