Autant le Parti socialiste condamne l’usage de gaz lacrymogène contre ses élus locaux en conflit avec le ministre du Renouveau urbain, autant il dissuade Khalifa Sall et compagnie d’aller vers une confrontation.
Le Parti socialiste (Ps) est dans un dilemme cornélien dans le conflit qui oppose ses élus locaux de la ville de Dakar et le pouvoir central.
Ces deux entités, depuis l’avènement de la deuxième alternance, se disputent la réhabilitation et l’embellissement de la Place de l’indépendance. Déjà sur les lieux, c’est une véritable guerre des affiches qui s’est ouverte en premier lieu. Celle-ci, quelques mois plus tard, a débouché sur une escalade de violence verbale et même physique puisque récemment, les maires des communes de Dakar qui protestaient sur la même place contre ce qu’ils considèrent comme un accaparement par l’Etat du projet d’embellissement de la Place de l’indépendance, ont été tout simplement dispersés à coup de grenades lacrymogènes. Après avoir décidé de rendre désormais coup pour coup, Khalifa Sall a appelé aujourd’hui l’ensemble des militants et sympathisants socialistes à un vaste rassemblement à l’hôtel de ville pour dénoncer une telle situation. Mais le Secrétariat exécutif national (SEN) du Ps, qui s’est d’ailleurs réuni hier, ne semble pas être sur la même longueur d’onde.
En interne, Ousmane Tanor Dieng, Secrétaire général dudit parti et ses camarades, ont certes condamné l’usage de grenades lacrymogènes sur leurs élus, mais, ils n’ont pas manqué de dissuader ces derniers d’engager la confrontation. Selon eux, la vertu du dialogue peut permettre de dépassionner le débat et d’arriver à un compromis. ‘’Nous recommandons l’arrêt de l’escalade verbale parce que la scène qui s’est produite à la place de l’Indépendance est inadmissible. Il n’est pas de bon procédé que l’on jette des gaz lacrymogènes sur des élus. Cependant, autant on en condamne l’usage sur des élus, autant on condamne le bras de fer’’, a déclaré le porte-parole du Ps, hier, à la fin de la réunion du SEN.
Selon Abdoulaye Wilane, le Sg du Ps a toujours recommandé le dialogue entre les maires de la capitale et l’Etat. ‘’Dans tous les pays, le chef de l’Etat doit pouvoir dialoguer avec le maire de la capitale. On a l’impression que quelque chose n’a pas abouti. C’est pourquoi Ousmane Tanor Dieng, à la demande de tout le SEN, a décidé de s’investir’’. A la question de savoir si le Ps soutient Khalifa Sall dans sa mobilisation d’aujourd’hui, le porte-parole du Ps répondra : ‘’Nous ne pouvons pas nous investir pour trouver une bonne issue et exhorter en même temps la confrontation.’’
Ousmane Tanor Dieng et ses camarades du SEN pensent ainsi que ce qui s’est passé à la Place de l’Indépendance n’est ni une bonne démarche ni une bonne méthode parce que ça n’honore pas la classe politique et c’est dangereux. C’est pourquoi ‘’il a donné de sages conseils, lesquels ont été entendus par les élus socialistes et les responsables de la région de Dakar qui ont pris bonne note et ont trouvé que cette démarche est la meilleure.
‘’Ce qui s’est passé à la place de l’indépendance est vilain’’
Pour le SEN du Ps, dans le conflit qui oppose la ville de Dakar au ministère du Renouveau urbain, il est question d’avoir un consensus ou un compromis. ‘’La Ville de Dakar a un projet de 5 milliards et l’Etat un projet de 300 millions. Ce qui aurait été incongru, c’est de dire : non, nous, on met nos 300 millions et vous, vous ne mettez pas vos 5 milliards’’, soutient le maire de Kaffrine. Qui poursuit : ‘’Si le ministère du Renouveau envisage dans le court terme, dans l’urgence, d’embellir la Place de l’indépendance, d’y investir 300 millions sans préjudice, sans empêcher à la ville de Dakar demain d’y faire un investissement structurant de 5 milliards, personne ne doit refuser cela. Le bon sens et la bonne volonté auraient voulu que les gens se parlent sans arrière-pensée.’’ Et ‘’c’est pourquoi nous pensons que l’investissement du Sg du parti pourra aider à cela’’.
Toujours, selon les camarades d’Ousmane Tanor Dieng, ce qui s’est passé à la place de l’indépendance est ‘’vilain’’. Car, ‘’ce n’est pas normal de jeter des gaz lacrymogènes sur des personnes simples, à plus forte raison sur des élus’’. Pis, ‘’notre pays et les citoyens de Dakar ne méritent pas cette image-là. C’est pourquoi nous pensons qu’il faut savoir raison garder. Il ne sert à rien de dramatiser outre mesure’’. Tout en précisant que ‘’personne d’entre les responsables socialistes n’a condamné les maires de Dakar’’, Abdoulaye Wilane souligne que ‘’ce que le Ps regrette, c’est qu’on en arrive à cette situation, étant donné qu’il y avait déjà une médiation initiée et entamée par le ministre de l’Intérieur’’. Pour eux, même si ‘’les élus ne doivent pas être des gens qui se comportent comme de vulgaires chiffonniers’’, ‘’l’Etat ne doit pas faire usage de grenades lacrymogènes sur des élus. ‘’Nous sommes particulièrement choqués qu’on jette des gaz lacrymogènes sur des élus. Nous déconseillons la confrontation. Personne ne doit être poussé à l’erreur, ni l’Etat ni les élus ; Nous recommandons la lucidité et la sagesse’’, déclare-t-il.
Les socialistes se sont par ailleurs penchés sur l’affaire Karim Wade et sur la caricature du fondateur du Mouridisme, Cheikh Ahmadou Bamba, par Jeune Afrique. Sur l’affaire Karim Wade, ils ont estimé qu’elle relève d’ores et déjà de l’autorité de la chose jugée. Pour ce qui est de la caricature du fondateur du Mouridisme, ils se sont joints à cette vague d’indignation qu’a suscitée cette affaire et ont appelé à un respect de la croyance des citoyens.
ATTAQUES CONTRE OUSMANE TANOR DIENG
Le SEN du Ps en guerre contre les comités de soutien
La lancinante question de la candidature du parti à la prochaine élection présidentielle s’est encore invitée hier à la réunion du Secrétariat exécutif du Parti socialiste. Une occasion pour certains militants socialistes de déplorer ‘’les sorties médiatiques de certains responsables qui s’attaquent au Sg’’. ‘’A la suite de l’intervention intempestive et souvent gratuite sur fond de mensonge et d’affabulations, des camarades ont indiqué qu’il ne faut plus tolérer certaines sorties médiatiques’’, a fait savoir Abdoulaye Wilane, selon qui, ‘’une commission de conciliation et de facilitation a été mise en place tout comme une disposition a été prise’’.
Cela, dans le but d’arrondir les angles et de montrer à la face du monde qu’au Ps, ce qu’on présente comme des divergences ne viennent pas des instances du parti. Ce sont des gens en dehors du parti qui disent à un tel ou tel : présentez-vous, si vous êtes candidat, on vote pour vous’’. Mais pour Abdoulaye Wilane, ‘’désormais il n’est plus question d’accepter que des gens en dehors du Ps, qui ne voteront même pas pour lui, divisent le parti’’. ‘’Le SEN a dit qu’il faut mettre un terme à cela. Il est inadmissible et inacceptable qu’au lieu de contribuer à animer et à vivifier les instances du parti, qu’on se mette à créer des comités de soutien ou des cellules’’, fulmine le maire de Kaffrine.
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