Cheikh Seck fait feu sur le maire de Dakar : « Khalifa Sall est un peureux… »

«Khalifa Sall perd son temps, je ne suis pas homme à être déstabilisé»

Cheikh Seck fait feu de tout bois. Le Secrétaire général de l’union régionale du Parti socialiste de Diourbel tire à boulets rouges sur les «rebelles» du Ps, à leur tête, Khalifa Sall. Connu pour sa proximité avec le «gardien» du legs senghorien, Ousmane Tanor Dieng, le maire socialiste de Ndindy ne tolère guère les sorties au vitriol contre son mentor et Secrétaire général du Ps. Accroché par L’Obs, le député et président de la Commission développement et aménagement du territoire à l’Assemblée nationale revient, dans cet entretien, sur «les méthodes peu orthodoxes» du maire de Dakar contre son parti, la levée de l’immunité parlementaire de Aminata Diallo, l’affaire Bamba Fall et Cie, etc.

Un communiqué reçu à la rédaction de L’Obs vous dit désavoué par l’union régionale de Diourbel, dont vous êtes le Secrétaire général. Qu’en est-il réellement ?

L’Union régionale ne s’est pas réunie pour produire un tel communiqué. J’en suis le patron et aucun de mes quatre adjoints n’a convoqué de réunion. C’est faux de dire que j’ai été investi par cette union. Une union régionale n’investit pas, c’est la circonscription qui le fait. Ma base fonctionne très bien. Je suis l’un des rares militants qui fait 52 semaines dans sa base. Je n’ai jamais passé un weekend à Dakar. Je suis tout le temps sur le terrain. Ce communiqué est un texte monté de toute pièce par les commanditaires du saccage de la Maison du parti, le 5 mars 2016. Et c’est Khalifa Sall qui est derrière ça. Mais, il perd son temps, parce que je ne suis pas un homme qu’on peut déstabiliser. Khalifa n’a qu’à s’occuper de son rapport de l’Ige où il est épinglé, plutôt que d’essayer de déstabiliser ma base politique. Mon Union régionale est l’une des plus unies. Il manipule des gens pour leur envoyer des communiqués. Je vais, d’ailleurs, porter plainte, pour que le commanditaire soit déniché.

Le Ps est en profonde crise, ponctuée par une guéguerre rangée entre des pro-Khalifa et pro-Tanor. Qu’est-ce qui explique cette situation ?

Il n’y a pas de crise au Ps, mais une petite rébellion commanditée par Khalifa Sall. Le Sénégal est composé de 14 régions et de 45 départements, dont 136 coordinations pour le Ps. Et c’est la moitié d’un département sur les 45 qui s’agite dans le parti. Il s’agit du département de Dakar, dont Khalifa est responsable. Mais, les Alioune Ndoye, Jean Baptiste et Doudou Issa Niass n’en font pas partie. C’est donc une infime minorité composée de trois, voire quatre maires qui manipule des enfants, en recrutant des nervis, des bandits et autres groupuscules de personnes armés de coupe-coupe et d’objets tranchants, qui ont tenté de déstabiliser la réunion du Bureau politique (Bp). Le slogan de Khalifa, c’est «ôte-toi que je m’y mette». Ce n’est pas en instrumentalisant les médias et des jeunes qu’il aura une base politique. Il n’est pas représentatif dans ce pays et perd son temps. Le Ps, dans ses 44 départements est un et indivis.

Aujourd’hui, Bamba Fall et Cie sont sous mandat de dépôt, suite à la plainte du Bp socialiste. Des pro-Khalifa ont fustigé cette saisine de la justice, estimant que le Ps avait la latitude de laver le linge sale en famille. Êtes-vous d’avis ?

Une réunion régulière du parti a été convoquée, mais la rébellion de Khalifa l’a empêchée. Le sang a même coulé ce jour-là, avec des blessés. C’est anormal. Le parti a des tribunes où les gens peuvent s’exprimer librement, démocratiquement. Au sortir de cette réunion qui n’a pu se tenir, on a tenu une autre plus sécurisée, le lendemain. Et c’est au sortir de celle-là que le Bp a, dans l’unanimité, à l’absence de Khalifa Sall et deux ou trois camarades, décidé de porter plainte contre X. Afin que les commanditaires et les nervis soient identifiés. Malgré tout, le Secrétaire général (Sg) du Ps, Ousmane Tanor Dieng, a attendu 45 jours avant de déposer la plainte. Les sages et jeunes du parti ont même tenté de faire reconnaître ces casses aux rebelles, en s’amendant. En vain ! S’ils avaient fait cela, il n’y aurait pas de plainte. Mais, ils ont continué à nous insulter dans les médias. Ainsi, on a acculé le Sg pour qu’il dépose la plainte. On demande simplement que les responsabilités soient situées. Le parti pourra ensuite se retrouver et voir quelle conduite tenir face à cette affaire-là. Il n’y a pas de complot politique. L’enquête suit son cours.

Dans ce sillage, la levée de l’immunité parlementaire de la socialiste Aminata Diallo est agitée. En tant que député, êtes-vous pour ou contre ?

La Justice a le droit de demander la levée de l’immunité parlementaire d’un député, si d’après elle, cette personne est impliquée dans des actes répréhensibles. Dans le respect de la séparation des pouvoirs, l’Assemblée nationale qui est le pouvoir législatif, n’a pas le droit de refuser la levée de l’immunité parlementaire d’un député qui ne s’est pas comporté de façon responsable. La levée de l’immunité parlementaire n’est ni synonyme de culpabilité encore moins de mandat de dépôt, mais c’est un complément d’enquête. L’Assemblée a la latitude et l’obligation de lever cette immunité parlementaire. D’autant plus qu’on l’a fait pour d’autres députés. Et on ne peut y avoir deux traitements. Oui ! Je suis pour la levée de cette immunité parlementaire, si la lettre arrive sur la table de l’Hémicycle. Parce que c’est ce qui va permettre au député de laver son honneur. Tout député doit avoir un comportement exemplaire.

«Khalifa Sall n’a qu’à prendre ses responsabilités et quitter le Ps…»

Le Ps a décidé d’aller sous la bannière de Benno Bokk Yakaar (Bby) aux Législatives 2017. Alors que le Secrétaire général chargé de la vie politique, Khalifa Sall, a confirmé qu’il va présenter une liste à ces joutes. Viole-t-il les statuts du Ps qui stipulent que tout militant ou responsable doit se conformer aux décisions du parti ?

La Charte du militant, en son point 6, demande à tout militant de respecter les décisions du parti. Ce n’est pas le cas avec Khalifa. Pis, c’est lui, Secrétaire général chargé de la vie politique, qui viole les textes du parti. L’engagement du Ps d’aller aux élections Législatives avec Bby est une décision de ses instances. Khalifa Sall n’ira pas à ces élections sous le nom du Ps, car il n’est pas le patron du parti. Tanor, si. C’est de l’indiscipline notoire. D’ailleurs, on a déjà constaté son auto-exclusion, dans la mesure où il ne vient pas aux réunions, ne respecte pas les décisions du parti. Khalifa manque de courage, c’est un peureux. Puisqu’il n’ose pas aller seul pour créer son parti ou mouvement. Il aime jouer les seconds rôles, en instrumentalisant des gosses qui vont à l’avant-garde. Ce n’est pas sérieux qu’il sacrifie tous ces jeunes en prison. C’est irresponsable. Ne se sentant plus dans le parti, il aurait dû quitter plutôt et créer sa propre formation.

Le parti prévoit quand même des sanctions. Mais, pourquoi tarde-t-il à les appliquer à Khalifa Sall ?

Le Ps n’a pas sanctionné Khalifa Sall. On ne le considère plus comme responsable du parti, dont il ne respecte plus les règlements et le fonctionnement. Lui-même s’est exclu du Ps. Il n’a qu’à prendre ses responsabilités et partir. Khalifa cherche à être exclu, à être victime. S’il attend d’être exclu, il perd son temps. Cette rébellion ne profite à personne, mais endommage plus Khalifa Sall. Parce qu’il a perdu sa crédibilité. Il était contre les mouvements de soutien et en est devenu, aujourd’hui, un grand producteur.

Le Ps persiste à rester dans Bby. Ne signe-t-il pas là, son arrêt de mort ?

Le Ps a un maillage qu’aucun autre parti politique ne possède dans ce pays. Le parti est devenu plus fort que jamais, avec sa vingtaine de députés et Hauts conseillers des collectivités territoriales et sa centaine de maires dans les différentes Collectivités locales. Comment penser qu’un tel parti puisse mourir. Deux ou trois maires dans une moitié de département ne peuvent tuer le parti. Le Ps réitère son ancrage dans Benno Bokk Yakaar. Et travaille au côté du Président Macky Sall. Quand Macky a été acculé dans son parti, il avait tout laissé et est parti créer son propre parti. Khalifa, lui, veut conserver son fauteuil et demande à des camarades de quitter leur poste. Si le Ps quitte Bby, je démissionne de mon poste de l’Assemblée nationale. Car, j’ai acquis ce poste sous la bannière de la coalition Bby. Khalifa est un responsable qui manque de courage politique.

Le Ps ira-t-il seul ou en coalition à la Présidentielle 2019 ?

Il est vrai que la vocation d’un parti reste la conquête du pouvoir. Mais, je refuse d’anticiper sur des questions sur lesquelles notre parti n’a pas encore statuées. Pour les échéances de 2017, c’est déjà réglé. Au sortir des Législatives, le parti va encore, de la base au sommet, se lancer dans la consultation. Ceux qui veulent être candidats n’ont qu’à le faire. Le Ps, quant à lui, est un parti très organisé, qui travaille avec ses méthodes, suivant un agenda. Les gens qui veulent nous imposer leur propre agenda perdent leur temps. Nous prenons le temps pour statuer. J’appelle tous les militants à une discipline de parti, en allant s’exprimer dans les tribunes du parti, au lieu de faire des déclarations catastrophistes.

Interview réalisée par L’Observateur