Le khalife général de Pire, grand témoin de l’histoire contemporaine de notre pays, livre, dans l’entretien qu’il nous a accordé, un témoignage de son compagnonnage avec les présidents Léopold Sédar Senghor et Abdou Diouf et donne son avis sur l’évolution de l’Islam au Sénégal, sur l’image dégradée de cette religion en Occident. De même, Serigne Moustapha Cissé dénonce la situation des enfants de la rue et la mendicité des talibés, un phénomène qui ternit l’image du Sénégal et dont tous les Sénégalais devraient s’engager pour trouver des solutions idoines. L’héritier des érudits de Djamal parle aussi de la résistance pacifique des marabouts face à l’envahisseur occidental et leur rôle dans la libération de notre pays. Il salue l’organisation par le président de la République de la 3e édition du Fesman, car, dit-il, il faudrait que les résultats des précédentes éditions ne tombent pas dans l’oubli. Mieux, dira-t-il, les Nègres sont aujourd’hui plus conscients de la nécessité d’affirmer leur identité et de constituer une entité qui influe dans la marche positive de l’Humanité.
Pire, jeudi 30 décembre 2010. Le Khalife de Tafsir Abdou Birane Cissé, pas très en forme, n’a accepté de recevoir en audience à son domicile qu’Amadou Louise Sano, ministre d’Etat auprès du nouveau chef d’Etat guinéen, Alpha Condé, chargé des relations avec les pays du Golfe, et votre serviteur. Nous étions à la veille de la clôture du Fesman, et dix jours après la célébration du 9e anniversaire de la mort du président Senghor. Nous avons pris l’initiative de rendre visite à un serviteur de l’Etat, l’ancien ambassadeur du Sénégal en Arabie Saoudite, le responsable moral de la Fraternité musulmane de Pire, ancien Conseiller spécial successivement des présidents Senghor et Diouf pour le monde arabe. Si la délégation guinéenne est reçue dans le salon du guide religieux, votre serviteur a eu l’honneur de s’entretenir avec le Khalife sur différents sujets qui interpellent le public sénégalais et international dans sa chambre à coucher.
Wal Fadjri : Le jour où le président Senghor a présenté sa démission au président de la Cour suprême du Sénégal, vous étiez juste derrière lui. Est-ce Senghor qui tenait à ce que vous soyez à ses côtés ?
Serigne Moustapha Cissé : Oui, il tenait à ce que je sois là. Je me souviens que le 15 septembre 1980, Senghor effectuait sa dernière visite dans le monde arabe. C’était aux Emirats Arabes Unis, à Abu Dhabi. Un beau matin, je lis un article dans Le Monde qui disait que Senghor allait quitter le pouvoir au début de l’année 1981. Je suis donc allé le voir. Il me dit : ‘Assieds toi, je veux te parler parce que tu es un collaborateur loyal, ton père est un ami, tu es mon neveu…’. Alors, il me dit : ’Oui, je quitterai en 1981. Je n’ai jamais voulu rester longtemps au pouvoir. Je voulais justement faire un mandat et laisser le pouvoir à Mamadou Dia, mais malheureusement, ce qui s’est passé, s’est passé, et je suis encore là. Maintenant, je voudrais me retirer pour m’occuper de mes œuvres littéraires. Je vais préparer Abdou Diouf. Il est compétent et apte à diriger le pays’. Je lui ai rétorqué : ‘Mais Monsieur le Président, comme vous avez un Premier ministre en qui vous avez confiance, ne pourriez-vous pas alléger vos charges au niveau de l’Etat en sa faveur et continuer à vous occuper de vos œuvres littéraires’. Après un temps de réflexion, le président Senghor me répondit : ‘Non, je suis vieux. Et j’oublie beaucoup mes dossiers et les noms des personnes. Ça, c’est dangereux pour un chef d’Etat’.
A partir de ce moment, il m’a demandé de lui préparer des rencontres avec les chefs religieux à qui il voulait dire au revoir. Le premier chef religieux à qui il a rendu visite était le Cheikh El Hadji Abdoul Aziz Sy à Tivaouane. Le Cheikh lui a dit : ‘Senghor, c’est vrai que tu vas partir ?’. Il lui répondit en wolof : ‘Oui, Cheikh, je vais partir parce que ‘Nguur kenn du ko ñëdd’, ce qui veut dire en français : ‘Le pouvoir ne se grignote pas’. Et à partir de là, il a tenu à ce que je sois à ses côtés dans tous les actes qu’il poserait avant son départ. Et de Tivaouane à Dakar, nous avons parlé de beaucoup de choses alors que nous étions dans sa voiture. Je me rappelle que quand on a quitté Ndiassane et Tivaouane (Ndlr, deux villes religieuses, capitales des confréries khadria et tidjania), le président Senghor me disait : ‘Est-ce que tu sais qu’autrefois, sur le parcours Ndiassane-Bargny, tout le monde parlait sérère ?’ (sa langue maternelle, Ndlr). Je lui ai répondu : ‘Non, je ne sais pas, mais je constate que les populations qui habitent dans cette zone, parlent le wolof avec un accent’. Il me rétorqua qu’elles parlaient toutes sérère avant. Senghor était très attaché à la culture et à chaque fois qu’il vous parlait, il parlait de la culture.
En parlant de culture, Senghor a organisé en 1966 le premier Festival mondial des arts nègres (Fesman), le deuxième a eu lieu à Lagos en 1977. Etait-il opportun, selon vous, d’organiser une troisième édition à Dakar ?
Le premier Fesman de 1966 a été un succès éclatant. Je crois qu’il était utile de le tenir parce qu’il a permis aux Nègres du monde entier de se retrouver et de mieux se connaître, en montrant leur identité, leur vraie identité qui a été entachée pendant longtemps par des actes coloniaux. Je pense que c’était quelque chose d’extrêmement important. Par la suite, il y a eu le deuxième festival à Lagos et on est resté plusieurs années avant l’organisation de celui de Dakar qui se tient grâce à l’initiative du président Wade. Après Dakar et Lagos, il était également utile de tenir un autre festival pour que les résultats du premier et du deuxième ne tombent pas dans l’oubli. Il était aussi important que les Nègres puissent se retrouver encore, car ils sont aujourd’hui plus que jamais conscients de la nécessité de se retrouver pour affirmer leur identité devant le monde entier. C’est toujours important de montrer son identité, de s’affirmer en tant qu’êtres humains et de constituer une entité qui peut apporter beaucoup de choses à l’évolution du monde.
Vous êtes une personnalité islamique reconnue et pourtant, Senghor a fait appel à vous pour travailler à ses côtés. Quels ont été les liens que vous aviez avec le poète-président ?
Tout d’abord, Senghor était un grand ami à mon père. Il avait l’habitude de me dire que mon père fait partie de ses meilleurs amis, car il est un des rares chefs religieux qui ne lui écrivaient jamais pour demander de l’argent ou un véhicule. Ils avaient des relations extraordinaires. J’ai trouvé dans les papiers de mon père une lettre manuscrite que Senghor lui avait adressée depuis le Palais Bourbon pour le remercier du soutien qu’il lui avait apporté à l’occasion des élections législatives de 1956. Dans la même lettre, il a même fait signer Mamadou Dia. C’est vrai que Mamadou Dia était son colistier à l’époque. Cela veut dire que de fortes relations unissaient mon père au président Senghor. Ce dernier a fait appel à moi à la diplomatie, en me nommant d’abord conseiller d’ambassade en Arabie Saoudite, ensuite ambassadeur dans ce pays. Et durant tout le temps où il est resté au pouvoir, j’étais son ambassadeur et en même temps son conseiller spécial en charge du monde arabo-islamique. Par la suite, nous avons eu d’autres liens, car j’avais épousé sa nièce. Et à chaque fois qu’il me présentait aux chefs d’Etat étrangers, il disait : ‘Moustapha Cissé est mon neveu, son père est un grand ami et un grand chef religieux. Cela prouve qu’au Sénégal, nous avons transcendé ces problèmes religieux. Au Sénégal, nous avons une bonne entente entre musulmans et chrétiens. Dans certaines familles sénégalaises, on trouve aussi bien des chrétiens que des musulmans.’
Vous avez travaillé avec Abdou Diouf. Pourquoi ce dernier vous a-t-il maintenu après le départ de Senghor ?
C’est Senghor qui m’a mis en rapport avec Abdou Diouf. Je peux dire que du temps de Senghor, Abdou Diouf était aussi un frère et un ami. Il me donnait souvent des conseils. A titre d’exemple, une fois, le président Senghor m’a appelé pour me confier une mission auprès du Roi Hassan II du Maroc, du président Bourguiba de la Tunisie, du président Boumediène de l’Algérie et du Colonel Kadhafi de la Libye. Je suis allé voir Abdou Diouf pour lui dire : ‘Monsieur le Premier ministre, je suis un peu dans l’embarras parce que le président, s’il m’envoie dans les pays du Moyen-Orient, cela peut se comprendre parce que c’est lointain et ils ne parlent pas français, mais les pays du Maghreb sont tout près de nous et ils parlent tous français. Et je vois qu’il y a des ambassadeurs comme moi dans ces pays. Comment mes collègues me verront-ils venir dans leur juridiction effectuer une mission ?’. Et Abdou Diouf me dit : ‘J’espère que tu ne lui as rien dit.’ Je lui ai répondu que non. Et il me dit : ‘C’est bien. Ne lui dis rien. Si tu lui disais quelque chose, c’est comme si tu voulais lui apprendre son travail’. Il renchérit : ‘Je voulais te dire une chose Moustapha : ‘Entre toi et Senghor, c’est la confiance. C’est la confiance totale et définitive’. Tout ce qu’il te demande de faire, fais-le sans rechigner’. Cela veut dire que Diouf m’a toujours prodigué des conseils.
Après le départ de Senghor, il m’a appelé en me disant : ‘Ce n’est pas la peine que je vous dise que j’ai la même confiance que celle que Senghor avait en vous. Je vous reconduis comme conseiller spécial et tout ce que je souhaite, c’est que tu sois auprès de moi dans le gouvernement’. Abdou Diouf a voulu faire de moi un ministre, mais vous savez, en tant que musulman, nous croyons en Dieu. Il avait essayé de me mettre dans le gouvernement. Finalement, il a dit que ‘Moustapha, le poste qu’il occupe est plus important qu’un poste ministériel parce qu’il accomplit des missions importantes à travers le monde arabe’. Un jour d’ailleurs, le marabout Cheikh Ahmed Tidjane Sy qui, comme vous le savez, est mon guide spirituel, m’a dit qu’il avait demandé au président Abdou Diouf de me nommer ministre en charge de l’Oci (Ndlr, Organisation de la conférence islamique) et des relations avec le monde arabe. Abdou Diouf lui a répété la même chose : ‘Moustapha, le poste qu’il occupe, est plus important qu’un portefeuille ministériel’. J’ai dit à Cheikh Ahmed Tidjane Sy : ‘Moi-même, je ne veux pas être ministre car quand on est ministre, on est un peu limité. On est toujours derrière le Premier ministre qui vous dit ce qu’il faut faire : ‘Lève-toi, fais ceci, fais cela’, or là où je me trouve, j’ai les mains libres. Je pense que je sers mieux le Sénégal où je suis’. Avec Abdou Diouf, j’ai donc eu des relations amicales et fraternelles.
Des musulmans commettent au nom de leur religion des attentats ici et là. Est-ce cet Islam qui a été enseigné au Sénégal, pays dirigé par un catholique, Senghor ?
Non pas du tout ! L’Islam que nous appliquons au Sénégal est cet Islam que le Prophète (Paix et Salut sur Lui) nous a laissé et qu’il avait transmis à toute la Oumma islamique. En quittant le monde, le Prophète avait dit : ‘Taraktou fikoum ma in tamassaktoum bihi lan taa di lou : kitab’Allahi wa sounnati’, c’est-à-dire : ‘Je quitte ce monde en vous laissant deux éléments importants qui ne vous laisseront pas vous perdre si vous y tenez : ce sont le Coran et ma Sounna’. Autrement dit, ces extrémistes qui disent agir au nom de l’Islam en faisant des attaques sont des gens qui utilisent l’Islam uniquement comme leur cheval de bataille politique. Je voudrais dire plus exactement que ce qu’ils font, n’a rien à voir avec l’Islam. Comme vous le savez, l’Islam est une religion de paix et de cohabitation pacifique. Le Prophète (Psl), quand il a reçu la révélation à La Mecque et qu’il a commencé à prêcher, il y avait dans la péninsule arabique des chrétiens et des juifs. Il ne leur a pas demandé de laisser leur religion. Au contraire, quand il est allé à Médine, il a eu des entretiens fraternels et amicaux avec les chrétiens, juifs, etc. Le moment venu, il a permis aux chrétiens de célébrer la messe dans sa mosquée. Cela prouve que le dialogue ne date pas d’aujourd’hui. Le dialogue interreligieux, c’est l’Islam qui l’a d’abord prôné avec le Prophète Mouhammad (Psl) et ces chrétiens-là à Médine. Il voulait ainsi montrer que le Christianisme, l’Islam sont tous deux des religions révélées et que nous les musulmans, nous reconnaissons Jésus-Christ (Psl) comme prophète de Dieu. Tout ce qui se passe maintenant dans certains pays où des extrémistes se livrent au vandalisme ou provoquent les gens par la pratique de la violence, je voudrais dire que ces gens-là, n’agissent pas au nom de l’Islam.
‘Nous sommes 95 % de musulmans et nous n’avons jamais fait jouer la loi du nombre. Par conséquent, le Sénégal donne un exemple patent au monde en ce qui concerne la tolérance et le caractère humain de l’Islam’
L’Islam a été agressé au Sénégal par le colon blanc. La grande bibliothèque de Pire a été incendiée. Malgré tout, Ahmed Bamba, Hadj Malick et les autres ont continué à enseigner la paix et une résistance culturelle pacifique. Pouvez-vous nous parler du rôle de ces marabouts dans la libération nationale ?
Nos ancêtres ont joué un rôle historique en tant que dirigeants musulmans. Ils avaient subi beaucoup d’agressions de la part des Occidentaux, une forte agression culturelle. Pourtant, ils n’ont pas réagi en prenant des armes pour combattre le colonialisme. Ils se sont basés sur leur foi, le Coran et les enseignements du Prophète. Et les Blancs se sont rendu compte que nos guides religieux étaient invincibles parce qu’ils s’accrochaient à une foi inébranlable. C’est le cas de Cheikh Ahmed Bamba qui a été déporté au Gabon. C’est le cas de El Hadji Malick Sy qui, par sa plume et son enseignement, a résisté au colonialisme. C’est cette même méthode que d’autres ont appliquée jusqu’à ce que l’Islam soit sauvé. Et nous avons au Sénégal un exemple extraordinaire en ce qui concerne la tolérance de l’Islam. En effet, depuis l’indépendance jusqu’en 1980, le pays a été dirigé par un chrétien. De 1980 à l’an 2000, il a été dirigé par un président musulman dont la femme est chrétienne. Cela veut dire qu’ici, au Sénégal, les chrétiens qui sont extrêmement minoritaires, n’ont jamais subi d’agression de la part des musulmans. Nous sommes 95 % de musulmans et nous n’avons jamais fait jouer la loi du nombre. Par conséquent, le Sénégal donne un exemple patent au monde en ce qui concerne la tolérance et le caractère humain de l’Islam.
Quel regard portez-vous sur l’évolution de l’Islam au Sénégal ?
L’Islam jouit d’une bonne situation au Sénégal. C’est une religion qui marche à grands pas. Et grâce aux confréries, il n’y a pas d’extrémisme au Sénégal. Il y a eu, certes, des tentatives de créer des mouvements islamistes, mais cela n’a pas réussi. D’un autre côté, il y a aussi un Islam folklorique. Il est donc nécessaire de mieux enseigner et de mieux connaître la religion pour ne pas faire des confusions. Les confréries ne sont pas là pour nous diviser, mais plutôt pour nous unir. Les grands érudits que nous avons connus et qui ont mis ces confréries en place, essayaient de rapprocher les musulmans les uns les autres, en les mettant sur la bonne voie, la voie de la solidarité, de la fraternité et de la coopération entre musulmans.
Coopération, solidarité, fraternité, avez-vous dit. Pourtant, notre pays est critiqué par rapport à la situation dégradante des talibés. En tant que responsable moral de l’Islam au Sénégal, vous êtes aussi interpellé…
Vous avez parfaitement raison, la situation des talibés et la mendicité en général nous posent un grand problème. Un problème auquel on n’a pas encore trouvé une solution adéquate. L’Islam est contre la mendicité qui se pratiquait autrefois chez nous en tant qu’élément culturel qui contribuait à la formation de l’homme. On visait, à travers la mendicité, l’apprentissage des vertus de la modestie et de la simplicité au petit enfant. Aujourd’hui, la mendicité est devenue un système d’exploitation. Les marabouts ou les enseignants du Coran qui envoient les enfants dans la rue, les exploitent. On exploite ainsi l’enfant pour qu’il amène de l’argent aux marabouts et parmi ces derniers, beaucoup ne prodiguent pas un enseignement adéquat aux enfants dont ils ont la charge d’inculquer le savoir. C’est pourquoi, le gouvernement et les chefs religieux doivent prendre toutes les dispositions nécessaires pour combattre ce phénomène qui est en train de ternir notre image de marque. Je sais qu’il y a beaucoup de visiteurs ou de touristes qui hésitent à venir au Sénégal à cause de la mendicité.
‘L’Islam est contre la mendicité qui se pratiquait autrefois chez nous en tant qu’élément culturel qui contribuait à la formation de l’homme. On visait, à travers la mendicité, l’apprentissage des vertus de la modestie et de la simplicité au petit enfant. Aujourd’hui, la mendicité est devenue un système d’exploitation’
Pourtant, le président Wade ou du moins son Premier ministre avait pris des mesures d’interdiction de la mendicité au Sénégal. Mais tout dernièrement, le président a déclaré au Forum de la renaissance qu’il ne peut pas faire la guerre aux marabouts. Que pouvez-vous lui conseiller ?
J’étais à l’extérieur quand il y a eu ce débat sur l’interdiction de la mendicité. J’ai appris que c’était le Premier ministre qui avait pris l’initiative. Il fallait consulter les chefs religieux, car ces derniers sont également contre ce phénomène des talibés qui errent dans la rue. On avance même que la plupart de ces enfants de la rue ne seraient pas des Sénégalais et qu’ils viendraient de certains pays limitrophes. C’est donc de l’exploitation qu’il faut combattre. Il nous faudrait, peut-être, organiser des Assises spéciales consacrées à l’étude du problème de la mendicité et essayer de créer des écoles coraniques bien organisées et bien entretenues pour que les enfants ne soient plus exploités par des marabouts. Le président de la République a pris l’initiative de créer des daaras modernes. Il y en aura même ici à Pire. Dans ces daaras modernes, il est prévu l’enseignement aussi bien du Coran que du français et il y aura également de la formation professionnelle pour que le talibé qui en sort, puisse contribuer à la vie productive pour son bien personnel et pour le bien de sa communauté. Mais le phénomène des talibés est une question récurrente qu’il faut absolument combattre. Et pour trouver des solutions, nous avons besoin de la conjugaison de tous les efforts, celui des marabouts, du gouvernement et des populations.
Etes-vous prêt personnellement à apporter votre concours ?
Je suis prêt, absolument, à apporter mon concours. Je vous signale que le Mouvement des jeunes de la fraternité musulmane de Pire a déjà tenu un atelier consacré à ce phénomène. On aurait pu créer un fonds national avec une contribution modeste de 500 à 1 000 F Cfa, par an. Cela ferait des milliards pour faire face à ces écoles éparpillées à travers le Sénégal et combattre le phénomène de la mendicité. La responsabilité de combattre ce phénomène nous incombe à nous tous’.
La Fraternité musulmane peut-elle permettre de donner une meilleure image de l’Islam et servir de pont entre le Sénégal et le reste du monde ?
Je voudrais d’abord vous féliciter, Gorgui, pour le travail important que vous êtes en train d’accomplir depuis Genève pour faire connaître le Sénégal et l’Afrique et également pour présenter l’Islam dans son vrai message, au moment où les extrémistes sont en train de salir notre religion et au moment où une certaine presse en Occident se montre contre l’Islam, en publiant des articles agressifs sur cette religion qui, pourtant, est une religion de paix, de justice sociale, de cohabitation pacifique et de tolérance. L’Islam, comme vous le savez, est contre la violence sous toutes ses formes, que cela soit une violence physique, verbale ou une violence provocatrice.
La Fraternité musulmane de Pire a été créée pour rassembler tous les musulmans sans distinction de confrérie, secte ou ethnie. C’est ce qui fait que nous avons au sein de la Fraternité des membres issus de plusieurs confréries religieuses. Dans son programme de développement, il y a la formation des jeunes, l’enseignement, des projets économiques et sociaux pour permettre aux jeunes d’utiliser leur capacité au sein de ces projets. C’est pourquoi, le bon travail qui est fait à ce niveau pourrait faire tache d’huile.
Je suis, pour ma part, un ancien ambassadeur à la retraite. Le président Wade fait appel de temps en temps à moi. Quand il a eu l’idée d’organiser une conférence internationale sur le dialogue islamo-chrétien, il m’a envoyé une lettre pour demander mon avis. Je lui ai répondu et nous avons créé un noyau, en plus de la présidence, pour travailler sur ce projet. Un an après, nous avons organisé à Dakar un atelier consacré au dialogue islamo-chrétien. Il y a eu beaucoup de participants venus d’Europe, d’Afrique, etc. Le président a fait aussi appel à moi pour solliciter mon avis sur tel ou tel autre problème. Personnellement, je travaille pour la Fraternité musulmane de Pire dont je suis le responsable moral, et je rends visite aux diwaans ou sections. J’avais donc pensé réunir les jeunes qui sont les fers de lance de la Fraternité. Ils sont très dynamiques et très actifs. Parfois, ils prennent des initiatives heureuses pour que nous puissions avancer.
Quel vœu formulez-vous pour votre pays ?
En ce qui concerne le Sénégal, tout ce que je souhaite, c’est qu’il y ait la paix, la concorde et la stabilité. Sur le plan politique, les leaders politiques font souvent des déclarations incendiaires qui ne font pas appel à l’unité et qui, au contraire, appellent au déchirement et cela ne nous fait pas avancer. Il faudrait donc que les responsables politiques sachent que la chose publique ne leur appartient pas et cela appartient à tous les Sénégalais. Je souhaite qu’il y ait un dialogue entre les dirigeants politiques et l’entente parce que nous tous, nous œuvrons pour un Sénégal meilleur.
Propos recueillis à Pire par El Hadji Gorgui Wade NDOYE (ContinentPremier.Com)
walf.sn