Chers amis du Hip-Hop, on aimerait comprendre ! (Par Malick Ndiaye)

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Nous aimons leurs textes, nous aimons leur engagement, ils sont des contributeurs essentiels de notre démocratie, mais le rapport de certains rappeurs sénégalais à l’argent est aussi intriguant qu’inquiétant. Est-il vrai que des rappeurs ont été reçus par le Président de la république et qu’une enveloppe aurait été mise à disposition pour indemniser les acteurs de la culture urbaine (essentiellement des musiciens) d’hypothétiques pertes liées au couvre-feu ? Est-il vrai qu’un formulaire Google circule sous le manteau dans l’underground du hip-hop sénégalais pour identifier les artistes ayant subi des pertes liées au repos forcé ? À l’heure où des Sénégalais de bonne volonté cotisent pour contribuer à la force Covid, d’autres, et parmi les auto-proclamés défenseurs du peuple, rempliraient des documents pour recevoir une partie de cette cagnotte ?

Si la démarche du gouvernement ressemble plus à un investissement politique sur le futur, j’ai beaucoup de mal à croire qu’un seul rappeur puisse accepter ce marché indigne. Si le gouvernement n’en est pas à sa première attaque contre l’intérêt supérieur de la nation, les rappeurs ne devraient en aucun cas se rendre complices d’une telle mascarade. Il serait temps qu’ils mettent un peu d’éthique dans leur rapport au système politique qu’ils prétendent dénoncer. Face à la détresse de beaucoup de familles, ils devraient être en première ligne, pour soulager les citoyens. En tant que soldats de la conscience collective, il me semble qu’ils devraient aller au-delà du sacrifice dans ces moments difficiles. On peut leur concéder de ne pas contribuer, à la cagnotte, nul n’y est obligé. Par contre, il est problématique vu leur discours d’imaginer toucher un seul centime de la nation, quel que soit l’impact que l’épidémie a sur leurs activités. Sans parler de la question des ayant-droits (qui indemniser ? comment ? pourquoi ?), il y a la responsabilité morale que prennent ces artistes dans la dilapidation de nos maigres ressources.

Si cette histoire est vraie, il est temps alors pour nos amis du hip-hop de revoir leur positionnement social et leur rapport à l’argent. Cela voudrait dire qu’ils agiraient davantage en entrepreneurs capitalistes qu’en activistes militants. Cela voudrait dire qu’ils auront perdu leur honneur et leur crédibilité quelque que soit l’arrangement qu’ils feront avec leur conscience. Il serait temps pour eux de comprendre que ce qu’on leur demande, c’est d’inspirer notre jeunesse par l’action quotidienne, d’aider à bâtir un nouveau type de Sénégalais par le comportement, de montrer qu’il y a une autre manière de réussir sa vie que par l’argent. S’ils ne le comprennent pas ainsi, on leur dira que c’est criminel et qu’ils ne peuvent pas profiter de leur position pour compiler des avantages, qu’ils soient pécuniaires ou symboliques. Il n’y a pas pire perversion que de semer dans la tête de notre jeunesse que le Sénégal est une grosse entreprise et chaque citoyen en est actionnaire. En se positionnant dans tous les carrefours où il est question de financement et de pécule. En agissant ainsi, les leaders du hip-hop sénégalais font preuve de la même corruption morale que l’élite politique qu’ils dénoncent.

Avec toute l’affection que nous avons pour eux, nous appelons chaque rappeur ou rappeuse qui aurait fait la démarche pour toucher de l’argent de l’État de le rendre. Et de méditer sur Kennedy : « demandez-vous ce que vous pouvez faire pour le Sénégal et non pas ce que le Sénégal peut faire pour vous ».

Malick Ndiaye, Seattle

1 COMMENTAIRE

  1. C’est plutôt aux gouvernants à s’habituer à respecter les peuple. Toute utilisation des deniers publiques doit suivre un protocole d’information destiné à la population. On en est encore très loin. À propos des «musiciens », ce sont, pour certains des nécessiteux comme la plupart des sénégalais. Des privilégiés mbalaxkatts qui se targuent de bonnes actions, oublient qu’ils doivent des comptes sur leurs actions. Ce(s) mbalaxkatt qui a parcouru le monde au nom de la jeunesse sénégalaise en brandissant son projet d’éducation et de formation devrait rendre des comptes sur ces financements détournés à des fins (faims) personnelles, claniques pour ne pas dire familiales. Le sénégalais vertueux est à trouver ailleurs que dans ce microcosme des viveurs de la nuit.

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