L’accaparement des terres est bien une réalité au Sénégal où près de 670 000 ha, soit près de 30% des surfaces cultivées, sont déjà bazardés. Parmi ces milliers d’hectares concernés par l’accaparement, 250 000 ha ont été attribués à des nationaux. Mais le paradoxe est que « ces terres se situent dans les zones les plus fertiles du Sénégal ». L’Etat use de tous les subterfuges pour tordre le bras aux communautés rurales dont la compétence de la gestion des terres leur a été transférée par les dispositions de la loi.
Dans son document, «Briefing sur l’accaparement des terres au Sénégal », formulé en Août 2014 à l’attention des journalistes dans son programme de «Gouvernance foncière », l’institut Panos Afrique de l’Ouest (IPAO) a révélé : «Malgré le transfert de compétences aux communautés rurales en matière de gestion foncière, l’Etat utilise tous les subterfuges possibles pour reprendre le contrôle.
En 2006, le plan REVA (Retour vers l’Agriculture), privilégia l’octroi de 1000 ha par CR à des jeunes citadins au lieu de renforcer les populations rurales dans leurs activités ». Dans le même document, il est signalé que « le phénomène d’accaparement des terres s’est aggravé avec la crise alimentaire et énergétique, et concerne de plus en plus les agro carburants en dehors de 125 000 ha visés par l’Arabie Saoudite dans la vallée du fleuve pour produire du riz pour leur population».
Dans le même sillage, la même source explique : «En 2008, le président Wade lance la Grande Offensive pour l’Alimentation et l’Abondance (GOANA). C’est l’occasion pour les autorités religieuses, hommes politiques et autres hommes d’affaires, d’accéder à la terre suite à la demande du chef de l’Etat (1000 ha par CR) ». Soucieux de la bonne gouvernance foncière dans notre pays, l’IPAO révèle qu’au « même moment, le président Wade demanda à chaque CR de mettre encore 1000 ha à disposition d’un programme de production de biocarburant à partir de graines de Jatrophas ». Mais le phénomène n’est pas l’apanage de l’ancien régime, le nouveau régime semble être impliqué dans la bamboula foncière. « En outre, les orientations des politiques publiques du régime précédent et du nouveau régime, en matière de développement à long terme de l’agriculture, privilégient le soutien à l’agriculture d’entreprise portée par les grandes multinationales », signale l’IPAO.
Dans cette perspective, afin « d’encourager les promoteurs privés et étrangers à faire de gros investissements dans l’agriculture et faciliter les procédés d’attribution des terres », dévoile l’IPAO, « l’Agence Nationale chargée de la Promotion des Investissements a mis en place des procédures pour contourner la loi sur le domaine national, l’APIX lance des appels d’offre sur le foncier sans consulter les populations, institutionnalisant la marchandisation des terres ». C’est la ruée vers les terres, ces dernières années, de puissants investisseurs (nationaux et multinationales) cherchant à tout prix à « acquérir des terres à grande échelle » au Sénégal pour y faire pousser des céréales pour les besoins alimentaires des pays étrangers et des spéculations pour la production de biocarburants.
C’est dans ce cadre que Senhuile-Senethanol, Carnégie-Astron, Mineral Deposit Limited (MDL) et tant d’autres se sont vus octroyer des milliers d’hectares. Ce qui représente un vrai scandale. Et si on n’y prend pas garde, ni nous, ni nos enfants ne pourront avoir des lopins de terre dans les prochaines années.
sudonline.sn