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« Candidature à un troisième mandat : et si Macky SALL tentait de convaincre la France ? » (par Dr Aboubakry Kébé)

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Si la controverse autour de la candidature supposée du Président Macky SALL à la prochaine
élection présidentielle de 2024 agite l’opinion publique sénégalaise depuis une certaine période, il n’en reste pas moins que l’ombre de la France est palpable dans ce débat à la lumière des entrevues en coulisse entre les Présidents sénégalais et français révélées par la presse, l’interview du Président sénégalais concédé à l’hebdomadaire français L’Express et la récente consultation du Professeur de droit public français Guillaume DRAGO par le Président SALL, publiée par Le Figaro.
Alors que le débat n’a pas encore connu son dénouement eu égard au silence abscons et énigmatique du chef de l’État en cours de mandat, la question de sa probable candidature ressurgit dans l’espace public. En effet, selon un article paru dans le journal français Le Figaro du 20 mai 2023 repris par une bonne partie de la presse sénégalaise, le Président de la République Macky SALL aurait consulté le Professeur Guillaume Drago, spécialiste du contententieux constitutionnel français pour avis au sujet de la constitutionnalité de sa troisième candidature à la présidence de la République qui demeure en l’état incertaine. Loin de nous abasourdir, la démarche de la consultation conduit vraisemblablement à admettre sa motivation, c’est-à-dire reconnaitre le bien- fondé de la possibilité d’une troisième candidature du consultant à l’élection présidentielle de 2024.

À cet égard, les titres de différents quotidiens relatant cette information sont révélateurs d’un certain manque de prudence dans le traitement de ce scoop (« Candidature du chef de l’État en 2024 : Pr Guillaume Drago valide Macky », Le Quotidien du 22 mai 2023 ; « Présidentielle 2024 : Le Pr Guillaume Drago valide la candidature du Président Macky Sall », Dakar actu du 22 mai). À leur lecture, tout laisserait croire que la validation de la candidature du Président de la République à un troisième mandat dépendrait de ce Professeur français qui n’a émis qu’un simple avis destiné au demandeur, qui appréciera l’opportunité de sa candidature tant sur le plan juridique que politique. Du reste, son avis ne saurait se substituer ni à la volonté des électeurs sénégalais en leur qualité de parrain des candidats à la présidence, ni au Conseil constitutionnel qui examinera la recevabilité des candidatures à l’élection présidentielle avant d’arrêter et de publier la liste des candidats (article 30 de la Constitution) et enfin à la majorité du suffrage universel sénégalais qui élira le futur Président de la République en 2024 (article 26 de la Constitution). Dans le même contexte, si l’avis de M. DRAGO n’assure pas la recevabilité de la candidature, il n’en demeure pas moins qu’il contribue à lui conférer un crédit à l’international et particulièrement en France. Il conforterait à coup sûr l’intuition du Président de la République, dont les différents actes soutenus par ses inconditionnels partisans semblent avaliser cette candidature redoutable, qui suscite déjà de nombreuses oppositions, quand bien même le principal intéressé ne s’est pas encore déclaré officiellement candidat. Cependant, il semblerait que le chef de l’État français Emmanuel Macron aurait tenté de lui convaincre de ne pas briguer un troisième mandat (« Emmanuel Macron tente de convaincre Macky Sall de renoncer à un troisième mandat », Africa intelligence du 2 mars 2023).
Si cette information a été démentie par la présidence sénégalaise, l’entretien accordé par Macky SALL à l’hebdomadaire français L’Express paru le 23 mars semble traduire une réponse à la démarche supposée du Président français, dès lors qu’il y affirme que « le débat est tranché sur le plan juridique » et que le Conseil constitutionnel a estimé que « son premier mandat était intangible et donc qu’il était hors de portée » de la réforme constitutionnelle de 2016. Il en découle que le Président SALL tente sans ambages de conférer une assise constitutionnelle à sa troisième candidature pressentie. Après avoir franchi le cap de la bataille médiatique suite à cet entretien, Macky SALL s’inscrit dans le même sillage en confortant la stratégie de la bataille juridique par l’intermédiaire d’un Professeur de droit public français. Au regard de l’enchainement de ces évènements et des déclarations tous azimuts du Président sénégalais, tout semblerait croire qu’il tente à son tour de convaincre la France et indirectement la communauté internationale, de la constitutionnalité de sa troisième candidature à la magistrature suprême. Pendant ce temps, le peuple sénégalais demeure confiné à un « ni oui, ni non », analysé par certains observateurs comme l’une des principales sources des différentes manifestations et violences en cours dans le pays portées des opposants ainsi que des forces vives de la nation réunies autour de « la plateforme F24 » pour s’opposer à cette candidature préjugée non conforme à la Constitution.
En voulant instaurer un faux débat sur la recevabilité de sa candidature, le Président sénégalais se base sur la réforme constitutionnelle de 2016 validée par le Conseil constitutionnel dans sa Décision n° 1-C-2016 du 12 février 2016 affaire n° 1-C-2016 dans laquelle celui-ci considère « que le mandat en cours au moment de l’entrée en vigueur de la loi de révision, par essence intangible, est hors de portée de la loi nouvelle » (cons. 30). C’est d’ailleurs, cette décision qui constitue la principale motivation du Professeur Guillaume Drago pour admettre la validité de la candidature du Président M. SALL en 2024. Il en résulte que cette consultation ne vise qu’à faire confirmer la déclaration politique du Président sénégalais Macky SALL par un universitaire français pour conférer une base constitutionnelle à son intention patente de briguer un troisième mandat. N’est-ce pas là une façon de dire à son homologue français, le Président Emmanuel Macron, qu’un Professeur de droit français admet la constitutionnalité de sa candidature à la présidentielle de 2024 ? Quand bien même, cela pourrait être évoqué de façon plus légitime par des Professeurs de droit sénégalais, mais hélas une partie de ces universitaires non consultés par le Président considèrent qu’il n’a pas le droit de briguer un troisième mandat, même si certains d’entre eux semblaient envisager la constitutionnalité de cette potentielle candidature. À part son ministre de la Justice, le Pr. Ismaila Madior FALL, qui avait déjà reconnu que Macky SALL ne pourrait pas briguer un troisième mandat, eu égard à ce que la Constitution a limité le nombre de mandats à deux avant de changer d’avis, certains universitaires sénégalais considèrent qu’il a épuisé le nombre de mandats qui lui étaient dévolus par la Constitution et en conséquence ne pourrait pas participer à la présidentielle de 2024 ( notamment Pr. Alioune Badara FALL, « Trouble autour de l’article 27 de la constitution sénégalaise sur le mandat présidentiel ou le mal démocratique sénégalais », Sud Quotidien 14 mars
2023).

Pourtant, la volte-face de Macky SALL au sujet de cette candidature apparait étonnante à bien des égards. En effet, lui-même avait reconnu avoir verrouillé le nombre de mandats à deux à la suite de la réforme constitutionnelle de 2016. Il nous semble d’ailleurs que le débat actuel sur sa candidature présumée à un troisième mandat n’avait pas sa raison d’exister, encore moins suscité un tel big bang médiatique au vu de la réponse tranchée par le principal protagoniste. Il avait lui-même réitéré ses allégations lors de sa conférence de presse du 31 décembre 2018 prononcée dans la foulée de son message à la nation. Mieux encore, Macky SALL a expressément écrit dans son ouvrage autobiographique Le Sénégal au cœur, publié dans le contexte préélectoral de la présidentielle de 2019, qu’il sollicitait la confiance du peuple sénégalais « pour un second et dernier mandat », (p. 165). Il concluait ainsi qu’il mesure « le poids de l’histoire et celui de sa charge » ainsi que « l’immensité de ses responsabilités envers le peuple et les générations futures ». En conséquence, le fondateur de l’Alliance pour la République est plus que jamais confronté à l’histoire de son pays. La majorité des suffrages exprimés en 2019 lui a renouvelé son ultime mandat qui expire le 3 avril 2024. Il en résulte qu’il a une double obligation d’honorer sa parole donnée à l’égard de la nation sénégalaise, puisque le Président faisait allusion aux générations futures dans son livre. Il devrait donc briser le silence au lieu de continuer à laisser planer le doute sur sa probable candidature. Honorer sa parole lui permettrait de garder l’une de ces mentions les plus méritoires dans les langues de la postérité quand bien même qu’elle ne revêtirait pas le caractère d’un engagement juridique.
Au demeurant, au lieu de chercher à défendre la constitutionnalité de sa candidature à un troisième mandat, le Président Macky SALL devrait trancher sans plus tarder le débat en confirmant à titre irrévocable qu’il ne sera pas candidat à l’élection présidentielle de 2024.

Dr. Aboubacry KEBE

1 COMMENTAIRE

  1. Arrêtez de vous leurrez vous-même en pensant leurrer le PEUPLE. Macky sall est le 1er à savoir que le jour où il déposera sa candidature il ne passera pas une nuit de plus au Sénégal. Macky sall est finit telle une prostitué épuisée d’une fin de nuit sans répit. Qu’il aille voir les GIS américains ou les talibans de oussama ben Laden, encore moins une quelconque France, il sera délogé comme un rat du palais. On ne pas dirigé un pays dont les citoyens vous ont vomit et ne veulent plus sentir vos odeurs nauséabondes.

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