[Carnet d’hommages] Témoignages à Chérif El Valide Sèye

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Chérif, l’Afrique te doit… Par Madior Fall

Chérif, le mal a eu raison de ton affable sourire, jamais pris à défaut auparavant. Il n’est même pas dit que tu n’as pas souri aux derniers instants, toi qui savais être si calme, si serein, en toute circonstance. Cette fois, tu nous laisses orphelin. Quand je dis nous, je pense à toute l’Afrique, au Sénégal, à toutes les corporations de journalistes d’ici et d’ ailleurs. Ta fière prestance, ta discrète élégance nous manqueront à jamais.

Ta vie militante pour une Afrique émergente et pour ton pays, le Sénégal, s’est arrêtée beaucoup trop tôt. Et tu laisses en chantier tous les combats engagés depuis trois décennies pour la démocratie et pour la profession. Parmi ces combats, celui de Sud Communication. Ce combat exaltant pour une information plurielle au service de la démocratie, de la vérité et de l’émancipation des peuples du Sud, qu’une poignée «d’écervelés» avait décidé d’entamer et de mener, il y a plus de 25 ans maintenant.

Parce que tu étais de toutes les aventures structurantes du continent, de Ouagadougou à Arusha dernièrement, tu étais partout où l’Afrique avait besoin de s’exprimer, de se faire entendre, de rendre audible et visible ses dits et ses actes.
Avec ta disparition, s’arrête une carrière au service de la démocratie, de l’information et de la communication. Des milliers de lecteurs sont désormais privés d’une excellente plume qu’ils aimaient lire dans toutes les publications où tu collaborais, si tu n’en étais tout bonnement l’éditeur et/ou l’initiateur. Professionnel, tu as été assurément cher confrère. Tu avais de l’entregent. Un esprit et un sens managérial qui te permirent de diriger la jeune et fougueuse première équipe de Sud FM Sen radio, à sa naissance sous le parrainage de trois présidents de la sous région : Mahouya Ould Taya de Mauritanie, Alpha Konaré du Mali et Abdou Diouf du Sénégal. Avec eux, une opposition sénégalaise ayant à sa tête, Me Abdoulaye Wade, alors charismatique «Pape du Sopi». Un pas important venait d’être franchi dans la marche de notre démocratie et dans la pluralité si nécessaire dans ce domaine de l’offre d’informations crédibles, équilibrées et professionnellement traitées.

Jour mémorable où la voix de Baba Maal, comme celle de plusieurs auteurs musiciens de la sous région, tel le Fleuve Sénégal, charriaient en vibrant et en faisant vibrer l’auditoire, les destins intimement liés de peuples. Ces peuples qui ont en commun et en partage, un espace géographique, une histoire imbriquée et le même élan vers un avenir radieux pour leurs enfants. Ce sont les dirigeants de ces mêmes peuples qui vinrent prendre part à cette manifestation à la fois culturelle, communautaire, historique et communicationnelle, organisée par Babacar Touré et ses «fous d’aventuriers».
De ta carrière démarrée au «Soleil » à ton poste à l’Agence panafricaine de presse, en passant par le Comité inter-états de lutte contre la sécheresse au Sahel (Cilss), la Banque africaine de développement (Bad), la première radio privée Sud Fm, les fonctions de Conseiller spécial, chargé de la communication du président Abdoulaye Wade, la présidence du Conseil d’administration de la Rts… tu es resté le même dans la courtoisie et la disponibilité.

Chérif Elvalide Sèye, tu étais aussi productif que créatif. C’est ainsi que tu as créé l’hebdomadaire 52, ensuite Quorum et participé au magazine les Afriques, ainsi qu’à l’Agence de presse financière d’Afrique. Infatigable baroudeur en dépit d’un âge qui murissait inexorablement. Chérif, tu portais allégrement tes cinquante-huit ans et débordais d’activités. Reporter dans l’âme, tu n’avais rien à envier à tes jeunes confrères à qui tu as disputé le terrain. Ton esprit était vif, pétillant d’idées à tout moment. C’est tout cela que tu as su mettre à la disposition de ces mêmes jeunes confrères. Tu le faisais discrètement comme pour t’excuser d’être simplement excellent. Beaucoup d’entre eux ont bénéficié de ton coup de pouce… Tu n’étais point avare de coup de main, de soutien à un confrère dans le besoin. Tu aimais encadrer et faire bénéficier de ton expérience et de ton riche carnet d’adresses. N’est- ce pas Baye Omar Guèye ?

Que la terre de Yoff te soit légère, Chérif. Parce que tu mérites de reposer en Paix, pour services rendus à la corporation des journalistes, à ton pays, à l’Afrique.

Le Chérif que j’ai connu Par Mame Mactar Guèye
Ainsi, Chérif, tu ne reviendras plus à la maison familiale, à Yoff, partager avec nous quelques idées autour de la marche de notre pays, le Sénégal. Ainsi, tu nous prives, pour toujours, des généreux éclairages dont nous profitions tant, chaque fois qu’une question brulante nous ramenait à une exigence de concertations avec des personnes reconnues pour leur capacité d’analyse, et leur amour de la Patrie, comme toi.

Et pourtant, tu es si près, pour toujours, à Yoff désormais. De l’autre côté, malheureusement. Après tout, tu ne fais que nous y devancer, exactement comme t’y a précédé « ton » jeune frère, Abdou Latif Guèye. Homme de foi et de conviction, comme toi, et par le biais de qui le Destin a bien voulu que nous fassions connaissance. Celui par qui nous avons pu entretenir de fructueux rapports.

Tu aurais parfaitement pu, après le rappel à Dieu de « Latif-Jamra », comme tu l’appelais affectueusement, disparaître de l’horizon de notre famille. Mais loyal et féru du sens de l’humain, tu as eu la grandeur d’esprit d’avoir maintenu intactes lesdites relations, avec la famille et les proches de Latif. Sans vouloir te jeter des fleurs – ce que tu mérites amplement -, j’ai envie de crier sur tous les toits que tu avais un sens inné de ce que la sagesse populaire lébou appelle le « samm kolëré » (culte de la loyauté). Qualité rare, il est vrai, dans ce monde tumultueux et conflictuel. L’Amitié (avec un grand « A ») était sacrée pour toi. Aussi, des Bienheureuses Cimes d’où tu nous observes, tu comprendras aisément pourquoi nous avons été abasourdis, depuis quelques jours, en apprenant ton départ pour le Voyage sans retour.
Je voudrais te demander un dernier service : laisse-moi raconter à ceux qui ne le savent pas, comment nos chemins se sont rencontrés. Ça peut toujours servir.

Chérif Elvalide Sèye avait été appelé, au lendemain de l’Alternance du 19 mars 2000, à la Présidence de la République, par le Chef de l’Etat, nouvellement élu, Me Abdoulaye Wade, pour y tenir la prestigieuse fonction de Conseiller du Président de la République, chargé de la Communication. Le Patron du Groupe Sud-Communication, mon ami Babacar Touré, n’avait pas su dissimuler sa réticence, lorsque le Président l’avait câblé pour obtenir le détachement de Chérif : « Vous allez me dégarnir, Monsieur le Président ! », lui avait spontanément rétorqué le patron de Sud-Communication. « Oui, mais c’est le pays qui est prioritaire ! », lui lança Me Wade, espiègle dans l’âme.

La même année, le panafricaniste Abdoulaye Wade a voulu donner forme à sa philosophie d’une Afrique comptant d’abord sur les fils du continent. Il a fait appel à Abdou Latif Guèye, pour lui confier la présidence exécutive de la première organisation humanitaire interétatique, « l’Afrique Aide l’Afrique » (AAA), qui venait à peine d’être portée sur les fonts baptismaux (en 1996), alors que Me Abdoulaye Wade était ministre d’Etat, dans le gouvernement de majorité présidentielle élargie de Abdou Diouf.

C’est sur ces entrefaites que l’idée de concrétiser le fameux « Plan Marshall africain », tant pensé par de grands précurseurs, et que des leaders du continent avaient fini de concocter, a abouti à la mise en place concertée du premier Sommet du Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD). Notre pays avait le privilège d’en héberger les premières assises, en 2001. Et il revint à AAA, managée par Latif Guèye, de concevoir un certain nombre de documents promotionnels, dont les traductions, en Arabe, en Ouolofal et en anglais, de l’Hymne de l’Afrique.
Connaissant la grande culture et les qualités académiques de Cherif El Valid Séye, Me Wade lui demanda de prendre contact avec Abdou Latif Guèye, pour accélérer la production des documents, à moins d’une semaine de l’arrivée des délégations officielles. Des jours durant, Cherif nous conseilla et nous épaula au-delà même de la mission qui lui avait été assignée par Me Wade. Je me rappelle l’avoir importuné matin et soir, allant parfois, même le week-end, le trouver jusqu’à son domicile, pour que les documents que nous devions produire fussent sans reproche. Il coordonna un formidable travail d’équipe, qui devait impliquer le Doyen Ousmane Samb de l’Ong Jamra (pour le ouolofal) l’Arabisant et Conseiller culturel, El hadji Chamsdine Ndoye (pour l’Arabe), pendant que je s’acquittais du volet infographique et de la mise en ligne des documents. C’est dans ce contexte que j’ai connu cet homme de rigueur, d’un professionnalisme sans faille, que le Sénégal et l’Afrique viennent de perdre.

Après cette mission, et même après son départ de la Présidence de la République, Chérif avait continué à fréquenter Latif. Qu’il apostrophait désormais avec le sobriquet d’ « Honorable Député » (les Législatives de 2007 étaient passées par là). La disparition du parlementaire, le 06 avril 2008, ne l’aura pour autant pas éloigné de la famille de ce dernier. Cherif appelait assidûment divers membres de notre famille. « Dama léén doon némékou rek » (je venais simplement aux nouvelles), se plaisait-il à dire, de sa voix chaleureuse, au bout du fil.

Au fil de nos fréquentations, je découvrais un Chérif Elvalide Sèye plein de piété (il était très pieux) et d’une extraordinaire simplicité. Traiter avec lui n’obéissait à aucun protocole, car le journaliste – professionnel, au sens plénier du terme – était d ‘un commerce facile et d’une indéfectible disponibilité. Sa clairvoyance m’aura personnellement beaucoup servi.
Avec la disparition de Chérif Elvalide Sèye, notre parti, le RDS et l’Organisation islamique JAMRA perdent plus qu’un ami, un frère de sang ; et la famille de Adou Latif Guèye se voit sevrée de moments de fructueux échanges qu’elle avait avec ce grand homme.

Voilà, Chérif, les quelques mots que je voulais ajouter à la somme de témoignages qui vont t’accompagner pour le repos bien mérité de ton âme. Tu voudras bien m’en pardonner, pour une fois que j’aurai hérissé ta modestie légendaire. Puisque tu t’en vas, au bout d’une mission africaine, comme tu en as accompli à souhait, des plus consistantes, je voudrais prier ardemment pour toi, exactement comme tu l’as fait, il n’ y a guère longtemps, le 19 mars 2011 précisément, pour mon fils aîné, qui venait juste d’avoir 19 ans, et dont tu as fraternellement pris part aux funérailles, en partageant avec notre famille, ce douloureux verdict divin. A Dieu, mon frère.

Par Mame Mactar Guèye –
Secrétaire général du RDS
Vice Président de l’Ong Jamra


Il avait le monde dans la tête
Par Momar Kébé Ndiaye
Chérif Elvalide SEYE était mon ami, je le connais depuis 34 ans. Nos chemins pour les grandes causes de l’Afrique se sont souvent croisés un peu partout dans le monde, du Caire à Addis Abéba, de Ouagadougou à Hararé, de Nairobi à New York et Washington, de Lagos à Tunis, …

Sa compétence distinctive n’a jamais pris le pas sur l’humilité de l’homme de foi et de conviction qu’il était. Par sa vaste culture, Chérif Elvalide Sèye «avait le monde dans la tête». Il ignorait jusqu’à la pudeur, la valeur de l’argent.

Nous avions un ami commun qui s’appelait Thomas Sankara. Nous partagions souvent à Ouagadougou ses diners jusqu’à 3h du matin, discutant de la révolution du «pays des hommes intègres», le Burkina Faso et souvent de lutte contre l’impérialisme.

Un jour, en nous déposant seul au volant de sa modeste Renault 5 à 2h du matin, il nous a dit, à Chérif et à moi : «les gars, parlons sincèrement, je pense que si je continue à vous fréquenter, la révolution burkinabé risque de subir l’impérialisme de deux Sénégalais. Je ne peux pas vous permettre cela ». Naturellement, sur le ton de la plaisanterie. Chérif et moi étions ses contradicteurs sans complaisance.

Le lendemain, nous avions encore passé avec Thomas une nuit blanche de débat idéologique jusqu’à 5h du matin. Chérif m’avait alors dit : «Thomas incarne jusqu’à la caricature comment naît et meurt une révolution en Afrique».Thomas est tombé sous les balles d’un compagnon révolutionnaire 7 jours après.

Chérif, Cher ami et Cher frère, par la Grâce et l’infinie Miséricorde d’Allah, repose en paix.
Tu as fait ta part de travail pour le Sénégal et pour l’Afrique. Reconnaissance éternelle.

Momar Kébé Ndiaye, Directeur général du
Cabinet Management & Communication International (MCI)

…Une promesse du paradis Par Amadou Moustapha SENE
A quoi tient la densité du mystère qui définit la mort ? A son caractère indéchiffrable, à sa transcendance ou au sentiment d’effroi et de silencieuse impuissance qu’elle suscite partout et toujours ?

Aucune explication, fut-elle la plus brillante, ne parviendra ni se suffira à épuiser le sens d’une fatalité qui nous gouverne et nous renvoie inéluctablement à notre fragilité humaine fondamentale, d’êtres humains, de simples missionnaires, tous destinés à prendre congé de ce monde, un jour prochain.

Missionnaire, là est le mot juste lorsqu’en cet instant, mes pensées vont vers Chérif Elvalide SEYE, dont la disparition nous bouleverse et nous remplit de tant de chagrin.

Je ne parle pas de cet homme pour témoigner de nos liens de sang, mais pour célébrer, pour honorer la mémoire d’un ami et d’un confident. Pour l’avoir connu intimement dans ses moments de bonheur comme dans ses heures de souffrance, je pus attester de l’exemplarité de sa vie, de l’intensité de sa foi, de son courage et de l’admirable dignité dont il fit preuve devant la maladie.

Au plus fort de son combat, lorsqu’un jour il sentit son corps rompu au bord de l’infini, son visage, son regard, ses échanges étaient d’une sérénité hors du commun. Comme l’indique «la maxime freudienne» que j’ai retenue de mes vieux cours de l’Ecole Normale Supérieure de Dakar, la mort peut faire qu’un être devienne ce qu’il était appelé à devenir, c’est-à-dire un accomplissement. Cette pensée, je peux l’appliquer à Chérif Elvalide SEYE, dont la mort délivre enfin pour ce qui le concerne, sa vérité ultime, son essence même. Il a été un homme bon sur terre. Il sera accueilli comme tel dans l’au-delà des choses et du temps.

Je veux, en cet instant, redire naturellement mon affection à ses enfants, à son épouse et amie Ndeye Coumba SALL dont je salue la présence attentive et aimante et l’absolu dévouement dont elle entoura son mari. Ces quelques mots devraient être dits. Ils sont dits. Ma conviction est que Chérif Elvalide SEYE est une promesse du paradis.

Par Amadou Moustapha SENE, ton cousin et ami
Inspecteur de l’Education Nationale à la retraite

1 COMMENTAIRE

  1. Cherif je ne te connaissais que de nom! Ma conviction après avoir suivi les témoignages faits sur toi me permettent d’espérer, voire même de « t’envier », tellement ils sont beaux les témoignages faits sur toi! YALLAH bou yakar tass, YALNALA YALLAH kharé ALDIANA amine! Tu es un modèle pour tout le monde

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