D’emblée, je dois préciser que je n’avais qu’à moitié envie d’écrire sur les assassinats qui ont visé la rédaction de Charlie Hebdo, regrettant et condamnant l’acte en lui-même mais aussi connaissant déjà les nombreux mensonges, contrevérités, chocs des mots ou maux (caricatures, liberté d’expression, laïcité), qui l’alimentaient. Aussi ayant bien en tête la raison de toute cette surinformation, truffée volontairement d’amalgames, qui est juste de « casser du musulman ». Et puis, il y a eu l’attitude candide de ma fille « SCORA », âgée de 10 ans à peine, qui a accéléré tout le reste…
Elle a regardé en boucle sur des chaines de TV françaises, ça ne parlait et parle encore que de ça: « il y a eu un attentat, il y a 12 morts ». Elle a chopé l’information plus vite que Zorro. J’ai entendu son inquiétude dans sa voix quand elle a prononcé ces mots « C’est méchant ce qu’ils ont fait ! » … J’ai entendu son émotion et puis cette phrase : « je suis Charlie ». Un coup pendable ? Avant même de savoir, et donc de comprendre, le sujet s’est imposé de lui-même à ma fille et c’était évident pour moi aussi, qui suis son référent.
C’est dur, même très désolant d’attenter à la vie d’une personne quelque soit le mobile mais à « SCORA », pour qu’elle ne revendique plus le slogan « je suis Charlie », je me suis évertué, en quelques mots simples, à lui expliquer ce qu’est réellement « Charlie hebdo », un journal dans lequel on fait des dessins très moqueurs mais ni pertinents, ni malins, sans esprit, et surtout pas drôles du tout. Et particulièrement ses caricatures sur le Prophète Mohamed (PSL) ! Notre référence à nous musulmans. Et surtout si je ne veux pas qu’elle soit « Charlie », c’est parce que « Charlie » se permet de fouler aux pieds ce que nous estimons sacré, dans le mépris de notre Foi et de la Passion qui l’impéritie. Pour critiquer la religion, « Charlie » se moque du prophète Mohamed parce qu’il sait qu’il ne faut pas le faire, que c’est interdit par l’Islam. Mais sous l’étonnant prétexte de la liberté d’expression et pas que, il a le droit sacré de « rire » du prophète Mohamed, il a le droit de se moquer de l’islam ! Pourquoi diable ?
Et pourtant, c’est avant tout Dieu qui fit son éloge dans le Coran, lorsqu’Il dit : « Et tu es certes, d’une moralité imminente » (S Qalam, V 4). Aussi, « Ceux qui offensent Allah et Son messager, Allah les maudit ici-bas, comme dans l’au-delà et leur prépare un châtiment avilissant. » (S Ahzab – Les coalisés, V 57). Donc pourquoi tuer ?
Avec son ton libre, entier et sans concession, Charlie sait qu’il provoque chez certains de l’hostilité, ceux qui crient « ils l’ont bien mérité », mais chez la plupart des musulmans silencieux, ce genre de dessin provoque beaucoup de peine, c’est tout. Appliquant par là, les recommandations de l’islam, leur religion, qui se veut une religion de paix, de tolérance et surtout de pardon. La question étrange ! Quelle satisfaction « Charlie » peut-il trouver à blesser la sensibilité de quelques centaines de millions d’êtres humains ? Cette question est éternelle ! En revanche, la névrose islamophobe qui s’est toujours emparée de ce journal et qui en constitue regrettablement sa ligne éditoriale, son marronnier, sa ligne de front, est aussi tristement son……. «Droit au blasphème» !
Mon point de vue? Le pire des arguments, est celui qui prétend que sous le couvert de la liberté d’expression, on peut se permettre de caricaturer de tout, de rire de tout ! Et l’attaque dont « Charlie » a fait l’objet et qui a causé la mort de douze personnes, dont les cinq dessinateurs phares (Cabu, Charb, Wolinski, Tignous et Honoré), n’est pas une attaque contre la liberté d’expression. C’est une attaque contre la liberté de critiquer l’islam, notre religion. Je pense qu’il existe une frontière tenue entre la caricature et l’insulte. Charlie a souvent franchi le pas. Il nous a toujours représenté, nous les musulmans, dans un style d’humour pouët et graveleux, sous les traits de faibles d’esprit, de fanatiques, de terroristes, d’assistés. J’en ris car c’est imaginaire tout ça et c’est même un véritable tissu d’âneries bidonné à des fins de propagande, de « Muslim bashing » !
J’ai toujours été convaincu que la liberté d’expression, ça n’existe pas vraiment. Elle est théorique. Dans la pratique c’est autre chose. Même moi, avec mon statut de blogueur, je sais que je ne peux pas dire n’importe quoi sur mon blog aussi libre que soit mon expression. Mes propos pourraient avoir des conséquences sur ma vie personnelle, familiale ou même professionnelle !
Vous pouvez penser que je mélange tout mais « Charlie » est juste un fonds de commerce, un fabricant d’humour gonflé aux vents du temps, dégazé à longueur de semaines. Peut-être plus maintenant, car c’est au quotidien que ça dégaze depuis les attentats. Faut croire. En effet, « Charlie » se trouve aujourd’hui, en son corps défendant, au centre de l’information mondiale ! Depuis maintenant sept jours, il est difficile voire impossible de parler, de lire, de regarder mais aussi d’entendre un sujet autre que « Charlie ». Il est tragique qu’il ait fallu des morts pour provoquer un tel réveil. Normal me direz-vous car « Charlie » est une entreprise commerciale. Une posture en effet assez largement partagée par ses confrères de la presse écrite, de L’Express à Valeurs Actuelles en passant par Le Point, Marianne, Le Nouvel Observateur ou Le Figaro, pour s’en tenir aux plus enthousiastes. Et je ne parle même pas des télés et des radios. Le marché médiatique de l’islam« sans-gêne », « qui fait peur » et « qui dérange » rapporte gros. Ceci peut bien expliquer cela !
Cet « incident » met le doigt sur un sujet très cher à Rioufol, Zemmour, Houellebecq, ces autres ennemis connus de l’islam et fossoyeurs de l’identité française. Tous ces provocateurs, qui s’adorent et se complimentent, ont une fâcheuse tendance, en effet, à prendre les autres pour des demeurés. Ils se froissent d’un mot reçu, mais plus d’un, ont l’insulte comme argument. Je me retiens de surenchérir, mais je le pense très fort : oui, le crayon des cons tue et la kalach des cons dessine ! Donc que ça soit clair, je ne peux être Charlie qui m’a tant sali mais non plus ces tueurs d’un autre Islam que le mien !
Tiens demain, c’est mercredi, jour de parution hebdo de « Charlie », un numéro spécial des survivants des attentats est annoncé, avec en couverture la photo du prophète Mohamed (PSL). Inutilement provocateur ! Encore !
Tous ces détracteurs ne font que perdre leur temps, car nul ne peut ternir l’image de Celui qu’Allah a déjà honoré.
Les situations grotesques du « quotidien » vont offrir, aussi, de quoi caricaturer et rire. On passera à autre chose très vite. M’enfin !
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« L’islam ne peut plus lutter contre l’invasion des images »
Le Point – Publié le 12/01/2015 à 12:11 – Modifié le 12/01/2015 à 12:32
En 2010, Oleg Grabar, l’un des plus grands spécialistes de l’art islamique, revenait pour « Le Point » sur la question de la représentation dans la religion musulmane.
Le roi couronné reçu par le Prophète, v. 1800, Iran. © The Art Archive / Ashmolean Museum / AFP PHOTO
Si le Coran reste évasif sur la question des images, pourquoi les premiers musulmans se sont-ils interdit la représentation des êtres vivants ? Réponse d’Oleg Grabar, décédé en 2011, qui fut l’un des plus grands spécialistes de l’art islamique.
Le Point : Pourquoi l’islam a-t-il interdit la reproduction des êtres vivants ? Est-ce par imitation du judaïsme ?
Oleg Grabar : L’influence du judaïsme a peut-être joué un rôle. Mais il faut surtout se replacer dans le contexte de l’époque. Il y avait, d’une part, les empires byzantin et perse qui affirmaient la gloire impériale par le biais de monnaies à l’effigie de l’empereur ou de palais somptueux édifiés en son honneur. D’autre part, le christianisme élevait de grands sanctuaires comme Sainte-Sophie à Constantinople ou le Saint-Sépulcre à Jérusalem. Ces édifices allaient devenir les microcosmes d’une vision chrétienne du monde, où l’image proclame les concepts fondamentaux du dogme. Certaines chroniques racontent d’ailleurs que lors de la construction de la coupole du Rocher, à Jérusalem en 692, on répondait à ceux qui se demandaient pourquoi on s’activait à un si bel ouvrage que c’était simplement pour faire concurrence au Saint-Sépulcre. Et il y a une quarantaine d’années, le cheikh Ahmad Muhammad Isa de l’université d’al-Azhar au Caire affirmait que les musulmans avaient rejeté les images plus par refus de s’engager dans les discussions très complexes d’un monde qui leur accordait désormais une importance excessive que pour des raisons doctrinales. Mais on ne peut nier que les premiers musulmans redoutaient l’idolâtrie, et qu’ils préféraient ne pas avoir d’images plutôt que de courir le risque de voir se développer un culte à leur égard.
Mais le Coran contient-il des indications précises sur ce sujet ?
Si certains passages du Coran abordent le problème de la représentation, aucun cependant ne l’interdit clairement. Une seule chose est certaine : les idoles y sont prohibées. Dans la sourate V, le verset 90 énonce clairement : « Ô vous qui croyez ! les boissons fermentées, les jeux de maysir, les pierres dressées et les flèches divinatoires sont seulement une souillure procédant de l’oeuvre du Démon. Évitez-la ! Peut-être serez-vous bienheureux. » Si, chez les chrétiens, le Christ et Dieu peuvent être représentés en un seul corps, chez les musulmans, en revanche, il est inconcevable d’essayer d’imaginer Dieu. Insaisissable par essence, il ne peut être représenté sous aucune forme que ce soit. Mais d’autres versets du Coran évoquent la représentation. Ainsi, aux versets 43-44 de la sourate III, Jésus façonne, avec de la boue, la forme d’un oiseau, à qui il donne vie par un miracle de Dieu. Et un peu plus loin, dans la sourate XXXIV, versets 11-12, il évoque la fabrication de statues : « À Salomon [nous soumîmes] le vent. Celui du matin soufflait un mois […] Parmi les djinns, il en était qui travaillaient à sa discrétion, avec la permission d’Allah. Quiconque, parmi eux, se serait écarté de Notre Ordre, nous lui aurions fait goûter aux tourments du Brasier. » Les versets 12-13 disent aussi : « Pour lui, ils faisaient ce qu’il voulait : des sanctuaires, des statues, des chaudrons [grands] comme des bassins, et des marmites stables. »
Ces versets ne semblent pas hostiles à la représentation…
Certes, mais ces deux Révélations ont pourtant été rapidement interprétées comme une condamnation des arts plastiques, de la peinture et de toute technique qui permettait la représentation de la réalité, car pour les exégètes, seul Dieu peut être Créateur et donner la vie. Un hadith célèbre, mais tardif stipulera même que tout artiste doit être châtié s’il ne peut donner vie à l’être qu’il a tenté de créer. Si les textes de la Révélation ne comportent nulle part une interdiction formelle, ces prises de position seront largement reprises au VIIIe siècle dans les hadiths, et bien plus tard, au XVIIIe siècle, par le wahhabisme.
Sans contestation ?
Il existe des Traditions du Prophète, qui sont autant d’exception à la règle générale. A’isha, par exemple, la plus jeune des épouses de Mahomet, possédait des tissus couverts d’images. De la même manière, on sait qu’il était permis de décorer les bains de pavements et d’images, que les représentations réalistes n’étaient pas prohibées, tant que les animaux étaient figurés sans têtes ou les têtes sans corps… De grands érudits comme, au Xe siècle, l’exégète Abu ‘Alî al-Fârisî ou, au XIIIe siècle, le théologien al-Qurtubî ont admis l’idée d’une prohibition des représentations, mais ils ont essayé d’introduire dans le débat une distinction entre celle de Dieu et les autres images.
Il existe pourtant des représentations de Mahomet…
En effet, mais elles sont très peu nombreuses. Les musulmans ont toujours évité de le représenter. Malgré tout, très rapidement, on le retrouve en illustré dans des textes, sans visage ou recouvert d’un voile qui dissimule ses traits. À mon sens, l’intransigeance sur ce sujet des fondamentalistes musulmans est parfaitement hypocrite. Mahomet est certes le Messager de Dieu, mais il n’en reste pas moins homme, et le croyant a besoin de se représenter les choses. Pour moi, la polémique sur la représentation du Prophète est inséparable du débat sur la représentation en général. Derrière certaines mosquées, notamment en Iran, les petites boutiques qui vendent des souvenirs religieux n’hésitent pas à proposer, par exemple, des images d’Alî. Et les familles se prennent en photo. L’islam ne peut plus lutter contre l’invasion des images par la photo, le film, la télévision ou l’Internet. Le monde change et la société s’adapte à son temps.
Vous évoquez les représentations d’Alî. Chiites et sunnites n’ont donc pas la même doctrine sur le problème de la représentation ?
Aujourd’hui, en Iran, Alî et Mahomet lui-même sont très souvent représentés, alors que dans les régions majoritairement sunnites, et particulièrement en Arabie saoudite, c’est impossible. Dans le chiisme, plus mystique et plus ésotérique, les choses et leurs représentations possèdent différents niveaux de sens, d’où une approche plus nuancée de la Tradition. Cela peut expliquer que, dès le XIe siècle, les souverains de la dynastie fatimide en Égypte n’aient pas hésité à multiplier les représentations.
Si l’image est interdite, comment évoquer les idées, les concepts ou même les sensations ?
L’art islamique a su contourner le problème. D’abord par la calligraphie. Dans l’art musulman, on remplace facilement une image par une lettre ou un mot. Et la calligraphie a pris d’autant plus d’importance qu’elle était un instrument stratégique pour le développement de l’islam. Dès le VIIIe siècle, avec l’expansion rapide de cette religion, il a fallu instaurer une unité afin que, de l’Andalousie jusqu’aux frontières de la Chine, il soit possible de lire le Coran en évitant les querelles et les hérésies. Au fil des siècles, différents styles calligraphiques ont acquis ainsi un statut canonique. Mais l’art a aussi utilisé un deuxième procédé, qui est la géométrie. La coupole du Rocher à Jérusalem, la mosquée d’Ibn Tulun au Caire, ou encore les mosaïques et les panneaux en plâtres de Khirbat al-Mafjar à Jéricho en offrent de superbes exemples. Mais l’apogée de son utilisation est atteint à mon avis au Xe et XIe siècle, avec l’apparition en Iran du « brick style », l’utilisation de briques de construction dans l’agencement de panneaux à la géométrie souvent extrêmement savante. C’est environ à la même époque d’ailleurs qu’apparaissent en Iran ainsi qu’en Irak des manuels de mathématiques qui décrivent les différentes combinaisons pour produire des formes. Peu à peu, la géométrie va ainsi devenir le moteur principal de la décoration des édifices islamiques.
Mais comment les dynasties persane et moghole vont-elles justifier l’art de la miniature et ses représentations, souvent très sensuelles ?
Elles n’ont ni souhaité ni eut véritablement besoin de se justifier. Aucune doctrine, d’ailleurs, n’a été élaborée sur l’art des miniatures. Je pense que ces princes aimaient les belles choses, c’est tout. À l’inverse de la chrétienté où l’art religieux a dominé jusqu’à la Renaissance, l’islam, en Perse ou en Inde notamment, a préféré très tôt l’art profane. Les princes moghols, qui ont régné en Asie centrale et dans le sous-continent du XVIe siècle au XIXe, étaient des Turcs d’Asie centrale qui n’avaient pas les mêmes préjugés que les peuples de la méditerranée en ce qui concerne les représentations.
L’architecture des mosquées varie beaucoup d’un pays à l’autre. Entend-elle, comme celle des églises chrétiennes, évoquer l’ordre du monde ?
Les premiers plans proviennent directement de la maison du Prophète à Médine, qui fut vers 650 sous le califat d’Uthmân, agrandie et transformée en mosquée. Une cour, des salles avec des colonnes : on ne sait finalement que très peu de choses de son architecture. Les chroniques de Tabarî et de Waqidi, notamment, racontent que c’est Al-Hajjaj, gouverneur d’Irak sous le califat d’Abd al-Malik, à la fin du VIIe siècle, qui aurait décrété qu’il fallait un espace pour que les musulmans puissent se retrouver et prier ensemble. Les plans qu’il aurait proposés et qui ont permis l’édification de la Coupole du Rocher à Jérusalem étaient cependant largement inspirés de la maison du Prophète. Mais le Coran lui-même ne précise à aucun moment la nécessité d’un lieu de culte, quel qu’il soit. Il indique seulement que le croyant fera sa prière à l’endroit où il est lorsque retentit l’appel à la prière. La mosquée évoquée dans le Coran n’est rien d’autre qu’un édifice administratif : c’est l’endroit où une fois par semaine, le vendredi à midi, le Prophète, puis plus tard le calife, réunit les hommes non seulement pour prier, mais aussi pour informer, décider des impôts et prendre des décisions collectives.
Oleg Grabar, décédé en 2011, était historien et archéologue, professeur émérite de l’Institute for Advanced Studies à Princeton. Il est l’auteur, entre autres, d’Images en terre d’Islam (RMN, 2009), La formation de l’art islamique (Flammarion, 1987), de Penser l’Art islamique. Une esthétique de l’ornement (Albin Michel, 1996) et de La peinture persane (PUF, 1999).
Voilà au moins un sénégalais qui n’est pas charlie. Ta mignonne fille ne le sera non plus quand elle aura bien compris, par la raison et non pas par l’image, que charlie n’est rien d’autre qu’un journal qui nous insulte chaque semaine parce que nous sommes musulmans.
Charlie doit accepter nous critiquer par ce que nous disons ou par ce que nous pensons et comprendre nous critiquer par ce que nous croyons n’est rien d’autre que nous insulter.
Je ne suis pas charlie, le sénégal n’est pas charlie, l’Afrique n’est pas charlie