BRÈVE RÉFLEXION SUR LA DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
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Rendez-vous manqué non pas avec Karim Wade mais avec l’histoire.
L’espoir d’un printemps de justiciabilité et de protection des droits de l’Homme vient de s’envoler au Sénégal au profit de paramètres aussi insaisissables qu’incompressibles.
Plus d’acquis et de certitudes.
Le jus Cogens n’est plus non dérogeable.
Le législateur peut décider de juridictions spéciales à sa guise.
Et si c’est le cas, il peut aménager des règles de procédure spéciales qui restreignent et anéantissent des droits de la défense, des droits fondamentaux reconnus par la Constitution et les Conventions Internationales.
Le législateur peut denier à une partie poursuivie au pénal le droit au recours et en accorder au Procureur dans le cadre d’une même procédure sans que l’équilibre du procès ne soit rompu parce que le Procureur a en charge la préservation de l’ordre public. Ainsi pour le Conseil Constitutionnel, le Ministère Public peut recevoir de la loi des droits supérieurs à ceux des justiciables.
Le fait que des citoyens puissent avoir un double degré de juridiction et un droit au recours à tous les stades de la procédure s’ils sont poursuivis devant les juridictions de droit commun et que ceux qui sont poursuivis devant la Cour de l’enrichissement illicite n’en disposent pas ne constitue pas une rupture de l’égalité des citoyens devant la loi.
Paradoxalement, le Conseil Constitutionnel rappelle dans son arrêt les dispositions pertinentes et non dérogeables de l’article 9 alinéa 4 de la Constitution de 2001 qui énonce que :
« La défense est un droit absolu dans tous les états et à tous les degrés de la procédure ».
Qu’il fait référence aussi à l’article 8 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme que :
« Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétents contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution par la loi ».
S’agissant de l’article 13 de la loi 81- 53 relative à la répression de l’enrichissement illicite, le Conseil Constitutionnel affirme que le législateur peut instituer des présomptions de culpabilité à titre exceptionnel dès lors que les dites présomptions ne sont pas irréfragables. Il ajoute qu’en l’espèce (le cas Karim WADE), la personne n’est ni détenue arbitrairement, ni condamnée définitivement qu’elle a la possibilité de se défendre, d’apporter la preuve contraire par tous les moyens des faits qui lui sont reprochés et de se faire assister depuis la phase d’instruction jusqu’à la juridiction de jugement.
Cette tentative laborieuse de théorisation d’une présomption de culpabilité non irréfragable s’explique par les dispositions ahurissantes de l’article 13 qui énoncent que :
« Le délit d’enrichissement est constitué lorsque, sur simple mise en demeure la personne se trouve dans l’impossibilité de justifier de l’origine des ressources qui lui permettent de mener un train de vie sans rapport avec ses revenues légaux ».
De telles dispositions heurtent évidemment fondamentalement la présomption d’innocence qui voudrait qu’une infraction ne soit pas constituée que parce que décidée par une juridiction de jugement.
Quant un délit est constitué dès la mise en demeure peut-on épiloguer encore sur la nature de la présomption de culpabilité qui en elle-même est une hérésie et d’un anachronisme contemporain des siècles anté-lumière. Plus qu’une présomption de culpabilité irréfragable ou non, il s’agit à l’étape de la mise en demeure d’une culpabilité établie de par la seule volonté du législateur et en dehors de toute juridiction de jugement.
Qu’au surplus en strapolant sur la portée de l’article 13 et les possibilités prétoriennes de défense offertes à la personne poursuivie (nonobstant la présomption de culpabilité) Le Conseil Constitutionnel qui déclare dans sa motivation ne pas être juge de l’application de la loi tout en brocardant qu’en même de manière inélégante, surabondante et superfétatoire la décision de la Cour Suprême, ne se contredit il pas ?
En effet, le Conseil Constitutionnel en prenant la liberté d’affirmer que la personne poursuivie pourra apporter la preuve contraire par tous les moyens des faits qui lui sont reprochés ne préjuge – t – il pas de la compréhension que la Cour de répression de l’enrichissement illicite, une fois saisie par la commission d’instruction, aura des dispositions de l’article 13 ?
Qu’au demeurant, la prouesse conciliatoire entre présomption d’innocence et présomption de culpabilité réussie par le Conseil Constitutionnel me semble être le point culminant d’une décision qui obscurantise un cheminement éclairé de l’humanité jamais ébranlé depuis le siècle des lumières et hélas appelé à s’estomper subitement au Sénégal sous l’effet d’une cause circonstancielle et éphémère.
Par
Maitre Assane Dioma NDIAYE
Avocat à la Cour
Président de la Ligue Sénégalaise des Droit Humains
Le jugement interprétatif du Conseil Constitutionnel dans ce cas Karim WADE est sordide en soi mais , ce fait , au delà de sa répugnance , revêt ce caractère irréfutable de la chose jugée qui est intolérable , inacceptable dans notre pays . Mais où sommes nous bon sang !!!??? Ces dits cinq sages , se rendent-ils seulement compte de la portée historique de ce jugement qu’ils ont rendu ? C’est à s’en taper la tête contre tous les murs de la création . Les armes à feu que l’on sort , pour tirer sur les honnêtes gens pour un oui ou un non , sont la conséquence de ce genre de jugement . Ces actes qui révélent que même au plus haut sommet de l’Etat , seuls comptent les intérêts personnels . Et cet exposé brillant n’y changera rien malheureusement . Les dés sont déjà jetés . LE PARTI AU POUVOIR LUI MEME N’A PAS DE CHEF .