Qu’est devenu Mboul, capitale du Cayor, Lambaye du Baol, Yang Yang ou encore d’autres capitales des royaumes traditionnels sénégambiens. Absorbés pour la plupart par les communautés rurales et autres entités administratives, ces sites historiques constituent de nos jours de véritables musées vivants très souvent méconnus. Nichée au cœur de la région de Fatick, Diakhao est la dernière capitale du royaume du Sine. Aujourd’hui, elle garde encore les vestiges les plus représentatifs du royaume Sine, classé patrimoine de l’Unesco, la maison Royale des Rois Coumba Ndofféne Famak, Coumba Ndofféne Fandeb, Mahécor Diouf, parmi les plus célèbres du Sine, est aujourd’hui le symbole de la longue marche du royaume sérère avec ces sépultures des Bur Sine, des Guelewar, des Linguères, des lieux de libation des rois ou encore les célèbres «Joung Joung » tambours royaux qui s’offrent aux visiteurs.
14 heures. Diakhao. Devant le garage situé à l’entrée de cette ville, se dresse une imposante résidence. Le visiteur qui débarque n’a pas besoin de chercher un guide pour reconnaître ces lieux. Cette demeure que l’on assimile facilement à l’hôtel de ville ou encore la gouvernance est bien celui de la cour des rois sérères. Le grand portail franchi, la sépulture qui s’offre au visiteur donne une idée sur la singularité de cette demeure chargée d’histoire. Chaque mètre de cette commune est un symbole du royaume du Sine et de ses 57 rois ou Bur Sine. En accédant à l’intérieur de cette grande concession, on tombe sur une grande bâtisse de construction coloniale.
La maîtresse des lieux n’est autre que la princesse Khady Diouf, une des filles du dernier Roi du Sine, Mahécor Diouf. Cette demeure qu’elle occupe est construite par son père qui a succédé au Bour Sine Coumba Ndofféne Diouf Fandeb en 1924. Les photos qui tapissent les murs du salon et immortalisant les étapes du règne de Mahécor Diouf. Le septuagénaire Cheikh Ndiaye, un des griots attitrés de la famille du Bour Sine renseigne «J’ai vécu un moment de cette période faste dans la cour du Roi Mahécor Diouf. Que ce soit le jour de la tabaski où les autres fêtes traditionnelles, il montait sur son cheval accompagné de mon grand père et d’autres griots de la contrée et des Saltigués dépositaires du savoir mystique ancestral. Il avait une porte spéciale où il passait pour accéder dans la cour royale et aller réveiller Bour Sine». Il évoque la geste de Diogo Gnilane Yandé Bouna Diouf né en 1443 et mort en 1461, celle de Coumba Ndoffène Diouf Fandeb (1897-1924) de Ama Diouf Gnilane Diouf (1814-1848) de Lat Souck Faniame Faye (1688-1698 et de Mahécor Diouf qui reposent à côté d’un gros Baobab.
En face du premier bâtiment se dresse un autre que l’administration coloniale a fait construire au Roi Coumba Ndofféne fandeb 51e de la lignée et avant dernier souverain du royaume de Sine. Diakhao est un musée vivant. Chaque mètre de cette grande concession évoque l’épopée du Sine et l’histoire de Diakhao. Cette localité est la dernière capitale des Buur Sine, explique Mahécor Diarra Diouf qui est aujourd’hui le gardien du temple et dépositaire de l’histoire du Sine. Contrairement au Saloum voisin, le royaume du Sine qui s’étendait entre Ndock et les côtes de l’Atlantique, a connu plusieurs capitales avant Diakhao.
Le Bour Sine a souvent tourné au gré des différents souverains qui sont montés sur le trône. Mbissel a été la première capitale. Choisie comme lieu de résidence par le Roi fondateur Massa Waly Dione, elle a ensuite été transférée à Ndiolmangane par son successeur Tassé Faye. Wagane Faye a son tour élit domicile à Ndiongolor, Diouma Dieng a lui choisi Somb et perpétue la tradition qui voulait que chaque roi qui accède au pouvoir change de résidence. Sangay, Mbimor deviendront tour à tour des capitales avant d’être supplantées par Diakhao choisie comme capitale par Wassila Faye en 1287. La sépulture de Wassila Faye est l’une des sept édifiées dans de la Cour du Bour Sine. Diakhao est devenue la capitale du Sine depuis 1287.
Parti de Bicol, le Roi Wassila Faye accompagné de ses pangols et de son frère Coly s’était exilé à Fatick. C’est le début de la grande épopée des souverains avec une organisation politique qui laisse une place importante au religieux. Derrière le Maat, autre appellation du Buur Sine, on pouvait distinguer le Jarraaf, le Grand Farba, l’homme de confiance ou encore le San gi Job chargé de gérer le commandement des frontières surtout avec celui du Baol.
Les vestiges de Thioupagne, Sirat, Kangeer sont encore là
A côté de la cour royale, la localité de « Thiouapagne » était la résidence des Linguére. Le Bour Sine Walhane Faye accompagné de ses sœurs Thioro Ndiéna, Waly Ndiéna et Ndielana Guelewar était à l’origine de la création. « Thioupagne que l’on peut traduire par irrévocable a été prononcé par une Linguère que le Bour Sine avait accueilli. Elle avait demandé au Roi de lui faire don de ses pouvoirs. Ce qui pouvait lui permettre de prendre des décisions irrévocables », précise Mahécor Diouf. Keur Bour Sine et Thioupane sont le point départ de la longue histoire des Buur Sine titre auquel une personne ne pouvait prétendre que si elle était, de par sa mère, de la lignée des guélewar.
Siraat et Kangeer se joignent à la cour royale au titre des lieux symboliques de Sine et particulièrement aux pangols. Kangeer fait partie des génies religieux du Sine. L’arbre qui a aujourd’hui disparu est maintenant remplacé par un pieu élevé pour le symboliser. Tout comme Siraat que l’on peut voir aujourd’hui par un petit carré en ciment. C’est un pangol du Sine qui permettrait à chaque roi qui sortait et qui rentrait de faire ses libations en sacrifiant au rite sérère du « Thiour » consistant à déverser du lait ou encore, s’il devrait prendre femme à l’extérieur, de passer par ce pangol du village.
COUMBA NDOFFENE FAMAK
Le souverain guerrier
Coumba Ndofféne Diouf Famak descendait, avec son homonyme Coumba Ndofféne Diouf Fandeb de la même lignée des Guelewar. Le Roi, s’était rendu à Keur Ngor pour assister à des funérailles avec tout le faste qui s’imposait. Après renseignements reçus à travers des bergers et selon lesquels le Roi et sa cour vont se retrouver aux funérailles, Maba Diakhou qui prônait l’islamisation avait trouvé le moment idéal pour passer s’attaquer à lui. Ce qu’il fit en attaquant le Bour Sine Coumba Ndoffène Diouf Famak à Keur Ngor. Au cours de cette attaque surprise, le Roi n’a dû sauver sa vie qu’en se faisant évacuer dans une porte dérobée à Keur Ngor. Les assaillants vont ainsi croire que le Roi est tué en le confondant à son propre frère Boucar Ngoné. Après cette attaque surprise, Coumba Ndoffène Famak envoie son neveu Semou Mak à Nioro auprès de Maba en qualifiant cette attaque d’indigne et ensuite l’inviter à une bataille ouverte. Cette bataille aura lieu le 18 Juillet 1867. Maba et son armée sont venus. Dans cette bataille de Thiouthioune, Maba Diakhou Bâ est tué. Cette bataille et l’un des hauts faits d’armes de l’histoire du Sine. Coumba Ndofféne Famak sera ensuite victime d’un acte raciste d’un administrateur colonial qui d’un coup de fusil va l’atteindre lorsqu’il s’était rendu à Joal en 1871. Atteint mortellement à Joal, le Bur Sine a eu le temps de demander d’être transporté dans sa résidence secondaire de Ndoffane où est décédé et enterré.
SALMON FAYE
«Le rebelle»
Sanmon ou Salmone Faye restera dans l’histoire de Sine, l’exemple d’un souverain atypique. Il passe pour être le Néron des Rois et le rebelle de la ligné des Bour tant son règne a été assimilé à la terreur, à la tyrannie et autres intrigues. Arrivé au pouvoir en en 1870 après plusieurs tentatives, Il s’était d’ailleurs fait s’était fait construire une maison en dehors du palais royal. Sanemone Faye était ainsi le plus combatif dans les guerres fratricides dans le Sine. Il a fait la guerre à Mbaké Ndiaye, à Sémo Mane avant de se retirer dans le Baol. Quand il est revenu dans le Sine, ce fut pour prendre le pouvoir. Il n’avait pas négocié mais il s’est imposé. C’est Sémou Mak Diouf qui l’a tué après une bataille qui a duré toute une journée en 1877.
COUMBA NDOFFENE FANDEB DIOUF
La «baraka» d’un règne
Parmi les 57 Rois, il est l’avant dernier. Mais quand on parle du Sine, on pense tout de suite à Coumba Ndofféne parce qu’il est tout simplement le plus célèbre des rois du Sine du fait de sa baraka. Senghor l’a immortalisé dans l’un de ses grands poèmes « Je me rappelle le jour où Coumba Ndofféne voulait tailler son manteau royal… ». Bour Sine Coumba Ndofféne Fandëb qui fut à la fois chef de la province du Sine, chef de canton de Diakhao, conseiller colonial, Officier de la Légion d’honneur, a été rappelé à Dieu le 21 décembre 1923 à Diakhao. Coumba Ndofféne Diouf Fandeb est surtout connu pour le témoignage historique à l’endroit de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké. Au fort moment des manœuvres de l’administration coloniale contre le guide religieux, Bour Sine était intervenu pour réfuter toutes les accusations. Il reconnaissait en Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké un homme de Dieu animé par la seule mission de se consacrer au service d’Allah. Selon certains historiens, le souverain n’avait pas manqué d’envoyer des éléments à Touba pour que la demeure du fondateur du mouridisme soit surveillée. «La rencontre avec Serigne Touba. a été un déclic pour le Buur Sine. Coumba Ndofféne Fandeb était d’ailleurs précédé par sa baraka. On raconte que lorsqu’il est monté au trône, tous les Baobabs de Diakhao ruisselaient de miel. Quand l’administration coloniale a voulu créer des problèmes, le bur Sine Coumba Ndofféne Diouf est intervenu », confie Mahécor Diouf, un des membres de la famille du Buur Sine. C’est le début d’une amitié entre le cheikh et le souverain et qui s’est traduit aujourd’hui par la célébration de cet acte le 7 juin de chaque année à Diakhao en présence de la famille de Serigne Touba et de la famille royale.
MAHECOR DIOUF
Le dernier «manteau» du Sine
Bour Sine Mahécor Diouf est le dernier roi du Sine. Après la disparition de Coumba Ndofféne Fandeb le 28 janvier 1924, il est couronné comme 57e Bour Sine. A l’avènement des indépendances en 1960 et la suppression des cantons au profit des arrondissements, Mahécor a souverainement décidé de déposer son manteau royal et de se retirer. Mahecor été un des plus grands rois du Sine. Le Français Gravand qui a écrit sur l’histoire du Sine a indiqué que Coumba Ndofféne et Mahécor Diouf n’acceptaient aucune subordination envers l’administration coloniale. Ils se comportaient en souverains. Mahécor a exercé son magistère avec honneur et dignité. Il n’a s jamais trahi ni posé un acte déshonorant , témoigne Mahécor Diarra Diouf, un des patriarches et représentant de la famille royale de Diakhao. Après 45 ans de règne, Bur Sine Mahécor Diouf a quitté ce bas monde le 3 aout 1969 à l’âge de 78 ans.