Pour les Sénégalais qui vivent loin de nos frontières, la vie n’est pas une sinécure. Mais ce qui la rend encore plus dure, c’est le mal du pays, la nostalgie des proches. Alors, la moindre circonstance qui les replonge aux sources est la bienvenue. A Paris, le restaurant Le Dibi, situé dans le quartier le plus africain de la capitale, est un de ces lieux où les Sénégalais se sentent vraiment chez eux. Ce Grand’place, géré par un certain Amadou Lamine Fall, est très prisé du microcosme politique surtout. Reportage.
Il est 17h45, ce vendredi. C’est la fin d’une journée de dur labeur, surtout pour ceux qui ne sont pas encore en vacances ou qui en sont revenus. Tant mieux, car il fait très chaud en ces temps qui courent, les températures varient entre 28 et 32°. Dans le bouillant métro parisien, c’est le rush. On s’entasse dans les rames, car tout le monde a hâte de rentrer chez soi pour enfin se reposer. Tout le monde sauf une bande d’émigrés sénégalais qui se ruent vers une destination bien particulière : le 46 rue Polonceau, dans le 18e arrondissement de la capitale. A cette adresse, se trouve le restaurant Le Dibi.
Ici, nous sommes au cœur du quartier Château Rouge, qui abrite le marché exotique africain. Vous y trouvez tout produit tropical qui n’existe pas ailleurs en France et en Europe. Le quartier est toujours bondé, et les commerces ne désemplissent jamais. C’est dans cette ambiance que baigne le restaurant Le Dibi, un des lieux principaux de ce qu’on pourrait appeler le Grand’place sénégalais à Paris
Aujourd’hui encore, comme c’est quasiment le cas tous les vendredis, et ce depuis des années, Me Mamadou Diallo a finit de prendre place autour d’une des sept minuscules tables qui équipent ce restaurant pas comme les autres. «Jokhma 4 bissaps» (Ndlr?: donnez-moi quatre verres de bissap), fit-il signe à la serveuse qui s’exécuta. Les compatriotes?qui l’entourent sont servis, c’est lui qui paie. Et pourtant, comme d’habitude, cet avocat à la cour de Paris et ses «amis» ne sont pas spécialement venus pour consommer ; mais plutôt pour «discuter des affaires du pays». Cela tombe bien, parce qu’à cet instant, un thème très actuel est en train de passer à la moulinette : la corruption. Affaire Ségura, les scandales financiers révélés dans la presse, gestion gabegique du pouvoir… chacun y va de son avis. Le tout dans un brouhaha indescriptible. Il faut dire qu’ici personne n’écoute personne. Tout le monde a raison. Manque de civisme ? Non-respect aux clients qui «eux» consomment à côté ? Laxisme de la maison ? Non, non, et non ! Au fait, c’est justement ça Le Dibi. Une sorte de combinaison de chawarma et de je m’en foutisme. Du travail dans la distraction. L’amateurisme qui côtoie le sérieux. Bref, tout ce qui renvoie au Sénégal natal. Oui, c’est ça la particularité de Le Dibi. Et, visiblement, ça plaît à tout le monde parce que chaque jour on recommence, chaque jour la maison laisse faire, et cela n’empêche pas les clients de revenir. «J’ai l’impression d’être au Sénégal quand je suis au Dibi», se réjouit notre cher avocat et cadre de l’Alliance des forces du progrès (Afp) en France qui sera rejoint plus tard par son Secrétaire général Abdoulaye Sall. Il ajoute, nostalgique: «Je n’ai pas envie de me couper de mon pays.»
Le trottoir campe le décor
Pas de soucis Maître, parce qu’au Dibi on ne dépayse pas. En effet, depuis son ouverture au milieu des années 90, ce restaurant spécialisé dans la viande grillée au feu de bois est devenu au fil des années un lieu incontournable pour les Sénégalais de Paris. Pour sa classe ? Certainement pas ! Son décor, sobre, ne ferait en tous cas pas de jaloux. Deux affiches de Daara-J sont posées sur le mur. Au fond de ce qui fait office de salle à manger, un petit comptoir derrière lequel les commandes sont enregistrées. Derrière ce comptoir, une jeune femme est au four et au moulin. Elle prépare des frites par-ci, sert du bissap par-là, sollicite l’aide du patron pour trancher la viande, et, le comble, vient papoter de temps en temps avec des clientes déjà attablées.
Dehors, il n’y a rien qui puisse attirer les non initiés. On peut à peine apercevoir l’inscription qui indique qu’on est au restaurant Le Dibi. Et parfois vous pouvez même dépasser le lieu si vous n’y prêtez pas attention. Le trottoir est constamment? «occupé» par les visiteurs classiques, ceux qui n’achètent jamais. C’est une scène qui vous rappelle tout de suite les attroupements des «chômeurs» devant les boutiques des «Diallo» à Niary Tally, Grand Yoff, Thiaroye, etc. Ils fument, discutent en groupe ou en aparté, rigolent, taquinent des passantes. Dans ces conditions-là les éventuels clients, s’ils n’ont pas les coudées assez franches pour se faufiler, sont obligés de déboîter. Une fois la porte difficilement localisable ouverte, surprise : vous êtes? accueilli par les rires banania de ceux qui se sentent vraiment chez eux. Et l’odeur qui se dégage de la kitchenette campe déjà le décor…
Un esprit sénégalais dans un environnement sénégalais
Ici, il y a de la place pour tout le monde, mais le lieu est surtout un sanctuaire des gens connectés à la chose politique.? Après leurs occupations quotidiennes, ils s’y retrouvent pour refaire le Sénégal. Discussions avec entrain, alternance entre? le français et le wolof, cris, rires et bruits assourdissants, gestuels, cohabitation dans une même pièce entre débatteurs et clients, occupation abusée du trottoir…, c’est cette ambiance sénégalaise qui fait la réputation même du Dibi. Ici, c’est un esprit sénégalais dans un environnement sénégalais. Et pour rien au monde, Sidy Fall ne peut se dérober de la routine. Il vient de faire son entrée dans le restaurant, avec un sac de provisions exotiques à la main. Depuis «plus de 10 ans», il monte «tous les jours» à Polonceau. Il milite au Msu et, comme Samba Fadiga, il revendique la tête de la coordination en France. Et ça fait des années que cela dure. Mais plus qu’un grand habitué des lieux, Sidy en est un animateur clef. Il ne se lasse jamais des débats. Son thème favori : Mamadou Dia ; son rôle préféré : la contestation du régime de? Wade ; son style invariable : la provocation. Aujourd’hui encore, il est venu se «ressourcer», «passer une ou deux heures avec la communauté». «Les gens aiment venir ici parce qu’ils adorent ce folklore, ce désordre», fait-il remarquer. Sauf que parfois ça craint avec les discussions contradictoires. «Des fois, c’est très vif mais nous parvenons toujours à contrôler nos émotions», dédramatise Sidy.
A 19 heures sonnantes, les lieux ne désemplissent pas mais, bizarrement, ce soir bon nombre d’habitués des lieux manquent à l’appel. Il n’y a pas les Socialistes Birahim Camara, Cheikhna Camara, Doro Sy, Sanou Dione (?), le Roberiste Moussa Diémé,? les Libéraux Bayo Fofana, Ousseynou Seck, Amadou Ba, le Progressiste Aguibou Diallo, et bien d’autres. Sont-ils en vacances ? Ou font-ils des heures sup ? Allez savoir ! Toujours est-il que cela n’empêche pas les discussions de s’animer. On jongle d’un thème à l’autre. Amadou Sow, président du mouvement Arc-en-ciel qui avait soutenu Wade pour sa réélection en 2007, se fait entendre : «Moi, je ne suis pas redevable à Wade.» Vice versa ? En tous cas, Oumar, lui, n’en a cure. Il s’occupe à distribuer ses tasses de thé à raison d’1 euro l’unité. Et pendant ce temps, comme si de rien n’était, le service continue.
A l’entrée, les clients ont du mal à se frayer un passage, tant les chaises sont disposées de façon dispersée. Une dame parvient tout de même à trouver une place pour la poussette de son enfant, avant de s’installer sur l’aile des consommateurs. Elle ne tardera pas à déguster son chawarma. A droite, c’est l’aile des «débatteurs». Ces derniers suscitent la curiosité des clients qui, étonnés au début, s’accommodent rapidement à l’ambiance. Certains ont même l’air fascinés, peut-être subjugués par la technicité des échanges, mais aussi le mode opératoire qui leur rappellent «Djolof». Tandis que d’autres apportent carrément leur grain de sel dans les débats sans y être invités. C’est le cas de cette jeune femme qui, entre deux bouchées, y alla de sa provocation. «Na Abdoulaye Wade dem rek» (Que Abdoulaye Wade quitte le pouvoir). Rires dans la salle. Cette réaction soudaine laissa bouche bée le jeune Libéral, Ousmane Coly, très esseulé ce jour, et qui a même fini par perdre le fil de son idée.
Un creuset des hommes politiques
Moussa Thiam, vêtu d’un boubou blanc comme pour «respecter le vendredi», lui, ne manque pas de punch. Il coupe la parole à tout va. C’est un autre habitué de la maison. Agent de voyage de profession, il se trouve être aussi le président des fans club de Youssou Ndour en France.
Arrivé dans la capitale française en 1987, il fréquente les lieux depuis 1990, c’est à dire bien avant même la création du restaurant qui jadis était un magasin de cosmétique. «Moi, j’ai vu naître Le Dibi», lance-t-il fier, avant de témoigner : «C’était la même ambiance à l’époque, la seule différence est que la politique n’avait pas une emprise sur les sujets.» Pour Moussa, «quand on a un avis, il n’y a pas un autre endroit que Le Dibi pour l’exprimer.»
Mais si Le Dibi est un repère pour des Sénégalais nostalgiques, il est tout aussi un point de chute pour ceux qui sont juste de passage dans la capitale française. Surtout les leaders politiques. A commencer par Abdoulaye Wade, surtout du temps où il n’était que «simple avocat». Ousmane Tanor Dieng, Abdoulaye Bathily, Amath Dansokho, Landing Savané, Mamadou Diop Decroix, Talla Sylla Macky Sall, Cheikh Bamba Dièye, Mohamadou Bamba Ndiaye ont eu à un moment ou un autre à venir faire un petit coucou aux occupants des lieux. La palme de la fréquentation revient à El Hadj Diouf, Moustapha Cissé Lo et Moussa Sy. «Le fait de recevoir ces gens nous permettent de rester en contact avec le pays parce qu’ils ont des informations que nous n’avons pas», souligne Mass Sy, un autre animateur du «Forum démocratique du Dibi» qui venait de prendre place. «Ici, ajoute-t-il, nous sommes en avance par rapport à Dakar parce que nous disons ce que nous pensons. Il n’y a pas de barrières diplomatiques entre les leaders politiques et la base.»
Le Dibi, c’est aussi son côté médias. Ici, des conférences de presse sont régulièrement organisées avec les correspondants de la presse sénégalaise à Paris. Même si depuis quelque temps, elles se tiennent plutôt au restaurant qui jouxte Le Dibi ; Chez Aïda, plus confortable et plus calme. Pendant la campagne présidentielle de 2007, des débats télévisés ont eu lieu dans le sous-sol du Dibi. Aujourd’hui, ce sous-sol sert de «siège» à Diamono Tv, lancé par Majid Kébé, un jeune Socialiste en quête de reconversion. «C’est là que je fais mes montages», renseigne Majid. Qui, avec ses collaborateurs, interviewent régulièrement des hommes politiques de passage.
Pour Majid, Moussa, Sidy, Mass, Ousmane, Amadou et tous les autres adeptes du Dibi, les jours se suivent et se ressemblent. Tous ont le mal du pays. Et tous ne boudent pas le plaisir de se retrouver dans ce Grand’place pour confronter leurs idées. Pour vivre comme au pays, loin du pays.
Par Thierno DIALLO – Correspondant en France
lequotidien.sn
Entre nous on peut se dire des vérités quand même, le dibi au Sénégal comme à Paris est un lieu à risque. A Dakar, les dibis sont mal éclairés, ce qui veut dire qu’on peut y entrer bien portant et en sortir avec un bout d’os dans les gencives. La viande est cassé au lieu d’être sciée pour éviter des accidents. La viande est servie dans du papier récupéré… (sac de ciment? sac de farine? on ne sait pas….) et quand on a fini de manger avec les doigts, il faut aller se laver dans les toillettes…. attention je vous décris le Mboté à la Médina de Dakar d’il y a deux ans (peut être qu’ils ont fait un effort d’investissement). La viande trop grillée (brûlée) et….. NOONN nous ne savons pas bien mangé au Sénégal. C’est un pur sénégalais qui écrit (pas un Karim Wade). Allez voir du côté des nigériens, j’y ai vu un effort de propreté. La saleté est aussi le lot de certains restaurants chinois. Faites des efforts, investissez dans la propreté et l’hygiène, ça sécurise la clientèle qui reviendra…… sinon nous allons tous nous sentir attaqués et humiliés pour ne pas dire dénigrer (nous sénégalais) si la télé française faisait un reportage sur les cuisines africaine à Paris comme elle le fait tous les deux ans sur les chinois. Nous sommes sur la même barque, ne nous gargarisons pas avec ces auto satisfactions, notre cuisine est sale et répugnante ( dans la restauration je parle). Investissez dans des laves vaisselles pour la propreté des verres et ustensiles, revoyez les toilettes (il n’y avait pas d’eau la semaine dernière quand j’y suis passé, chez Aïda). Servez la boisson dans des bouteilles à ouvrir devant le client (même du bissap, du djinger etc…). Revoyez les conditionnements de nos boissons locales. C’est de la critique constructive mes frères. Sortons des cases où on nous loge. Ne créons pas d’idées reçues sur notre riche cuisine. Je connais beaucoup de nos compatriotes qui ne retournent pas au dibi ou chez Aïda pour les raisons évoquées. Avocat sénégalais à la cour de Paris, doctorant, professeur de fac etc…. tout ça ne veut pas dire propreté et hygiène. Par contre il y a des sénégalais qui travaillent dans la santé publique en France et qui forment à la prévention des risques et qui peuvent vous aider GRATUITEMENT à mieux concevoir un espace aseptisé pour la restauration.
RIEN A Y AJOUTER SAMA RRAK
Maitre Diallo, un grand militant de l’AFP et c’est moi qui l’ai demarche. Apres la traitrise de Djibo Ka il a quitte, avec beaucoup de ses camarades, l’urd. Cependant Abdoulaye Sall est un faux type, il a un pied dehors et un autre dedans.
Le Dibi fonctionne bien a cause de Pa Lamine Sall, un pds des heures de braises. Kor Daba est tres gentil et tres acceuillant et c’est un brave type. Mais depuis quelques annees il a lache prise. Il ne croit plus a Wade. En 2012, il fera campagne pour l’AFP a la tete d’un orchestre local, vetu d’un court Thiaya que je lui ferai confectionner de Dakar. Bon ramadan et bon courage aux amis du Dibi. Faites tous campagne pour le depart des Wade.