Cahier d’un retour au pays natal d’un «Laminé»

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Lamine Diack rentre au pays. Enfin ! Il était temps. La fin d’un supplice. Le jour se lève pour le vieil homme longtemps plongé dans des ténèbres d’incertitude. Ce n’est plus désormais qu’une question d’heure, Lamine Diack, longtemps au faîte de sa gloire pour avoir dirigé l’Iaaf, la Fédération internationale d’athlétisme (Iaaf) de 1999 à 2015 va passer le restant de ses jours au Sénégal. Un soulagement pour ses proches, une délivrance pour ce qui reste de ses fidèles. Le Sénégalais Diack a été condamné, le17 septembre 2020 à Paris, à quatre ans de prison, dont deux avec sursis, pour son implication dans un réseau de corruption voué à cacher des cas de dopage en Russie.

Ressorti libre à l’issue de la lecture du jugement, le Sénégalais de 87 ans avait fait appel. Malgré tout, il a été reconnu coupable de corruption active et passive et d’abus de confiance et a été condamné à une amende maximale de 500 000 euros (environ 325 millions de FCfa). Une somme que son ancien club, le Jaraaf de Dakar a mobilisé pour le faire sortir du pétrin dans lequel, il était plongé. Des épreuves endurées dans la solitude d’un lion blessé encore assisté de quelques fidèles, au moment où les pique-assiettes et autres profiteurs du soir l’ont abandonné à son singulier et triste sort. Mais Lamine Diack tient enfin sa revanche. A son retour, certaines personnalités qu’il a gracieusement aidées ne vont pas se bousculer au portillon pour le voir. Tant la honte va les laisser moisir dans leur coin. Ces personnes qui lui collaient aux basques telles des valets méritent mépris. Puisqu’elles n’ont même pas eu l’élégance de condamner sa privation de liberté lâche et brusque. Pourtant, Lamine Diack a beaucoup fait pour des personnes qui ne le méritaient pas et qui l’ont lâché dès les premiers coups de boutoir d’une justice française sans pitié pour le vieil homme. Mention spéciale à tout le top management du Jaaraf pour leur fidélité et leur engagement à le tirer de ce guêpier.

Lamine Diack et son fils de 55 ans, Papa Massata Diack, qui dirigeait le marketing à l’IAAF, étaient jugés pour avoir permis de retarder, à partir de fin 2011, des procédures disciplinaires à l’encontre d’athlètes russes soupçonnés de dopage sanguin, dont certains avaient été sacrés aux Jeux olympiques de Londres-2012 (Kirdyapkin sur l’épreuve du 50 km marche, Zaripova sur celle du 3 000 m steeple) avant d’être déchus pour dopage.

Derrière cette indulgence, il y a ce « deal » rocambolesque, révélé par Lamine Diack lui-même durant l’enquête : le renouvellement de contrats de sponsoring et de diffusion de l’IAAF avec la banque d’Etat russe VTB et la télévision publique RTR, ainsi que des fonds pour financer l’opposition au sortant Abdoulaye Wade lors de la présidentielle de 2012 au Sénégal. L’affaire a généré le scandale du système de dopage institutionnel en Russie, qui pourrait coûter au pays de Vladimir Poutine sa place aux JO-2020 l’été prochain.

Massata Diack a préféré l’opulence à la dignité

Malgré les accusations à son encontre, Papa Massata Diack qui a longtemps profité des largesses de son père a pris la responsabilité de le laisser seul face à la justice française. Au moment où la chronique locale l’invitait à prendre son courage à deux mains, pour affronter la justice. Il a préféré l’opulence à la dignité, la peur au courage, la lâcheté à l’honneur. Et l’histoire le jugera pour l’éternité. Pourtant, on ne compte plus les scandales auxquels son fils, Papa Massata Diack et son frère, Khalil, sont mêlés. Ils étaient visés par une enquête menée par l’Agence mondiale antidopage (Ama) au sujet «d’un système de corruption, de chantage et d’extorsion de fonds d’athlètes dopés russes et turcs». Il y a moins d’une année en 2014, Pape Massata Diack a été contraint à la démission après avoir été accusé par les journaux britanniques d’avoir demandé 5 millions de dollars (environ 2 750 000 000 FCfa) au Qatar dans le cadre de l’organisation des championnats du monde par la Fédération internationale d’athlétisme. Lui est accusé trop souvent de dépasser la ligne jaune, mais sous couvert de la bienveillance de son père, Lamine. On lui a longtemps collé l’image d’un intermédiaire qui fait le «link» entre certains hommes d’affaires très influents de la planète comme le nommé Balakhnichev, et son père, ancien président de l’Iaaf. A son plus grand profit. «Des hommes d’affaires connus au Qatar ou à travers le monde lui ont mangé dans la main», confirme un journaliste qui a pris ses distances avec lui.

Les fleurs et les épines. Héros hier. Aujourd’hui, traîné dans la boue. Lamine Diack, 87 ans, a montré deux visages depuis l’éclatement de cette affaire de corruption. Une face où il porte beau le titre de Docteur Jekyll, et une autre, plus sombre, où il est Mister Hyde. Hier modèle de générosité. Aujourd’hui, on l’accuse d’être empêtré dans des deals scabreux. Une désillusion pour bon nombre de Sénégalais. «C’est un miroir, un monument qui s’effondre à travers ces aveux de Lamine Diack. L’homme est un exemple et personne ne s’attendait à ce qu’il puisse être mêlé à ces histoires. Je suis vraiment déçu», regrette Cheikh Guèye, adjoint au maire de Dakar. En écho, Mamadou Mbodj, coordonnateur du M23, s’efforce de ne pas y croire. «Pour tout ce que représente Lamine Diack, l’entendre ainsi sur des accusations de corruption, c’est quand même décevant.» Lamine Diack, qui s’est porté volontairement pour faire partir Wade par tous les moyens, a été perdu par un accès, un excès d’engagement. Ce caractère téméraire et impulsif, Lamine Diack l’a nourri dans le difficile quartier de Rebeuss. «Il n’a rien fait pour ce quartier, il n’a même pas réhabilité le stade Assane Diouf, qui se trouvait au cœur du quartier et qui est tombé aujourd’hui dans l’escarcelle des promoteurs immobiliers», critiquait très sévèrement le double ballon d’or sénégalais El Hadj Ousseynou Diouf. Les deux hommes ont accordé leurs violons depuis. Ne tirez plus sur l’ambulance. Puisque l’ancien président de l’Iaaf représente l’image que beaucoup de gens se faisaient du Sénégal à travers le monde. Une image lisse, propre. Et c’est cette image, écornée, qu’il faut chercher à  reconstruire dans le sens le plus noble du terme. Et pour cela, ces éternels amis et alliés ne doutent plus de de son innocence. Ils sont nombreux à investir les réseaux sociaux pour défendre le Président Diack.

Un timide athlétique. Un Diack peut en cacher un autre. Sous ses dehors d’homme raffiné et sa silhouette d’éternel prince du Sport, sous ses sourcils clairsemés, sa moue sérieuse, ses paupières fières de conserver sa part d’authenticité, Lamine Diack, qui ne se départit jamais de ses lunettes correcteurs sur un visage sobre, sacrifie à la fois au conformisme du présent et à la nostalgie mélancolique des temps anciens. Il faut jeter un coup d’œil dans le rétroviseur pour figer la trajectoire de l’ancien président de l’Iaaf. L’homme, élevé dans le dur, a très tôt fréquenté l’école coranique. Il traverse le quartier de sa timidité et ne fait rien qui choque les grandes personnes. A l’heure d’entrer à l’école, il court, enthousiaste, à l’école primaire Faidherbe où ses notes impressionnent autant que sa précocité. Il est reçu au concours d’entrée en 6ème et entre avec fracas au lycée Van Vollenhoven (actuel Lamine Guèye), où son sérieux dans les études détonne. En sport, ses jambes de feu étonnent. En vrac, dans sa biographie disponible sur le Net, la vie du Président Diack est ainsi résumée : «Après avoir été un athlète pratiquant le saut en longueur, il occupe différentes fonctions au sein des organisations sportives. Il est tout d’abord joueur de football évoluant au sein du club dakarois du Foyer France Sénégal (Ffs), fin années 1950 début année 1960, club qu’il entraîna ensuite, y introduisant le fameux système de la défense en ligne, puis directeur technique national de l’équipe du Sénégal de football de 1964 à 1968. Membre du comité national olympique du Sénégal depuis 1974, il en devient président en 1985, poste qu’il occupe jusqu’en 2002. Durant cette période, il exerce également des responsabilités politiques, avec le poste de maire de Dakar, de 1978 à 1980. Il fait aussi partie du parlement sénégalais, de 1978 à 1993. Il a également des responsabilités au sein de l’International Association of Athletics Federations (Iaaf), organisme qui gère le monde de l’athlétisme. Vice-président de Primo Nebiolo, il est élu président lors d’une séance extraordinaire en décembre 1999, à la suite de la mort de son prédécesseur. Il est réélu président de l’Iaaf le 24 août 2011 pour un mandat de quatre ans lors du 48e congrès de l’Iaaf, avec 173 voix pour et 27 contre. En novembre 2015, il est mis en examen pour corruption. La suite on la connaît…

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