L’historien, égyptologue et homme politique sénégalais Cheikh Anta Diop (1923-1986), dont le 28e anniversaire du décès a été célébré le 7 février dernier, avait choisi de mettre plus l’accent sur la recherche et la publication que sur l’action politique, a estimé mercredi à Dakar l’historien Boubacar Diop ‘’Buuba.
‘’Cheikh Anta Diop avait opté plus pour la recherche et la publication de livres que la politique. S’il avait opté pour la politique, il aurait pu devenir ministre ou faire un coup d’Etat, car il en avait les moyens. Mais, il a toujours cru qu’il était plus utile en publiant des livres sur l’Afrique’’, a dit le Professeur Diop, enseignant à l’université de Dakar qui porte le nom du célèbre égyptologue, depuis 1987.
Il traitait du thème ‘’Cheikh Anta Diop, le savant et le politique’’ lors de ‘’Carrefour d’actualité’’, une rencontre du Centre d’études des sciences et techniques de l’information (CESTI).
‘’Personnellement, je pense qu’il était beaucoup plus à l’aise dans son bureau à lire et à écrire des livres qu’à faire de la politique, même s’il s’est exercé à créer un parti politique, le Rassemblement national démocratique [RND]’’, a poursuivi Boubacar Diop, qui se considère comme un disciple de l’illustre savant dont il a embrassé la discipline, l’égyptologie, par ‘’ fascination’’.
Citant Cheikh Anta Diop, il a déclaré que ce dernier disait qu’un ‘’ intellectuel africain qui veut accéder au pouvoir sans éduquer son peuple au préalable, soit il devient un démagogue ou un tyran’’.
Selon Pape Demba Sy, professeur de droit public à l’UCAD et leader de l’UDF/ Mboolo-mi, un parti issu des flans du Rassemblement national démocratique(RND), Cheikh Anta Diop ‘’ avait une conception de la politique basée sur l’éthique’’.
‘’ Il luttait pour des idées et non pour des personnes comme aujourd’hui. On ne met plus l’accent sur l’éthique, mais sur les intérêts personnels immédiats’’, a-t-il fustigé, soulignant que ‘’ le culte de la vérité et l’éthique en politique’’ symbolise l’héritage laissé par le fondateur du RND.
‘’Il ne faut pas canoniser Cheikh Anta Diop’’, a-t-il toutefois estimé. ‘’Les jeunes doivent s’approprier ses idées en les approfondissant ou en les soumettant au feu de la critique, au besoin’’, a-t-il suggéré.
Un avis largement partagé par Birahim Moussa Guèye, formateur au CESTI, et l’économiste Amadou Aly Dieng qui revendique publiquement des ‘’ relations personnelles et intellectuelles’’ avec l’illustre disparu.
Revenant sur son héritage politique, le Pr Boubacar Diop est d’avis qu’il concevait le RND, qu’il a fondé en 1976, comme un vaste rassemblement regroupant les partisans de l’ex- président du Conseil, Mamadou Dia, les communistes et l’ensemble des partis de gauche.
A sa mort, le 7 février 1986, le RND s’est disloqué en plusieurs formations politiques. Ainsi, il y a deux mouvances, l’une dirigée par le Pr Madior Diouf, et l’autre conduite par le Dr Dialo Diop.
Revendiquent aussi son héritage d’autres formations comme le Parti pour la libération du peuple (PLP) de feu Me Babacar Niang, l’UDF/Mboolo-mi du Pr Pape Demba Sy, l’ex-CDS d’Abdou Fall etc.
Des velléités de retrouvailles entre le RND et l’UDF/Mboolo-mi ont été notées la semaine dernière, à l’occasion du 28e anniversaire de son décès.
Cheikh Anta Diop a vu le jour en 1923 à Thieytou (Diourbel, centre). Il est décédé le 7 février 1986, à l’âge de 63 ans. Le 30 mars 1987, Abdou Diouf a pris la décision de lui donner le nom de l’Université de Dakar.
Le ‘’Carrefour d’actualité’’ de mercredi a eu lieu en présence d’un public nombreux, composé d’anciens compagnons politiques de Cheikh Anta Diop, d’universitaires, des formateurs et des étudiants de cet établissement dont le directeur, Ibrahima Sarr, a tenu à être aussi présent.
DE LA NÉCESSITÉ DE RECADRER LA PENSÉE DE CHEIKH ANTA DIOP !!! Certes, il a joué un rôle incontestable, plus que quiconque, dans l’œuvre de revalorisation du Noir Africain. Et du fait du caractère multidisciplinaire de son entreprise, il a permis à beaucoup d’intellectuels de se libérer du complexe d’infériorité qui a entretenu pendant très longtemps la marginalisation des africains (les ‘’descendants de Pharaon’’). Et certes, son œuvre est une étape importante, mais non- décisive – il faut le reconnaître – pour l’avènement du nouvel ordre idéologique qui se précise de plus en plus et qui intégrera nécessairement la dimension religieuse. Oui, les Textes Sacrés (Thora, Évangile, Coran) sont une ‘’explication de toute chose’’ ! Ainsi, la contribution de Cheikh est une étape importante, nécessaire en son temps, car surtout dissuasive vis-à-vis des Occidentaux qui avaient fini par se persuader de leur suprématie sur les gens de couleur, tant au niveau de la pensée que du savoir-faire. Et au vu de toutes ces considérations, hommage ne peut être plus mérité que celui que tous les fils d’Afrique et la diaspora lui rendent, mais nous devons éviter d’en faire un ‘’messie’’. Cheikh nous a livré sa pensée qui n’est pas immuable ; ainsi, nous devons l’expertiser avec la plus grande minutie et la plus totale objectivité. En effet, si nous adhérons à l’unanimité et sans réserve à l’œuvre de Cheikh Anta DIOP, certes, nous ferions de lui un ‘’super – savant’’; mais, si ses théories s’avéraient fantaisistes – ce qui est la règle en ce début de millénaire caractérisé par la déstructuration de toutes les idéologies et de toutes les sciences -, la chute du Pharaon entraînerait alors une véritable avalanche qui emporterait la plupart des intellectuels et hommes politiques. Et si ce scénario catastrophe se réalisait – si cela n’est pas déjà fait -, l’Université aurait un très grand mal à se remettre de ce choc !!!