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Ces erreurs qui risquent de perdre Macky

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GESTION DE LA CRISE CASAMANÇAISE
Envoyé Spécial) – Si l’opinion casamançaise est divisée quant à la manière dont le président de la République, Macky Sall, est en train de conduire le dossier de la rébellion dans le Sud du pays, elle est unanime à lui demander d’accélérer la cadence pour que cette région retrouve une paix définitive. Des personnes ressources qui maîtrisent cette question donnent leurs appréciations, tout en se permettant même de prodiguer des conseils au Président Macky Sall pour lui éviter les erreurs de son prédécesseur. Sud a mené l’enquête pour tirer le bilan d’une année de gestion d’une crise trentenaire par le nouveau régime issu de l’élection présidentielle de mars 2012.

C’est un sentiment mitigé qu’affichent les Casamançais, du moins ceux qui sont au fait de la crise qui dure depuis maintenant trente ans dans la partie sud du Sénégal, lorsque vous leur demandez de dresser le bilan d’une année de gestion de ce dossier par l’actuel régime dont le chef d’orchestre est le Président Macky Sall.

Entre ceux qui soutiennent qu’il n’est pas dans la bonne direction et ceux qui pensent le contraire, il y a l’écrasante majorité des Casamançais qui estime que le moment est venu pour le gouvernement, de presser le pas après la volonté affichée de certains combattants du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc) d’aller à la table des négociations. Ici, chacun a
sa petite idée sur ce conflit qui a endeuillé toutes les familles. Si les points de vue divergent sur la nature des causes de la crise, ils convergent en ce qui concerne ses méfaits qui se font sentir sur les étals des marchés, les rizières, les sillons des champs, sur les branches des arbres qui végètent dans une forêt en sursis. C’est volontiers qu’ils répondent à vos questions.

Le temps où l’on n’osait aborder ce sujet – c’était au début du conflit –semble révolu. Les populations vivent avec et, pour parler de manière triviale, ce conflit fait partie du décor. Ce qui explique peut-être, le visage de la commune de Ziguinchor qui ne diffère en
rien, du point de vue de l’animation, des autres capitales régionales. Le marché Saint Maure de Boucotte(un quartier de Ziguinchor) constitue le voile qui cache la fausse quiétude d’une région qui souffre depuis plus de trois décennies et dont les plaies ont du mal à se cicatriser.

Situation de référence

En effet, la situation de référence, celle d’avant l’évènement de Macky, montre une profonde léthargie, liée au fait que les douze ans de règne d’Abdoulaye Wade n’ont pas fait bouger sensiblement le dossier, en dépit de la promesse d’un règlement du conflit en cent jours. En plus, il faut noter le manque de synergie des acteurs qui interviennent dans ce dossier et la mise à l’écart par le régime libéral de Wade des Etats voisins comme la Gambie et la Guinée-Bissau. Ajouter à cela, le fait que tout le monde a, à la limite, obéit
aux injonctions de Me Wade qui avait demandé que tous se mettent à l’écart et lui laissent le dossier. Il y a que la disparition du prélat, Abbé Diamacoune Senghor, responsable du Mfdc, a créé le vide, puisqu’il n’y avait plus d’interlocuteur, à même d’être un
intermédiaire entre l’Etat et le mouvement irrédentiste qui avait éclaté en plusieurs morceaux, tant au niveau de l’aile politique que l’aile militaire.

L’ère Macky

Quid de l’avènement du Président Macky Sall ? C’est la question que nous avons adressée à Nouha Cissé, médiateur de l’Université Assane Seck de Ziguinchor, par ailleurs Président du Casa Sport et ex proviseur du lycée Djignabo. L’homme connaît bien ce dossier, en atteste la facilité et l’assurance avec lesquelles il en parle. C’est dans son salon qu’il nous a reçus, en tenue de sport. Et tout laisse croire qu’il a flirté avec le ballon rond, même si nous n’avons pas poussé l’indiscrétion jusque lui demander s’il fut un grand footballeur.
Ce soir nous allons nous entretenir d’une question sérieuse et le temps est précieux, surtout après un premier rendez-vous manqué par votre serviteur du fait de la chaleur suffocante. Il faisait plus 40° à l’ombre.

Avec son sourire habituel, il nous invite à formuler nos questions. C’est ainsi que nous l’invitons à apprécier un an de gestion du dossier casamançais par le président de la République, Macky Sall. Après avoir dégagé la situation de référence – celle d’avant l’arrivée au pouvoir du leader de l’Alliance pour la République (Apr)- Nouha Cissé va s’atteler à dresser le bilan de douze mois de gestion de la crise casamançaise. «Avec l’avènement de Macky Sall, nous allons observer un certain nombre d’actes et d’initiatives. La première est celle de janvier 2012, consécutive au communiqué n°1 de Salif Sadio exprimant sa disposition à se retrouver autour d’une table de négociations avec l’Etat du Sénégal et c’était en pleine période de campagne électorale.

Macky Sall a pris la balle au rebond et tout juste après son élection, il a répondu à la main tendue de Salif Sadio, pour dire qu’il était prêt à négocier avec le Mfdc», relèvera-t-il. Et de faire remarquer : « C’est une disponibilité qu’on n’avait pas eue depuis longtemps, surtout provenant d’un chef de guerre comme Salif Sadio. Plus communément dans pareilles circonstances, on fait la paix avec ceux qui font la guerre, or c’est Salif Sadio qui faisait la guerre. Il était de bon ton que cette main tendue soit prise au sérieux». Il enchaîne sur d’autres actes posés par le régime de Macky Sall : «La deuxième chose, ce sont les déclarations fortes faites par le Président Macky Sall pendant la campagne électorale et au lendemain de son élection, de faire de la question casamançaise une surpriorité.

Je crois qu’il l’a manifesté par deux autres dispositions importantes : la première, c’est celle de se rendre immédiatement, après son investiture, en Gambie pour réchauffer les relations relativement refroidies entre les deux pays, mais surtout réimpliquer le Président Jemmeh dans le dossier, ce qu’il a accepté avec joie». L’historien soutient que «c’est un acte extrêmement important qui jure d’avec la situation antérieure où l’on a, à la limite, marqué les relations d’un certain mépris. Cette attitude du grand frère à l’égard de la Gambie, qui était condescendante, au pire, du mépris, a été corrigée.

Cela a redonné confiance, même si par ailleurs quelques évènements malheureux dont l’exécution de prisonniers condamnés à mort, avaient pu un peu déteindre sur ces relations». Il s’y ajoute que, poursuit l’ex Proviseur du lycée Djignabo, Macky Sall «s’est
prêté à un exercice extrêmement important, celui de l’audition des Femmes de la Plateforme pour la paix en Casamance, au cours de laquelle il a réaffirmé son engagement à faire du conflit casamançais une surpriorité.

Mieux, il a responsabilisé les femmes en leur remettant ce qu’il a appelé « Le Flambeau de la paix ». C’est un acte extrêmement important qui jure d’avec Abdoulaye Wade qui affichait un mépris souverain à l’égard des organisations de la société civile ou toutes autres qui souhaitaient s’impliquer dans ce conflit». Le président du Casa Sport retient dans les bonnes dispositions de l’Etat, l’acceptation de négocier n’importe où. «Je reprends l’expression de Macky Sall « Jusque… y compris sur la planète Mars ». Or avec le régime d’Abdoulaye Wade, c’était la position de « ni…ni ».

La volonté du Président s’est manifestée par le fait d’accepter comme médiateur la communauté Sant’Egidio». Avant de relever «l’acte final qui manifeste le retour de la confiance entre les protagonistes, celle de l’acceptation tout à fait volontaire de Salif Sadio de libérer les prisonniers de guerre » . Et Nouha Cissé de conclure : «Tout cela constitue des actes et initiatives qui montrent que les deux protagonistes sont dans de bonnes dispositions pour faire avancer le dossier. Même si par ailleurs l’on ne doit pas être bien naïf et c’est là l’autre pendant de la gestion de ce dossier : si des actes forts ont été posés, tout cela est révélateur peut-être des bonnes dispositions et engagements des uns et des autres,sauf qu’il y a de mon point de vue un problème qui est sérieux, le fameux écueil, c’est l’éclatement du Mfdc ».

L’arme de la discrétion Le journaliste et directeur de la radio Zig Fm, Ibrahima Gassama, le seul confrère sénégalais à avoir interrogé le chef de guerre Salif Sadio dans le maquis, abonde dans le même sens que Nouha Cissé. Il se félicite de la volonté affichée par le Président Macky Sall de faire face à cette question dès son arrivée à la tête du pays. De même que d’accepter la main tendue du Mfdc pour dialoguer et plus tard négocier.

Le patron de Zig Fm a surtout salué chez Macky Sall, la discrétion qui entoure la gestion de ce dossier. «On ne savait pas à qui il l’avait confié, même si après il a officiellement désigné Robert Sagna qui, à son tour, a créé son groupe de réflexion, pour aider l’Etat et le Mfdc à trouver une solution à la revendication indépendantiste », dit-il. Avant de faire de remarquer que «l’on n’a pas eu droit, comme ce fut le cas chez Wade, à des effets d’annonces à travers la presse où, dès qu’on rencontre un combattant, l’on s’empresse d’aller devant les médias et de le brandir comme un trophée. Ce sont des actes qu’il faut saluer». Pour lui, «tous les ingrédients étaient réunis pour créer la rupture d’avec l’ancien régime et on a beaucoup d’espoir quant à l’avenir du processus de paix».

Manque de synergie des acteurs

Mme Ndèye Marie Thiam, Présidente de la Plateforme des femmes pour la paix en Casamance (pfpc), se veut prudente, même si elle reconnaît que certains actes ont été posés par Macky Sall : «Pour ce qui est de la gestion du dossier casamançais par l’Etat du Sénégal, je n’ose pas m’avancer sur ce terrain, parce que j’ignore ce que les autorités étatiques font en ce moment.

Mais il y a tout de même des actes qui ont été posés et qui donnent une lueur d’espoir : les différents voyages du Président Macky Sall en Gambie ; la libération des détenus par Salif Sadio etc. Ces actes confirment la volonté des deux parties à aller à la négociation ». Elle constate « également qu’il y a plusieurs acteurs sur le terrain qui se sont engagés volontairement ou sont quelque fois mandatés par l’Etat, chacun travaillant de façon isolée au risque de créer une méfiance entre les différents acteurs » . Aussi, fait-elle remarquer
qu’à son « humble avis, une synergie des actions de ces différents acteurs pourrait être bénéfique à la résolution urgente du conflit casamançais ».

Louis Tendeng, coordonnateur du Groupe de contact de l’aile civile du Mfdc, ancien combattant du maquis casamançais de 1983 à 1993, y voit beaucoup d’espoir dans le mesure où, «le Président est entré en contact direct avec des gens comme Robert Sagna qui a fait un travail remarquable au niveau du maquis. Nous avons rencontré César Atout Badiate et Nianthan Diatta, ensuite les combattants de Diakaye. Ce travail va dans le sens réel de la paix en Casamance. Il y a de l’espoir, du fait de l’acte que vient de faire Salif Sadio dont Robert Sagna est la pièce maîtresse, en collaboration avec les autorités gambiennes. Il y a espoir parce que le maquis, dans son ensemble, est avec le processus enclenché pour aller à la table des négociations, en commençant par des Assises inter Mfdc».

Des voix discordantes Mais d’autres acteurs du processus de paix voient les choses autrement. C’est le cas de Jean Marie François Biagui, Président du Mouvement pour le Fédéralisme et la Démocratie Constitutionnels (Mfdc), ex secrétaire général du Mfdc irrédentiste : «Par rapport à la gestion de la crise casamançaise, de notre point de vue, l’an I du régime du président Macky SALL se caractérise par : Un manque criant de visibilité, particulièrement symptomatique d’un manque tout aussi criant de volonté politique ». Pour lui, «manifestement, le régime en place refuse d’admettre que le problème casamançais est un problème éminemment politique et éminemment institutionnel.

En effet, pour ce régime, comme pour ses prédécesseurs, le problème casamançais n’est qu’un accident de parcours ». Et d’ajouter, le «manque de courage politique quant à l’ouverture immédiate du nécessaire chantier national consistant dans une profonde
réforme de l’Etat et dans la refonte totale des institutions, en ayant cependant à l’esprit ce qui suit, à savoir : le devoir politique et l’obligation morale de faire de la résolution de la crise casamançaise l’élément central, sinon axial, voire cardinal, d’un tel processus de
réforme de l’Etat et de refonte des institutions».

Le patron du Mouvement pour le Fédéralisme et la Démocratie Constitutionnels soutient que Macky Sall ne s’inscrit pas dans une dynamique de rupture quant à la gestion de ce dossier. A l’en croire, «de la rupture, il n’en est point. D’abord, parce que, comme nous venions de le dire, pour le régime actuel, autant que pour ses prédécesseurs, le problème casamançais n’est qu’un simple accident de parcours dans l’histoire du pays. Ensuite, parce que le choix des hommes, qui répondent ou, plutôt, qui sont censés répondre de l’Etat, en toute loyauté, dans le pilotage du processus de paix, ne font aucunement preuve de loyauté à l’égard des autorités. Et enfin, parce que l’Etat croit, ici, naïvement, tenir en laisse les voleurs potentiels de son bétail, notamment en leur confiant, en l’occurrence, la gestion ou la prise en charge de ce dernier».

Abdou Elinkine Diatta, ex combattant du Mfdc s’inscrit dans la même tonalité : «En termes de bilan, c’est zéro, je le dis très franchement. Macky Sall a décidé de discuter uniquement avec Salif Sadio, en tout cas c’est l’échec garanti. En plus, quand il a eu la libération des militaires prisonniers, l’Etat du Sénégal a-t-il fait l’effort de gracier les prisonniers du Mfdc qui croupissent dans les prisons de Ziguinchor et d’ailleurs ? Non. En réalité, c’est Salif Sadio qui a affiché sa véritable volonté de paix, mais Macky Sall ne lui a pas rendu la monnaie de sa pièce». Il ajoute : «Ces gens que les émissaires de l’Etat rencontrent ne seront jamais ensemble. Et seul le Mdfc pourra réunir tous ces chefs de guerre autour des Assises InterMfdc. Macky Sall a fait un pas avec Salif Sadio à Sant’Edigio, pendant ce temps il refuse la tenue des Assises interMfdc à Paris. C’est incohérent », fulmine-t-il.

Une démarche d’exclusion ?

Bertrand Diamacoune, petit frère de feu Abbé Diamacoune, qui se dit toujours Secrétaire général de l’organisation chargé de mission du Mfdc (titre qu’il avait du vivant de son frère) est loin d’apprécier la démarche des nouvelles autorités. «Macky Sall me connaît bien, j’ai travaillé avec lui quand il était ministre de l’intérieur, en tant qu’émissaire de Abbé Diamacoune Senghor. J’ai retenu tout ce qu’il a dit pendant la campagne. Il a promis de régler le problème casamançais, en en faisant une surpriorité, mais je suis au regret de
vous dire qu’il est loin de tenir parole. Il ne reconnaît pas les gens qui travaillaient avec Abbé Diamacoune Senghor. Et Dieu sait qu’il n’ignore pas les traces laissées par Abbé Diamacoune, quand lui était ministre de l’intérieur. Quand Macky Sall est venu à Ziguinchor il n’a pas cherché à rencontrer les gens qui peuvent travailler avec lui. Il fait comme s’il ne me connaissait et feint d’ignorer ce que j’ai fait en direction de la paix. Cette démarche qui consiste à marginaliser ceux qui avaient travaillé avec Abbé Diamacoune et Me Wade n’est pas bonne et Macky Sall est en train de passer à côté. On ne peut pas chercher la paix dans la magouille». Et de renchérir : «Macky Sall a oublié les responsables du Mfdc. Il devrait me contacter, mais Macky Sall n’a jamais prononcé mon nom, alors qu’il me connait bien. Combien de fois j’étais avec lui à Dakar et à Fatick. Il m’a même présenté à sa mère.

Personnellement, je suis persuadé que Macky Sall n’est pas prêt pour la paix en Casamance». Pour rappel, Me Wade, avait dessaisi toutes les structures et bonnes volontés qui travaillaient à trouver une paix définitive en Casamance. Mieux, l’ex Chef de l’Etat avait privilégié des fractions du maquis au détriment d’autres. Et son arme principale était l’argent. L’actuel président de la République n’est-il pas en train de conduire les mêmes erreurs, en semblant privilégier le maquis de Salif Sadio au détriment de celui de César Atout Badiate ? La question reste posée. Il s’y ajoute que Macky Sall ne semble pas non plus accorder beaucoup de crédit à l’aile politique.

La méprise

L’ex proviseur du lycée Djignabo, Nouha Cissé met l’attitude du président de la République sur le compte de la méconnaissance de la crise : «Je ne suis pas sûr que ce soit une erreur, c’est plutôt une méconnaissance du dossier. Je pense qu’il est dans de bonnes dispositions, mais je ne suis pas sûr qu’il ait pu avoir une bonne lecture du conflit. On peut comprendre son empressement à répondre à la main tendue de Salif Sadio qui est un chef de guerre intrépide. Il est resté pendant longtemps cette sorte de Mac Arthur sénégalais sur lequel on a beaucoup spéculé. Tantôt on a parlé de sa mort, tantôt de sa maladie, il était apparu aux yeux des Sénégalais comme un chef mystérieux, mais intrépide. Si celui-ci, après ses hauts faits de guerre qui ont consisté à prendre des prisonniers de guerre à la suite de cantonnements, tend les bras à l’Etat et manifeste sa disponibilité, on peut comprendre l’empressement au niveau de l’Etat à sauter sur une telle opportunité. C’est ce spontanéisme qui a brouillé les cartes dans la gestion de ce dossier.

C’est en toute bonne foi qu’il a accepté cela. Mais il perdait de vue que le dossier est si complexe que cela, car accepter de négocier avec une seule fraction, y mettre l’accent et toute la publicité nécessaire, n’était pas de nature à favoriser la quiétude et la sérénité dans la gestion de ce dossier » . Pour lui, Macky Sall a hérité de démarches extrêmement importantes qui avaient été entreprises : celles du Cardinal Théodore Adrien Sarr et de l’Imam Nfansou Bodian de Bignona, surtout du côté de la fraction de César Atout Badiate et accessoirement de celle de Nianthan. «Peut-être que Macky Sall s’est mépris, pensant qu’avec les autres (des fractions de César Atout Badiate et Ousmane Nianthan Diatta, Ndlr) il y a déjà un acquis et qu’il fallait accepter cette main tendue de Salif Sadio pour créer plus de cohérence et d’harmonie. Je mets tout cela au compte d’une mauvaise lecture de la situation. Vous avez raison, cela crée un certain nombre de problèmes. Si du côté de Salif Sadio on a, comme qui dirait, un cessez-le-feu tacite, il y a par contre qu’on observe quelques agitations de la part d’autres fractions qui ont le sentiment d’être oubliées et veulent attirer l’attention des autorités. C’est tout cela qu’il faut gérer avec beaucoup de responsabilité et de sérénité. Macky Sall et les médiateurs et facilitateurs le comprennent».

Ces faiblesses….

Le directeur de la radio Zig Fm, Ibrahima Gassama, tout en se gardant d’utiliser mot «erreur », parle de faiblesse dans la gestion du dossier. «Malheureusement, il y a eu des effets d’annonce, comme quoi de l’argent sera débloqué pour le développement de la Casamance. Si cela venait à être concrétisé, ça peut faciliter tout le travail qui se fait en amont. Mais sinon, on est en train de revenir aux pratiques de l’ancien régime et c’est là un peu les faiblesses dans le gouvernement de Macky Sall. Il y a cette lenteur dans la prise de décisions et leur mise en oeuvre. Depuis quand on parle de la construction de la nationale Six, mais jusqu’à présent rien. Et quotidiennement les populations montrent leur mécontentement. Avec la dynamique qui se dessine, c’est quelque chose qu’il faut tout de suite mettre en marche». L’autre faiblesse notée par le patron de Zig Fm, c’est la lenteur avec laquelle ce dossier est mené. « Depuis que les premiers contacts ont été pris, suivis de la libération des otages, il n’ y a plus rien eu, au point de faire craindre à certains que Salif Sadio ne revienne en arrière pour remettre tout cela en cause. Parce qu’il avait montré de bons signes et il fallait tout de suite sauter sur l’occasion. Mais l’autre crainte, c’est d’oublier que le Mfdc est divisé avec plusieurs cantonnements et réalités. On a démarré avec Salif Sadio, il fallait faire le même effort avec les autres tendances du maquis, notamment César Atout Badiate et Nianthan Diatta qui sont aujourd’hui, théoriquement, réunifiés en attendant de sceller l’unité définitivement ».

Un mandat sans contenu

Quant à la patronne de la Plateforme des femmes pour la paix en Casamance, elle a mis le doigt sur ce qui s’apparente à une démarche d’exclusion : «Nous avons eu à le dire déjà au président de la République qu’il faut tenir compte de tous les acteurs et des bonnes volontés qui travaillent pour le retour de la paix, Dieu seul sait qu’ils sont nombreux. Il y a des fossoyeurs évidemment, mais il existe beaucoup de personnes qui travaillent au retour de la paix». Elle parle au passage du mandat que le chef de l’Etat a confié aux femmes de la Plateforme pour la paix en Casamance, mais regrette son absence de contenu : «Nous avons reçu mandat du président de la République, mais nous regrettons qu’il n’ait pas de contenu.

Le chef de l’Etat ne nous a pas dit précisément ce qu’il attend de nous. Ce qui ne nous empêche pas de continuer le travail que nous avons démarré avec ou sans le mandat du président de la République. Nous aurions souhaité le rencontrer de temps en temps pour lui faire un compte-rendu du travail que nous sommes en train de faire sur le terrain. Il nous a donné mandat, c’est normal qu’on le rencontre pour lui dire : voilà ce que nous avons fait jusque-là, malheureusement nous n’avons pas eu cette opportunité. Mais nous continuons à travailler en espérant qu’un jour ou l’autre il nous appellera pour nous demander ce que nous avons fait de son mandat»

L’aile politique laissée en rade

Concernant l’aile politique que Macky Sall semble ignorer dans le processus de paix enclenché, le Président du Casa Sport fait cette observation : «C’est vrai que l’aile politique ne fait pas la guerre, elle ne commande pas non plus l’aile militaire, c’est cela un peu le paradoxe dans le conflit casamançais L’aile politique, surtout, celle extérieure a le verbe et la plume, mais n’a pas prise sur les combattants. Il y a un effort à faire maintenant pour que les combattants soient commandés par le politique, mais ce n’est pas encore acquis et c’est ce qui crée une sorte de cacophonie. Quand Salif Sadio accepte la main tendue de l’Etat du Sénégal et la médiation de Sant Edigio, une fraction de l’aile politique extérieure dénonce cela et souhaite que ce soit sous l’égide du représentant de Ban Ki Moon en Afrique de l’Ouest. Vous comprenez qu’il y a problème entre l’aile politique et l’aile militaire, entre Salif Sadio et le cercle des intellectuels du Mfdc». Ce que, selon lui, toute cette cacophonie exprime, «c’est qu’en réalité, il n’y a pas une jonction entre le politique et le militaire, tel que le politique puisse commander le militaire. Si le chef de guerre Salif Sadio prend cette initiative de tendre la main à l’Etat du Sénégal, comprenez bien que c’est parce qu’il y a un déficit de leadership politique, ce qui pose d’énormes problèmes. Et c’est pourquoi tout le monde se bat pour la tenue des assises inter Mfdc pour que le Mfdc puisse se doter d’une direction politique et militaire, à même de piloter le dossier des négociations».

L’éclatement …

Pour ce qui est de l’aile politique intérieure, Nouha Cissé soutient : «A ziguinchor, il y a un éclatement, il n’y a pas de siège du Mfdc. Il y a celui d’une fraction, celle d’Abdou Elinkine Diatta, mais ce dernier n’a aucune prise sur une quelconque des fractions dans le
maquis. Vous avez le Groupe de contact (je puis vous dire que j’ai été à l’origine de la création de ce groupe de contact, au moins, le nom) ; vous avez la fraction D’Ansoumana Badji, celle entre guillemets, de la « Famille Abbé Diamacoune Senghor » avec à sa tête
Bertrand Diamacoune et vous avez une fraction dissidente du Groupe de contact, dirigée par Daniel Diatta et que représente Jean Marie Biagui. C’est un mouvement éclaté ici à Ziguinchor et qui n’a aucune prise sur le maquis, ni aucun contact avec Salif Sadio ni avec César Atoute Badiate, Nianthan Diatta ou Lamarana, Paul de Diakaye. Bref, ces fractions de l’aile politique essaient de s’organiser pour donner un signal fort au maquis, mais c’est difficile»

Le divorce

Ibrahima Gassama exprime la même difficulté quand on parle de l’aile politique : « Puisqu’on voit de plus en plus le Cercle des intellectuels avec Apakéné Diémé, à côté de la société civile du Mfdc avec Mamadou Goudiaby ; de l’autre côté, il y a Nkhrumah Sané. Certes, entre ce dernier et le cercle des intellectuels, ce n’est pas le parfait amour, mais il cherche à marquer son leadership. Entre ces tergiversations, l’Etat se veut prudent.

A travers Robert Sagna des contacts ont été pris à Paris, à la suite de la rencontre avec les fils de la Casamance, à l’exception de Apakéna et Nkhrumah qui ont boycotté la rencontre au motif qu’ils ne cautionneraient pas la démarche du Médiateur, même s’ils sont d’accord avec la dynamique. Ils voient en Robert Sagna quelqu’un qui voudrait dicter sa loi au Mfdc, en donnant des directives au maquis, alors qu’il y a une aile politique qui peut porter cela.

C’est à ce niveau que se situent les divergences». Il estime que l’Etat est dans une situation inconfortable, parce que ne sachant avec qui discuter. «Théoriquement, on ne peut pas vous dire qui est le véritable leader du Mfdc : on a Jean Marie François Biagui, Apakéna, Nkhrumah, Ansoumana Badji etc. Toutes choses qui font qu’il est difficile de se choisir un interlocuteur dans cette kyrielle de responsables. A cela s’ajoutent ceux de l’aile intérieure : Bertrand Diamacoune, Daniel Diatta, Abdou Elinkine Diatta qui cherchent à montrer qu’ils sont là et qu’ils comptent. Il y a là un travail énorme à faire. Et ce n’est pas seulement l’Etat qu’il faut interpeller, je pense que la société civile casamançaise aussi et toutes les structures qui oeuvrent pour la paix, ont un rôle essentiel à jouer. Il faut aider
aujourd’hui le Mfdc à se retrouver, pas forcément à faire l’unité, mais autour de l’essentiel.

Que l’on sache au moins vers qui aller lorsque l’on veut parler au Mfdc. Maintenant au niveau de l’Etat, il faut que des décisions soient prises et que l’on sache exactement ce qui est en train de se faire, qui le fait, comment ? Tout cela doit être accompagné de certaines actions». Pour Abdou Elinkine Diatta, «il faut nécessairement impliquer l’aile politique, sinon tout ce qu’ils sont en train de faire, c’est du cinéma, ce sont des grimaces. On fait des tintamarres, on dance et tout cela donne quoi ? Rien, sinon des grimaces».

La réalité du maquis

Quelle est présentement la réalité du maquis qui se caractérise par son éclatement ? Pour Jean Marie François Biagui, « le maquis est en ébullition, particulièrement depuis que l’Etat a pris la lourde responsabilité de confier la gestion du processus de paix à un cartel d’individus, tous aussi véreux les uns que les autres. Qui plus est, les mêmes personnes, qui sont à l’origine de la prise en otage de militaires et de gendarmes en Casamance, fin 2011, passent de nos jours pour les seuls acteurs bénéficiaires, du moins politiquement s’entend, de leur libération le 9 décembre 2012.

Sauf que, entre-temps, le maquis a découvert la supercherie et la manipulation dont il avait été victime de la part de ce cartel. Oui, hélas ! le maquis casamançais est en ébullition ; et l’Etat en est bien conscient». Et si vous lui demandez si Salif Sadio est réellement maître du jeu de ce qui est en train de se passer, il répond : «Non, Salif SADIO a été usé et abusé par ce cartel casamançais ; c’est à dire par la pègre casamançaise. Celle-ci le tient à cet effet en otage, et Salif SADIO en est parfaitement conscient aujourd’hui. A telle enseigne qu’il aurait reconsidéré, déjà, un certain nombre d’engagements qu’il avait pris précédemment sous le diktat homéopathique du cartel casamançais.

Pour autant, nous craignons que, en ne communiquant pas sur le sujet, Salif SADIO ne soit en train de commettre les mêmes erreurs que Léopold SAGNA, jadis, et qui lui avaient alors valu un jugement expéditif, sanctionné par sa condamnation à mort, suivie immédiatement d’une exécution dont d’aucuns attribuèrent la responsabilité à Salif SADIO lui-même. Non, Salif SADIO n’est plus le maître du jeu, pour être usé, abusé et plus que jamais isolé, y compris notamment dans sa propre faction». Abou Elinkine Diatta lui aussi dénie un quelconque pouvoir aux chefs du maquis. «Vous parlez comme si Salif Sadio, César Atout Badiate etc, avaient cette autorité. Il n’en n’est rien. Tous ces gens se sont autoproclamés chefs. Seul l’Abbé Diamacoune Senghor était habilité à nommer les chefs du maquis, comme c’est le cas aujourd’hui pour Macky en ce qui concerne le gouvernement.

n réalité ces gens se sont levés un beau jour pour dire qu’ils sont chefs d’Etat major». Pour l’ex combattant du Mfdc «le maquis n’est pas conçu comme une armée, tous ceux qui y sont n’ont fait que l’école de la brousse. Il n’y a personne du maquis qui est allé faire des études de l’autre côté au point de vouloir jouer sur son influence. Le choix du chef se fait par consensus. Il n’est pas dit que celui qui est passé commandant était le plus brillant guerrier. Il y a de grands guerriers plus téméraires que ces gens-là (allusion aux chefs des fractions) et qui ne se sont jamais intéressés au commandement. Résultat des courses, s’il y avait 20 000 combattants, il y aurait 20 000 chefs d’Etat major.

Le Sénégal ne peut pas avoir cet argent pour corrompre tous ces 20 000 combattants ». La supériorité de l’aile politique sur le maquis est rappelée par Abdou Elinkine : « Au Mfdc, les politiques, comme à l’époque de l’Abbé Diamacoune, priment sur le maquis. L’article 7 du statut du maquis dit : «je m’engage à laisser la politique aux politiques. Le combattant ne s’implique pas dans les affaires politiques ». Voilà la réalité». Nouha Cissé parle d’un maquis éclaté en plusieurs fractions. «Il y a l’aile César Atout Badiane qui a ses quartiers le long de la frontière avec la Guinée- Bissau, au sud ouest, vers la partie maritime. Vous avez la fraction Ousmane Nianthan Diatta dans la partie Balantacounda et Fouladou (moyenne et haute Casamance).

Dans le Bignona, Diakaye comprend la sousfraction Lamara Sambou qui est sous le commandement de César Atout Badiane. Aujourd’hui, il y a une dissidence au sein de cette sous-fraction dirigée par Paul qui s’agite le plus dans la zone du Fogny et le long de l’axe diouloulou- Bignona. Il se réclame de César, mais sans l’obéissance. Dans le Nordest, Oulampane-Sindian, il y a Salif Sadio ». En effet, selon des informations concordantes sa fraction vient de connaitre une première dissidence avec un de ses éléments qui n’aurait pas trop apprécié la façon dont Salif Sadio a libéré les otages militaires sans qu’il n’en soit informé. Pour l’heure, le dissident n’a regagné aucune fraction. Lorsque vous demandez à Ibrahima Gassama la réalité du maquis, il répond : «Aujourd’hui, le maquis, c’est d’abord Salif Sadio qui a démarré les contacts de manière officielle avec la communauté Sant’Egidio. De l’autre côté, il y a César Atout Badiate et Ousmane Nianthan Diatta.

Ce dernier n’était pas sur place, on a plutôt traité avec son intérimaire, Compass Diatta. C’est heureux de constater aujourd’hui que ces deux ailes ont fini de faire leur unité, aidées en cela par une Ong bissau- guinéenne « Mon ku mon « Main dans la main » et qui a travaillé au rapprochement de ces deux parties du maquis ». Il explique : «Salif Sadio estime que c’est lui le Mfdc et ne reconnaît pas les autres composantes du maquis. En même temps, César Atout Badiate se dit chef suprême de l’aile combattante du Mfdc. Chacun à son titre et son pouvoir. Quel impact cela pourrait avoir ? Je pense que si l’on attend que ces deux se retrouvent et se parlent, c’est du temps que l’on va encore perdre. Ce que je condamne c’est d’aller vers un côté, en laissant l’autre en rade».

Un autre ex-combattant du Mfdc, en l’occurrence Louis Tendeng, donne son point de vue sur la réalité du maquis : « il (le maquis) se développe davantage, de Cassolol jusqu’au fouladou, sous le commandement de César Atout Badiath et Nianthan, et du côté de Bignona, jusqu’à la frontière avec la Gambie, vous avez les cantonnements de Salif Sadio et de Lamara Sambou qui est dans le Diakaye ». Il ajoute : « Ce n’est pas les armes qui vont régler le problème de la Casamance, il faudrait une solution politique et militaire. Plus ça dure, plus les combattants ont de l’expérience. S’ils acceptent la main tendue du Président Macky Sall, cela ne signifie pas qu’ils ont eu peur ou veulent renoncer, non, c’est qu’ils ont procédé à une prise de conscience».

L’implication des voisins

Dans cette réalité du maquis, il y a le soutien considérable que les pays limitrophes apportent aux combattants du Mfdc. C’est pourquoi les personnes interrogées dans le cadre de cette enquête estiment que Macky Sall doit accorder la même considération à la
Guinée-Bissau, comme il l’a fait pour la Gambie. C’est la position de Louis Tendeng : «Il faut que Macky Sall considère la Guinée Bissau et la Gambie et mette ces deux pays sur un pied d’égalité par rapport à la paix en Casamance. Il ne faut pas qu’il sousestime la Guinée Bissau.

Le mouvement dépasse les frontières, c’est pour vous dire que l’implication de la Guinée Bissau et de la Gambie est une obligation. Donc, le Président Macky Sall n’a qu’à rassurer le gouvernement bissau-guinéen en lui demandant d’aider au règlement du conflit, comme il l’a fait avec la Gambie». C’est aussi l’avis d’Ibrahima Gassama, patron de la radio Zig Fm : «La démarche qui a été menée envers les autorités gambiennes, devrait être la même en direction de celles de la Guinée-Bissau. Ces dernières avaient déjà montré leur volonté dès l’avènement du Président Koumba Yalla en 2000 qui avait déclaré, qu’il ne tolérerait plus une présence rebelle sur son territoire.

Mieux, il a massé le long de la frontière son armée pour veiller à la circulation des biens et des personnes. Je n’ai pas encore en mémoire un tel acte posé par la Gambie. Donc, je pense que la démarche devrait être d’impliquer la Guinée Bissau d’autant que les deux grandes bases du Mfdc se trouvent de part et d’autre des deux frontières de la Gambie et de la Guinée Bissau.

Impliquer la Gambie et zapper la Guinée Bissau, c’est minimiser la force de cette dernière. Le sous-préfet de Sao Domingos, Louis Cardoso me disait que souvent les autorités sénégalaises négligent leur apport et contribution, or ils sont en contact direct avec les maquisards et tolèrent certaines choses sur leur territoire ». Et de poursuivre : «Donc, ils peuvent être d’excellents relais si on les implique. Certes, c’est un conflit qui se passe dans un autre pays et ils ne peuvent jouer que la facilitation. C’est un appel du pied pour dire aux autorités sénégalaises de les impliquer dans le dossier. Si on implique ces autorités transfrontalières bissau-guinéennes dans la gestion, beaucoup de choses pourraient se mener en termes de messages à délivrer, de suivi, de veille pour ce qui a été retenu ne soit pas remis en cause ».

Conseils au Président Macky

A la question de savoir, s’ils avaient le président de la République en face d’eux, quels conseils lui auraient-ils prodigué pour orienter ses actions vers une paix définitive en Casamance, nos interlocuteurs ont indiqué la voie. C’est le cas de Jean Marie François Biagui : «Il serait prétentieux de jouer les conseillers du chef de l’Etat. Pour autant, le président Macky SALL gagnerait certainement à se souvenir de ce que lui-même, ès-qualité, avait convenu, avec le secrétaire général du Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance, que la Plateforme Revendicative du MFDC pouvait constituer « le document de base » pour les négociations de paix ; c’était en janvier 2004 ; que l’un et l’autre avaient dûment adopté ce document comme tel ; et que, notamment, cet accord entre l’Etat et le MFDC est et demeure d’actualité. Alors, et seulement alors, nous pourrions remettre le processus de paix en Casamance sur des rails sûrs et véritablement prometteurs ». Et de rappeler, au candidat Macky Sall, la promesse du « Plan Marshall » pour la relance de l’économique casamançaise : «En tous les cas, nous estimons qu’un tel plan Marshall est nécessaire, aujourd’hui plus que jamais ; et qu’il devrait comporter, au moins, les mesures suivantes : Une exonération totale d’impôts, de taxes professionnelles et de charges
sociales, pendant dix (10) ans, pour toutes les entreprises basées en Casamance naturelle ; Une défiscalisation totale des lignes maritimes et aériennes Casamance Naturelle –Dakar ou vers le reste du pays, pendant dix (10) ans ; Une exonération d’au moins 50% des taxes sur les carburants sur l’axe Kaolack – Tambacounda – Kolda et sur tous autres axes de contournement de la Gambie. Et ce, jusqu’à ce qu’un ou plusieurs ponts, enjambant le fleuve Gambie, soient réalisés. Ces mesures ne seraient-elles que symboliques, que, déjà, elles créeraient dans l’imaginaire de toutes et de tous que la Casamance est vraiment une partie intégrante du Sénégal, dont celui-ci n’entendrait, du reste, et sous aucun prétexte, se séparer ».

Libérer les prisonniers du Mfdc

Pour l’ex combattant, Abou Elinkine Diatta, le président de la République «doit libérer tous ceux qui sont arrêtés au nom du conflit casamançais. Il a responsabilisé Robert Sagna, mais qu’il fait doubler par d’autres émissaires. Finalement la question que l’on se pose : a-t-il réellement confiance au médiateur ? Macky Sall a pris le courage de traiter avec les 10% du maquis, mais pas du mouvement, qu’il accepte à présent la tenue d’assises inter mfdc en France.

A partir de là, il y aura un commandement unifié, avec un Secrétaire général et les négociations peuvent commencer à partir de ce moment. Il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs, c’est peine perdue ». Il suggère que ces assises Inter Mfdc se tiennent en France : «après l’échec de plusieurs tentatives en territoires gambien, bissau-guinéen et sénégalais, après trente ans de crise, la France se justifie. C’est lui Macky Sall qui disait qu’il est prêt à aller à la Planète Mars pour négocier avec le Mfdc. Nous ne demandons pas d’aller aux cieux, c’est très coûteux et ça risque de prendre tout le budget du Sénégal. On lui facilite les choses : nous voulons des assises inter mfdc à Paris»

Qui paiera la note ?

Pour Nouha Cissé, c’est une fraction qui fait cette proposition, le Groupe de contact lui voit les choses autrement. «Ce problème ne peut être réglé que par une forte adhésion des fractions combattantes, ce sont celles-là qui peuvent le déterminer. La fraction d’Abdou Elinkine Diatta exprime le voeu d’organiser les assises inter mfdc à Paris, mais il y a un énorme problème : Qui va prendre en charge les délégations du Mfdc ? On ne peut pas cracher sur l’Etat et attendre que ce dernier finance son déplacement, ce serait inconséquent. Deuxièmement, quel sera le mode de représentativité des différentes fractions ?».

Et de renchérir : «Si l’on vous donne l’information que l’Etat n’est pas d’accord que les assises se tiennent en France, ce n’est pas exact. Il n’appartient pas à l’Etat d’être pour ou contre leur rencontre à Paris. L’Etat observe en disant qu’il ne peut pas, à l’heure actuelle, discuter avec une seule fraction, avec le risque de remise en cause des accords par les autres, dans ce cas la balle est dans le camp du Mfdc, à charge pour lui de faire prendre les dispositions pour se retrouver en conclave et régler la question»

Ca piétine…. Le Président du Casa sport conseille au chef de l’Etat, Macky Sall, de persévérer dans sa position de faire de la question casamanaise une surpriorité. Et sur ce plan, dit-il, ça piétine. «Je ne suis pas sûr que Macky Sall ait réglé la question de l’implication des voisins : la Gambie et la Guinée-Bissau. Et cette dernière est laissée en rade. Parallélisme pour parallélisme, Macky Sall est allé en visite officielle en Gambie, il doit faire la même chose en rendant visite à son homologue Bissau-guinéen, Niamadio.

La capacité de nuisance de la Guinée-Bissau est aussi forte que celle de la Gambie, sinon plus». Il précise que c’est grâce à la Guinée-Bissau qu’il y a eu les premiers accords de paix entre le Sénégal et le Mfdc, au plus fort des affrontements militaires entre les deux belligérants. «Le Sénégal a bénéficié d’un accompagnement régulier dans ce dossier. Tous les Présidents bissau-guinéens Viéra,
Coumba Yala, jusqu’à Niamadio, sans compter d’autres officiers supérieurs, surtout les commandants de province et autre, tous ont aidé au règlement du conflit. J’ai même envie de dire que le niveau d’implication et de compromission de l’armée bissau-guinéenne a été si fort qu’en mars 2006 il y a eu une forte mobilisation de cette dernière aux côtés de César Atout Badiate pour neutraliser Salif Sadio.

Ce qui lui a valu son exfiltration de la partie sud pour se retrouver au Nord Ouest de Sindian, le long de la frontière gambienne. A la Guinée Bissau, nous devons beaucoup». Nouha Cissé soutient que «ce devoir de reconnaissance et l’efficacité de l’intervention de la Guinée Bissau nécessitent que Macky Sall observe le parallélisme des formes en allant à Bissau». Pour lui, «l’Etat ne peut pas et certainement ne doit pas accompagner le Mfdc dans la gestion de son unification de manière ouverte. Dans pareil conflit, l’Etat dispose de mille et un moyens de s’appuyer sur des organisations et structures aussi bien dans le cadre du partenariat bilatéral ou multilatéral qu’au niveau local avec les organisations de la société civile. L’Etat, à mon avis, a beaucoup de possibilités d’accompagner discrètement ces retrouvailles du Mfdc, parce que nous nous retrouvons à un niveau de fractionnement subjectivisé tel que la question du leadership retrouvée va poser d’énormes problèmes. Il faut un coup de pouce de l’Etat. C’est dans ce cas que l’on peut comprendre parfaitement la pertinence et la nécessité de fonds politiques utilisés généralement en pareille circonstance pour booster un mouvement tel que celui de réconciliation au sein du Mfdc».

A suivre…

3 Commentaires

  1. CE N`EST PAS A L`ETAT DU SENEGAL DE REUNIR LE MFDC. C`EST AU MFDC DE LE FAIRE LUI-MEME. PAR CONTRE, S`IL Y A UNE REELLE VOLONTE DE PAIX DE LA PART DE L`ETAT DU SENEGAL, LES MANDATS D`ARRET DOIVENT ETRE LEVES, LES PRISONNIERS LIBERES. DANS TOUS LES CAS, LE MFDC DOIT FAIRE ATTENTION AU MACKYLLAGE. LE MFDC EST EN TRAIN D`APPRENDRE PAR ESSAI-ERREUR.

  2. Reconnaissons au moins que pour la première fois depuis au moins trente ans nous voyons quelques prémices de bonne volonté de la part de certains grands Chefs rebelles!
    Que les oiseaux de mauvaise augure s’abstiennent d’y porter leur « mauvais œil» est dans quelques mois, avant les pluies de juillet, nous aurons de très agréables surprises!

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