XALIMANEWS- Dès ses premiers mois à la tête de l’Etat, le Président Macky Sall a préconisé la réforme de l’Etat en demandant «à actualiser, avec l’appui de la Délégation générale à la réforme de l’Etat et à l’assistance technique, le schéma directeur de la réforme de l’Etat sous le format d’un Schéma directeur de modernisation de l’action publique». Quelques réformes ont été entreprises, par à-coups, mais il demeure que les politiques, les procédures et l’organisation de l’Etat ont besoin d’être adaptées à un contexte de mutations politiques, institutionnelles, économiques et sociales. A la foire des idées, il devrait être intéressant de se pencher sur certaines hautes fonctions publiques pour en redéfinir les cadres institutionnels ainsi que les règles de fonctionnement.
Gouverneur de région, une fonction devenue obsolète
Qui peut aujourd’hui dire à quoi peut servir un gouverneur de région dans une situation où l’échelon du Conseil régional a été supprimé de l’organisation de l’Administration territoriale ? Surtout qu’à la faveur de la politique de décentralisation approfondie, avec le renforcement des compétences des collectivités locales, les préfets et sous-préfets assurent, de manière effective et directe, le contrôle et la représentation de l’Etat auprès de ces collectivités locales que sont les Conseils départementaux et les mairies. La fonction de gouverneur de région devient ainsi obsolète, car sa mission se résume à une simple fonction de représentant de l’Etat, fonction déjà assurée par ailleurs. Théoriquement, le gouverneur de région continue de coordonner les activités des préfets sous sa tutelle, mais dans la réalité, cette mission devient une fiction administrative. On devrait alors songer, dans la perspective des réformes nécessaires et indispensables de l’Etat, en vue d’une meilleure fonctionnalité et plus d’efficience, à supprimer la fonction de gouverneur de région. En effet, les préfets des départements pourront davantage avoir les coudées franches et cette réforme permettrait de réaliser des économies budgétaires et de renforcer les services des préfectures en les dotant des certaines compétences techniques. Ce serait d’ailleurs l’occasion d’ériger des préfectures fortes en les pourvoyant en ressources humaines et moyens matériels.
Ces «gendarmes de la gestion de l’Etat» qui mettent la main dans le cambouis
Ces derniers mois, au gré des remaniements du gouvernement, de nombreux hauts fonctionnaires, membres du corps d’élite de l’Inspection générale d’Etat (Ige), ont quitté leurs fonctions gouvernementales ou des positions de détachement au niveau de certaines directions de l’Administration publique, pour retourner à leur corps d’origine. Dans la carrière d’un haut fonctionnaire, la démarche peut sembler logique, normale même. Mais à y regarder de plus près, la situation ne manque pas de poser quelques gros problèmes dans la bonne marche de l’appareil d’Etat. En effet, on se retrouve, par la force des choses, à voir que pas moins de quatre membres de ce corps d’élite, plus de 10% des effectifs, en l’occurrence Birima Mangara, Papa Ousmane Guèye, Maxime Jean Simon Ndiaye et Mouhamadou Makhtar Cissé, sont retournés reprendre service au sein de l’Ige. Qu’auront-ils à y faire ? Pas grand-chose, pourrait-on dire. On ne voit pas ces personnalités être envoyées sur le terrain pour effectuer des missions de contrôle et de vérification. Elles risqueront donc de se tourner les pouces, d’être oisives et, pour parler de manière triviale, «payées à ne rien faire». De toute façon, si d’aventure elles étaient envoyées en mission de terrain, ces personnalités auraient beaucoup de mal à être crédibles, car leurs états de services au niveau du gouvernement ou des directions d’entreprises publiques ne les révèlent pas comme des modèles de gestionnaires attachés à la rigueur, à la transparence et à la bonne gouvernance des ressources publiques. Quelles leçons pourraient-elles alors donner aux administrateurs qu’elles auraient à contrôler ? Au demeurant, les gestions de ces personnalités ne seront jamais examinées par leurs pairs. Une certaine courtoisie ou un esprit de corps empêche toujours que l’Ige envoie, en dépit de la clameur publique, des missions de vérification auprès des administrations tenues par des Inspecteurs généraux d’Etat. Malheureusement, la vérité ne sera jamais connue sur les travers réels ou supposés de leur gestion. On peut observer les mêmes difficultés quand d’autres hauts fonctionnaires, comme des magistrats de la Cour des comptes ou des agents du Contrôle financier, occupent des fonctions de gestionnaires. Leurs pairs trouveraient du scrupule à les contrôler.
L’idée serait donc de faire en sorte que les membres de certains corps de contrôle comme l’Ige, la Cour des comptes ou le Contrôle financier soient attachés à leurs fonctions pour le reste de leur carrière de fonctionnaire. Il doit pouvoir être établi qu’un membre de ces corps de contrôle de l’Etat, qui accepterait des fonctions de gestionnaire, renonce pour toujours à retourner à son corps d’origine à la fin de sa mission. Une telle disposition pourrait être intégrée parmi les incompatibilités liées à des fonctions au niveau des corps de contrôle de l’Etat. On sait déjà que certains avantages financiers et logistiques et des plans de carrière attrayants ont été établis au profit des membres de l’Ige par exemple. De toute façon, rien n’empêcherait d’améliorer de telles situations pour chercher encore et encore à les protéger, les mettre à l’abri de certaines tentations du diable.
Crever ces parachutes dorés
Le débat sur l’opportunité de la mise en place de la politique du «parachute doré» s’est posé, à la faveur de la controverse entre Me Moussa Diop, ancien directeur général de la société Dakar dem dikk, et son successeur, le magistrat de la Cour des comptes, Oumar Boun Khatab Sylla. Me Moussa Diop réclame quelques indemnités de départ, équivalant à deux ans de salaire net, alors que son successeur rechignerait à lui payer de telles sommes. On observe que c’est devenu un effet de mode que des dirigeants d’entreprise publique s’aménagent des avantages particuliers et souvent exorbitants, pour préparer leur départ de leurs fonctions. De tels avantages payés au départ vont plus loin que les dispositions de la législation sociale et même de la politique de l’Etat au profit des anciens membres du gouvernement. L’Etat prévoit de continuer de verser par exemple aux anciens ministres leurs traitements pendant six mois après leurs fonctions, s’ils ne sont pas affectés à d’autres emplois publics. Or dans les entreprises publiques, les politiques-maisons font que des directeurs généraux limogés partent avec un pécule de 24 voire 30 mois de salaire net. Il se susurre même que des personnes, ayant quitté leurs fonctions de directeur général d’entreprise publique pour siéger au gouvernement, étaient parties après avoir perçu d’énormes indemnités. C’est en quelque sorte l’ouverture d’un parachute doré, pour emprunter un terme devenu commun dans la terminologie de la gestion des grandes entreprises commerciales. Cette pratique du parachute doré est acceptée depuis quelques années, de par le monde, au sein des entreprises cotées en bourse pour des dirigeants qui se trouveraient brutalement démis de leurs fonctions. Les dirigeants de ces entreprises sont soumis à des objectifs de résultats, de performance et sont évalués en fonction des richesses produites, grâce à leurs actions à la tête de l’entreprise. Le parachute doré est ainsi proposé dans le but de compenser le caractère provisoire du poste et le respect de la clause de non-concurrence pendant une durée bien déterminée. De plus, il s’agit d’un élément de rémunération à part entière, destiné à attirer les candidats de valeur lorsque la société recrute une personne-clé. En France, le parachute doré est également un moyen efficace pour compenser la situation des mandataires sociaux ne disposant pas de contrat de travail ni d’assurance chômage. Rappelons que ces travailleurs peuvent être licenciés sans motif ni indemnisation de renvoi.
Mais la situation est tout autre au Sénégal, notamment au sein des entreprises publiques. En effet, quelle est la logique de payer une compensation aussi faramineuse à un dirigeant d’une entreprise qui tire l’essentiel de ses ressources de fonctionnement, de la subvention que lui verse l’Etat par le biais des dépenses de transfert ? Mieux, un directeur général nommé dans ces conditions et limogé pour quelque motif que ce soit, après quelques courts mois d’activité, se trouverait à pouvoir prétendre à des indemnités de départ équivalant à plus de deux ou trois ans de salaire. Quand bien même ce directeur général se serait révélé comme un prédateur des ressources publiques. On assiste en effet à une situation anachronique où des directeurs généraux d’entreprise publique, nommés par un décret du chef de l’Etat, signent avec leur entreprise un contrat de travail dans lequel ils s’aménagent des ponts d’or. L’illégalité d’une telle pratique a fini d’être posée par les juridictions, nationales comme communautaires. Au demeurant, le directeur général d’une société anonyme n’a pas la qualité de salarié au sens des dispositions du Code du travail. La seule exception serait que le contrat corresponde à un emploi effectif distinct de ses fonctions de directeur général. Par exemple, directeur général et directeur commercial à la fois. Dans ce cas, la personne peut, avec l’autorisation du Conseil d’administration, conclure un contrat de travail en qualité de directeur commercial. Dans le cas de figure où un directeur commercial d’une société est promu directeur général, le contrat de travail est suspendu pendant toute la période où le directeur commercial est nommé directeur général et s’il est révoqué, il retrouve ses anciennes fonctions.
Lequotidien