«Carnets secrets du conseil constitutionnel» : Des témoignages poignants sur la période pré et post-validation de la candidature de Wade

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Notre confrère Amadou Diaw a réussi à faire parler des acteurs clés de la validation de la candidature du Président Abdoulaye Wade lors de l’élection présidentielle de 2012. Dans un documentaire intitulé «Conseil constitutionnel : carnets secrets», les rédacteurs de la Constitution de 2001 comme les professeurs Babacar Guèye et Pape Demba Sy ont reconnu l’ambiguïté de l’article 27 de notre Charte fondamentale qui a prêté à confusion. Ils estiment que l’esprit qui voulait qu’un Président ne dure plus au pouvoir devrait l’emporter sur la lettre. Pour sa part, le vice-président du Conseil constitutionnel qui dit n’avoir rien à se reprocher par rapport à la validation de la candidature de Wade par les cinq sages est d’avis que «si on évoque l’esprit, c’est parce que la lettre n’est pas claire». Le Pr Isaac Yankhoba Ndiaye revient sur les menaces et autres pressions dont lui et ses collègues ont été victimes lors de cette période trouble. La veuve de Mouhamed Sonko, un des cinq sages, confesse dans la douleur que son mari n’a pas survécu à ces attaques.

«Conseil constitutionnel: les carnets secrets». C’est le nouveau documentaire du journaliste Amadou Diaw qui a réussi à faire parler les acteurs impliqués dans le processus de validation de la candidature particulièrement controversée de Me Abdoulaye Wade en 2012. Rédacteurs de la Constitution de 2001, membres du Conseil constitutionnel et leurs familles ont fait des confessions poignantes.

Mea culpa des rédacteurs de la Constitution de 2001

D’emblée dans le documentaire, le Pr Babacar Guèye et son collègue Pape Demba Sy qui faisaient partie des rédacteurs de la Constitution de 2001 ont estimé que dans leur esprit, ils ne voulaient plus qu’un Président reste très longtemps au pouvoir à l’image de Senghor et Diouf. Ils reconnaissent toutefois le manque de précision de la constitution de 2001 dont l’article 27 prêtait à confusion. «On peut interpréter un texte de plusieurs manières. C’est  vrai qu’avec le temps on se rend compte qu’on pouvait être plus clair, mais personne n’est parfait et personne n’est à l’abri de l’erreur», a reconnu le Pr Babacar Guèye. Même avis pour Pape Demba Sy qui considère qu’«il n’y avait pas de précisions objectives et mathématiques dans la Constitution, mais c’était au juge constitutionnel de rectifier le texte en l’interprétant. Il y avait bien sûr dans l’écriture des manquements qu’on pouvait éviter, mais il ne faut pas oublier non plus que la négociation d’une Constitution est une négociation permanente».

N’ayant pas été suffisamment clairs, ces deux constitutionnalistes semblent se réfugier derrière l’interprétation et l’esprit de la Constitution, d’autant plus que Wade avait déclaré qu’il l’avait verrouillée et qu’il n’allait plus se présenter.

Isaac Yankhoba Ndiaye : «On ne peut pas nous faire assumer la responsabilité de ce qu’ils (les rédacteurs) auraient dû mettre dans la Constitution» 

Cependant, le vice-président du Conseil constitutionnel, Isaac Yankhoba Ndiaye, a vigoureusement battu en brèche cette idée. A propos de la déclaration de Abdoulaye Wade selon laquelle il avait verrouillé la Constitution et qu’il ne pourrait plus se présenter, Isaac Yankhoba Ndiaye assène : «la parole du Président ne peut pas lier la Constitution. Ce n’est pas parce que le Président a dit qu’il a verrouillé la Constitution que cette parole a une valeur juridique; ça ne lie pas la Constitution!»

Sur les différentes interprétations, Isaac Yankhoba Ndiaye attaque les rédacteurs de la Constitution de 2001 et martèle :«il aurait fallu le préciser et dire que dès que le mandat en cours est terminé, il est comptabilisé ; mais cela n’a pas été dit. Si on évoque l’esprit de la Constitution, c’est que la lettre n’a pas été claire. On ne peut pas nous faire assumer la responsabilité de ce qu’ils (les rédacteurs) auraient dû mettre dans la Constitution».

Sur le processus de validation, l’ancien doyen de la Faculté des sciences juridiques et politiques indique qu’avant même l’échéance, chacun des cinq sages a été amené à réfléchir sur la validité ou non de la candidature de Wade, car ils savaient que tôt ou tard le problème finirait par se poser. Isaac Yankhoba Ndiaye estime qu’il y a au sein du Conseil le principe d’un membre-une voix. «Sur une question, sur les 5 membres si les trois sont d’accord contre les deux, ils l’emportent. C’est seulement lorsqu’il y a désaccord sur une question que la voix du président du Conseil constitutionnel est dominante; mais pour la validité de la candidature de Wade, cela ne s’est pas posé», explique-t-il.

Un lynchage médiatique lourd de conséquences

Sur la manière dont ils ont vécu cette période pré électorale avec les menaces des opposants d’alors et la pression médiatique, Isaac Yankhoba Ndiaye et la veuve de Mouhamed Sonko se sont prononcés et livré des confessions remplies d’émotions. «Ma famille a été fragilisée surtout par les comptes rendus (revue de presse) en wolof des matins. On traitait les membres du Conseil de tous les noms, on disait à nos petits-enfants : «vos grands-pères sont des menteurs…» La presse n’était plus objective et avec l’histoire des salaires imaginaires de 5 millions, certains journaux savaient la réalité mais cela ne les intéressait pas. On était arrivé à un niveau où les gens n’étaient plus objectifs. Certains étaient très affectés parce qu’ils n’avaient pas l’habitude de ces attaques, mais moi qui ai l’habitude de faire cours à la Faculté de droit devant 4000 étudiants qui crient, cela ne m’a pas trop dérangé», confesse le vice-président du Conseil constitutionnel. Toutefois, il se rappelle que certains leaders politiques comme Abdoulaye Bathily et Ibrahima Fall (qui a dit que le Conseil constitutionnel a été corrompu par Wade) «ont eu des paroles exagérées et méchantes».

Avec les pressions des uns et des autres et surtout avec la menace de mort de Malick Noël Seck, poursuit-il, l’Etat a pris ses dispositions pour assurer la sécurité des membres du Conseil par des policiers en civil, même si cela a été lourd pour lui qui se rendait à la Faculté, un milieu d’étudiants où la présence de policiers n’est pas souvent acceptée.

Cependant, si celui que les étudiants de droit appellent affectueusement Jacob a pu résister psychologiquement à cet «acharnement», cela n’a malheureusement pas été le cas du sage Mouhamed Sonko qui a souffert de cette situation jusqu’à ce que la mort survienne.

Veuve du sage Mouhamed Sonko : «mon mari n’était pas malade, ce sont les attaques des uns et des autres qui l’ont rongé jusqu’à sa mort»

La veuve du magistrat Mohamed Sonko, toujours très affectée, narre cette époque les yeux larmoyants. «C’était trop dur. J’étais tellement angoissée, il y avait ici les menaces contre mon mari et en France ma fille été menacée de mort tous les jours. En janvier 2012, je suis partie en France retrouver mes enfants», révèle-t-elle, jurant que son mari qui était prêt à publier son bulletin de salaire ne percevait pas 5 millions par mois, contrairement à ce qui s’est dit dans la presse.

Sur ce point, le réalisateur du documentaire soutient que seul le président du Conseil avait un salaire de 5 millions. Et cela faisait suite à une demande de Nafi Ngom Keita Ndour, à l’époque à la tête de l’Inspection générale d’Etat. Poursuivant ses confessions,  la veuve de M. Sonko révèle : «à la veille de mon départ, je suis allée voir le Premier ministre d’alors, Souleymane Ndéné Ndiaye. Mon mari n’était pas au courant. Je lui ai dit que mon départ m’affecte car je suis obligée d’aller rejoindre mes enfants qui étaient menacés en France et de laisser tout seul mon mari qui n’avait pas de véhicule de fonction ni de protection. Il m’a promis de faire le nécessaire. Mon mari a eu un véhicule de fonction et de la protection après. On a parlé d’un salaire de 5 millions, mais mon mari n’a jamais eu cela. Un jour, j’ai rencontré Madiambal Diagne et je lui ai dit : mon mari n’a pas un salaire de 5 millions. Mais il n’a pas voulu me croire. A mon retour, j’ai dit cela à mon mari, il a pris son téléphone pour appeler Madiambal et démentir. Il disait qu’après plus de 35 ans de carrière et de service pour son pays, il n’arrivait pas à comprendre cela. Ce jour-là, j’ai su que mon mari avait mal. Après, il n’était pas malade mais ce sont les attaques des uns et des autres qui l’ont rongé jusqu’à sa mort. Cette histoire nous a détruits et ce problème-là, on le vit jusqu’à présent parce qu’on a sali leurs noms ; on a écrit tout dans la presse qu’ils ont été corrompus et cela fait toujours mal», pleure-t-elle.

Souleymane Ndené Ndiaye : «il est temps pour ceux qui ont attaqué les membres du Conseil constitutionnel de leur demander pardon»

C’est pourquoi Souleymane Ndené Ndiaye, dernier Premier ministre sous Wade, estime que «ceux qui ont attaqué les membres du Conseil constitutionnel, ceux qui leur ont fait du tort, s’ils sont courageux, il est temps pour eux de leur demander pardon.» Pour lui, tout ce qui a été dit n’est pas conforme à la réalité car sur les 5 membres, Wade ne connaissait que le Président Cheikh Tidiane Diakhaté.

Youssou Ndour ne savait même pas …

Par ailleurs, sur l’invalidation de la candidature de Youssou Ndour, Isaac Yankhoba Ndiaye estime, un tantinet ironique, que le responsable de Fekke Ma ci Boollé ne savait même pas comment remplir le formulaire de candidature et qu’ils étaient allés à la Médina se faire des signatures qui ne pouvaient être validées.

Oumar KANDE

las

1 COMMENTAIRE

  1. Et maintenant qu’attend- t-on pour engager une procédure de destitution de ce président usurpateur qui est arrivé au pouvoir par le complot et une campagne mensongère, calomnieuse en connivence avec des forces ennemies tapies dans l’ombre entrain aujourd’hui de tirer les ficelles. Qu’attend donc cette haute cour de justice d’épingler ces traîtres qui nous gouvernent pour leur infliger la sentence pour crime de haute trahison. Le grand complot que le Sénégal a été victime pour chasser le digne fils du pays WADE nous réserve encore des secrets de plus en plus scandaleux. Le temps nous dira les rôles qu’ont joué les enseignants et les journalistes dans le processus de recolonisation du pays toute honte bue; dire que ces corporations nous enseignent et nous rappellent notre histoire sur les conquêtes et résistances, il y a lieu de s’interroger sur le rôles de ces sapeurs pyromanes qui se targuent d’être des diplômés des écoles françaises; le cas de Tamsir jupe ter Ndiaye en est une parfaite illustration. En réalité, chaque peuple a le guide qu’il mérite. Endurons les gars ?

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