Agissons pour éviter le pire !
« Ave Caesar, morituri te salutant » (Salut César, ceux qui vont mourir te saluent). Nous ne sommes plus certes, dans la Rome antique, avec ses gladiateurs qui s’entretuent à la gloire de l’Empereur et pour la joie d’un peuple friand à la folie de sang et de jeux, mais bien au Sénégal en ce début de 21ème siècle après Jésus Christ, ère du Twitter, des réseaux sociaux, d’une nouvelle technologie qui gomme le temps et l’espace et installe le monde dans les cimes de la civilisation universelle où la raison entend régner en maître.
Les Sénégalais eux semblent aimer comme les Romains antiques, le sang et les jeux violents. Ils sont servis par leur sport favori : la lutte avec frappe qui n’existe nulle part ailleurs que chez eux. Et le sang de couler à flot au grand bonheur des supporters passionnés et déchaînés qui ne seraient même pas émus de la mort d’un des gladiateurs de l’arène. Il mérite son sort.
Hier, encore lors de la conférence de presse conjointe des deux lutteurs Balla Gaye 2 et Yahya Diop «Yékini» qui s’affronteront le 22 avril dans un choc des Titans,-même le vocabulaire est emprunté à la mythologie,- le pire a failli se produire. Un drame a été évité de justesse. Une bataille rangée entre les camps s’est déclenchée en effet, devant les journalistes, spectateurs impuissants qui ont couru le risque d’être estropiés à jamais devant la rage des protagonistes d’en finir sur l’heure.
Il ne nous revient certainement pas de situer les responsabilités dans cette affaire, hormis celles de la Presse. Cela incombe aux autorités qualifiées du secteur, notamment du Comité national de gestion CNG de lutte assurément, mais il importe d’attirer leur attention sur les dérives de ce sport dit national.
Certains responsables de la vie publique, ont grandement contribué à faire des lutteurs des stars pour les besoins de leur propre ambition politicienne, sans se soucier le moins du monde que les jeunes en font des idoles et cherchent à les imiter en désertant les classes et les ateliers pour les salles d’entraînement et de musculation. Des forces perdues bêtement pour une Nation pourtant en construction, tant l’arène n’offre et ne saurait offrir débouchées à tous ses adeptes. Les rares qui y réussissent se comptent sur le bout des doigts. Ceux qui en meurent ou sont perdus pour la République s’y ramassent à la pelle.
L’ex-président de la République, Abdoulaye Wade a reçu Balla Gaye 2 et Modou Lô qui, nous dit-on, étaient devenus des ennemis. Une réconciliation de façade des deux lutteurs les plus célèbres de la banlieue avait été organisée au palais. Pour la propagande électorale. Il se raconte que les frères ennemis redevenus «amis» sont repartis chacun, nantis d’un véhicule 4X4 et une maison clé en main. Du Wade tout cru !
Du côté du CNG, on ne semble point être dérangé par la violence verbale encore moins physique dans l’arène et aux alentours. Chaque week-end, les populations riveraines du stade Demba Diop et d’honnêtes citoyens sont agressés par des bandes de voyous qui profitent des séances de lutte pour perpétrer leurs forfaits au grand dam des paisibles passants.
Le Syndicat des professionnels de l’information et de la communication (Synpics) et l’Association nationale de la presse sportive (Anps qui a dénoncé, il est vrai, la volonté du président du CNG de faire payer les organes de presse écrite pour la couverture des combats de lutte, doivent dire leur fait aux organisateurs et responsables de l’arène. Aux promoteurs de lutte qui se doivent de respecter les journalistes.
Hier, il s’agissait d’une conférence de presse. Autrement dit, d’un face à face entre deux personnes et les journalistes. Ce jeu consiste juste à poser des questions pour espérer obtenir des réponses. Alors, toute autre personne devrait être considérée comme un intrus et renvoyer de la salle. Pour cause, elle n’avait rien à y faire.
C’est ce laxisme dont le promoteur a fait montre qui a été à l’origine de toutes dérives notées depuis le stade Lat Dior de Thiès.
Et ce sont les journalistes qui risquent d’en pâtir. Notre consœur Assy Gaye est tombée évanouie, choquée qu’elle a été, à cause des échauffourées. Les autres confrères l’ont échappé belle.
Parce qu’à l’allure où vont les choses, on ne serait pas étonné de voir un confrère périr comme dans les théâtres d’opération, dans l’arène pour faire simplement son travail qui est d’informer. Par ailleurs, ne faut-il pas arrêter la lutte avec frappe incongrue au 21ème siècle ? Le sport olympique n’en a pas fait une discipline en tout cas.