Chez Ousmane ndoye, l’homme qui aimait les baobabs

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Forêt de baobabs, chez Cheikh Ousmane Ndoye (Sabine Cessou/Rue89)

Il était une fois Cheikh Ousmane Ndoye, un Dakarois qui vivait depuis longtemps sur la Petite-Côte, dans un champ de baobabs. Ce citadin de la savane vit très simplement. Si simplement qu’il est impossible de deviner, au premier regard, qu’il possède des centaines d’hectares de baobabs.

Sa vie ressemble à un conte… Il vit en accord avec lui-même et les arbres. Au point de construire sa maison autour d’un « gouye », le nom wolof de l’arbre sacré, qu’on retrouve dans tout le Sahel et en Afrique australe. Témoignage.

Un arbre plein d’esprit(s)

Cheikh Ousmane Ndoye (Sabine Cessou/Rue89)

« Je suis un Ndoye, un Lébou. Les Lébous vénèrent la nature, les arbres et la mer. C’est de l’animisme au sens latin du mot : donner une âme à ce qui vit. Les Lébous font des offrandes à tout ce qui vit entre terre et mer, mais ils n’utilisent pas les forces du mal comme dans les traditions animistes d’autres ethnies.

Je me pose en défenseur des baobabs. L’arbre a une énergie. Chaque baobab a son ADN et une personnalité différente. On dit que les esprits logent dedans. Je ne coupe jamais un baobab.

Un proverbe wolof dit : “Ragal dou diam gouye” – “Le peureux n’entaille pas le baobab” –, parce que des esprits peuvent être dérangés et parce qu’il n’arrivera pas à ses fins. La langue wolof est remplie de proverbes qui font référence au baobab. Sur le respect dû aux parents, on dit : “Lou gouye, réy réy gif a di ndeyam” – “Si grand que soit le baobab, une simple graine est sa mère”.

On donne parfois à ces arbres centenaires des noms de gens… Ils me donnent la quiétude, la stabilité, la sérénité.

Un “boy Dakar” dans les “baos”

J’ai grandi à Dakar. Je suis né en mars 1960 dans le quartier populaire de la Gueule Tapée. Je suis un “boy Dakar” dans les “baos”… Un jour, en 1992 ou 1993, je suis venu faire la fête ici, près de Sally, dans ces champs de baobabs. Et je ne suis plus jamais reparti.

Coucher de soleil chez l’amoureux des baobabs (Sabine Cessou/Rue89)

Avant je travaillais dans le poisson. Dans ce milieu, on peut avoir des millions tout de suite. Mais l’argent du poisson, c’est comme du feu. La mer peut t’enrichir comme elle peut t’appauvrir. Du jour au lendemain, tu peux devenir pauvre.

J’achète et je vends des terrains avec des baobabs. Je ne le fais pas pour m’enrichir. J’ai aussi une agence immobilière à La Somone. Je possède des hectares jusqu’à Notto Gouye Diama, entre Kayar et Mboro, à 23 km de Thiès. Là, sur ces 300 hectares en bord de mer, j’aimerais faire une ville nouvelle.

Ailleurs, j’ai vendu un terrain à l’homme d’affaires Yerim Sow [promoteur de l’hôtel Radisson Blu à Dakar, ndlr] qui a un projet d’hôtel en voie de finition. Il partage mon respect pour les baobabs.

Quand les griots y étaient “enterrés”

La maison qu’il se construit autour d’un baobab (Sabine Cessou/Rue89)

Sur la Petite-Côte, je vis en pays sérère, mais il existe une dualité entre les Lébous et les Sérères. Les Sérères ont suivi la côte de Dakar à Saint-Louis et jusqu’en Casamance.

Les gens ont suivi le poisson, ce qui fait qu’un homme né en Casamance peut se présenter en tant que Lébou ou porter un nom wolof comme Ndiaye. L’écrivain et cinéaste Ousmane Sembène est de Casamance, mais il porte un nom lébou…

Les Sérères et les Lébous sont des cousins. Les Sérères plaçaient leurs griots dans le tronc creux des baobabs, pour qu’ils ne souillent pas la terre. Les griots forment une caste à part au Sénégal, comme dans toute l’Afrique de l’Ouest.

Faire des arbres des tombes a été interdit en 1962 par Senghor, un président sérère, pour des principes de non-discrimination. Dans certains arbres, il y a encore des crânes. Ce n’est pas beau à voir… »

rue89.nouvelobs.com

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