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Collectif International de Sénégalais pour la libération du journaliste PAPE ALE NIANG

Date:

Objet : Mémorandum pour l’adoption par le Parlement européen d’une résolution d’urgence en vue de la libération immédiate et inconditionnelle du journaliste Pape ALE NIANG

L’Union européenne attache une importance toute particulière à la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales. La protection des sources journalistiques, garantie fondamentale de la liberté de la presse et du droit du public à l’information est consacrée par les instruments juridiques internationaux, précisément par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. 

Le dimanche 06 novembre 2022, le journaliste d’investigation sénégalais, Monsieur Pape Ale Niang, administrateur du site d’informations en ligne « Dakarmatin.com » a été enlevé, en plein jour, à Dakar par les autorités policières, sur ordre du Procureur de la République et accusé de « diffusion de fausses nouvelles, recel de documents administratifs, et divulgation de documents estampillés secret défense ».  Son arrestation arbitraire, relève d’un kidnapping d’état dans la mesure où aucune convocation ne lui avait été préalablement adressée pour l’auditionner sur les « délits supposés » qui lui sont reprochés. Remis en liberté le 14 décembre 2022, et placé sous contrôle judiciaire,, Pape Alé Niang a été de nouveau interpellé par la police, moins d’une semaine après sa libération et présenté à un juge qui « a révoqué sa décision de liberté provisoire assortie du contrôle judiciaire », pour le motif totalement fallacieux selon lequel « l’inculpé a contrevenu à ses obligations en abordant volontairement lors de ses lives sur Youtube les faits poursuivis » , une version mensongère contredite à la fois par ses avocats et par la Coordination des associations de presse du Sénégal regroupant de nombreux journalistes.

La liberté d’expression est consacrée expressément par l’article 10 de la Constitution sénégalaise qui garantit « le droit d’exprimer librement ses opinions par la parole, la plume, l’image, la marche pacifique » et par la Commission africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, dont les principes réaffirment que « nul ne doit faire l’objet de sanction pour avoir livré en bonne foi des informations sur des comportements illégaux … ». La Charte des journalistes du Sénégal précise clairement que « le citoyen sénégalais a droit à une information exacte, pluraliste et impartiale ».

Membre de CENEZO, une organisation qui regroupe plus de 60 journalistes d’investigation d’Afrique de l’Ouest, Pape ALE NIANG est un journaliste chevronné qui a permis de rendre public de nombreuses affaires de corruption, qui touchent le régime en place, publiant régulièrement des enquêtes fouillées et documentées sur des actes de malversations. Son professionnalisme, sa volonté de contribuer à la construction démocratique de son pays et à l’éveil des consciences lui ont permis, de forger une solide réputation dans l’espace public et médiatique sénégalais et de bénéficier de la confiance de l’immense majorité de ses confrères journalistes. Pape ALE NIANG a été arrêté alors qu’il travaillait sur un dossier sensible de nature à éclabousser le régime en place. Son arrestation vise à le réduire au silence, et à limiter le droit du peuple sénégalais à être informé. Nous tenons à vous alerter car nous sommes extrêmement inquiets : la santé du journaliste, qui souffre de difficultés respiratoires aigües, s’est gravement détériorée du fait de la torture psychologique, des conditions inhumaines d’incarcération et de la grève de faim qu’il a entamé. Sa situation est critique, et sa vie actuellement en danger.

Son interpellation s’inscrit dans un contexte inédit de multiplication des actes de répression par le pouvoir, d’arrestations arbitraires, d’activistes, de journalistes, ou de militants de droits de l’homme au Sénégal. Des dizaines de sénégalais (parfois des mineurs) arrêtés de manière totalement arbitraire, sans aucune base légale, croupissent en prison ; le journaliste, Adama GAYE, connu dans le monde, qui a sillonné l’Afrique et œuvré inlassablement pour la liberté et la démocratie a été arrêté, emprisonné et contraint à l’exil pour avoir dénoncé entre autres, la mauvaise gestion du pétrole et du gaz.

En mars 2021, 14 citoyens sénégalais ont été tués lors de manifestations pacifiques. Le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA) avait délibérément suspendu le signal d’une chaine de télévision « Sen TV » durant 72 heures au motif qu’elle avait assuré la diffusion d’images de manifestations. 

Pour la seule journée du 05 mars 2022, et durant de nombreuses heures, des coupures internet ont été recensées à l’échelle nationale, entravant l’activité des journalistes de communiquer, d’obtenir des informations et de relater les évènements. Le 05 novembre 2022, des agents de la police nationale ont exercé des violences physiques à l’encontre de Fatou Dione, vidéaste du site d’informations « Buur News », qui assurait la couverture médiatique d’une manifestation interdite par le préfet dans le centre-ville de Dakar. Ces méthodes archaïques ne font pas honneur au Sénégal, dont le régime se targue de rappeler régulièrement son attachement à la liberté de la presse.

Lors d’une visite au Sénégal le 28 octobre 2022, la Secrétaire Générale d’Amnesty International a dénoncé les multiples atteintes à la liberté de manifester, l’usage excessif de la force par les forces de défense et de sécurité et l’inaction de la justice et les menaces contre la liberté d’expression. 

La liberté de la presse est une liberté fondamentale consacrée par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du Citoyen de 1789 et l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. La liberté d’expression ne peut être restreinte pour des raisons d’ordre public ou de sécurité nationale, à moins qu’il n’existe un risque réel de menace imminente d’un intérêt légitime et un lien causal direct entre la menace et l’expression. La multiplication des atteintes à la liberté de la presse rétrécit le champ démocratique et constitue une source d’inquiétude et une préoccupation majeure pour les acteurs de la société civile et les citoyens sénégalais. 

Considérant que les journalistes sénégalais sont exposés et font actuellement l’objet d’un nombre croissant de menaces, d’agressions physiques et de risque d’assassinats en raison de leur travail, notamment lorsque celui-ci porte sur l’abus de pouvoir, la corruption, les malversations, les violations des droits fondamentaux et les activités criminelles; nous souhaitons, l’adoption par le parlement européen d’une résolution d’urgence sur la situation au Sénégal liée à la détérioration des droits de l’homme dont le symbole manifeste est l’emprisonnement du journaliste PAPE ALE NIANG. Cette résolution doit permettre d’attirer l’attention de la communauté internationale sur la situation qui prévaut au Sénégal et pousser les autorités sénégalaises à libérer immédiatement et sans conditions le journaliste Pape ALE NIANG dont le métier, qui est de permettre l’accès au droit à l’information au public, a été entravé et de tous les détenus (plus de 15) emprisonnés pour « délit d’opinion ». 

Ladite résolution doit également enjoindre l’Etat du Sénégal à se conformer aux textes et standards internationaux, et à prendre des mesures d’urgence pour abroger les dispositions liberticides du code pénal et du code de procédure pénale portant sur les délits de presse, la diffusion de fausses nouvelles, l’injure et le délit d’offense au Chef de L’Etat, et mettre fin aux attaques, intimidations et harcèlements judicaires intempestifs contre les journalistes.

Vous remerciant par avance de l’attention que vous porterez aux préoccupations exprimées dans le présent mémorandum, et des actions que vous pourriez mener pour contribuer très rapidement à la libération du journaliste, Pape ALE NIANG, nous vous faisons part de notre disponibilité à vous fournir toute information complémentaire de nature à éclairer votre jugement sur la situation au Sénégal.

Nous vous prions de croire, Mesdames et Messieurs les Députés, en l’assurance de notre très haute considération. Paris, le 26 décembre 2022

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