La mobilisation a sonné face à l’assaut de certains privilégiés sur le domaine public maritime malgré la loi qui protège ce domaine. L’architecte Pierre Goudiaby Atépa et l’association Sos Littoral appellent à un grand sit-in, dimanche prochain, au Virage pour dénoncer la construction sur les lieux d’un édifice qui risque de priver les populations de plage.
Cri de ras-le-bol de Pierre Goudiaby Atépa. Face à une construction sur le littoral, à hauteur de la plage communément appelée Virage, d’un édifice qui va priver les populations de plage et le voisinage de vue sur la mer, l’architecte sonne la mobilisation pour l’arrêt immédiat des travaux et la sauvegarde pour les générations futures du domaine public maritime. ‘Il faut que les populations demandent qu’on arrête le massacre du littoral. Avec les constructions anarchiques, il n’y a plus de vue sur la mer alors qu’on a le droit de regarder l’océan Atlantique. Des privilégiés ont acheté ces espaces et la population n’a plus le droit d’avoir une plage’, s’indigne Atépa. Qui en collaboration avec l’association Sos littoral, dirigée par le cinéaste Mansour Sora Wade, compte organiser dimanche prochain un sit-in sur le lieu de construction pour protester contre l’érection d’un édifice sur le domaine public maritime qui risque de priver les populations de la plage.
Ayant déjà saisi les autorités à ce propos, l’architecte s’est aperçu que l’homme d’affaires libanais qui y érige cette construction, dispose d’un permis de construire. Chose qu’il trouve aberrante puisque la loi sur le domaine public maritime souligne qu’au-delà de 100 m de la marrée haute, on ne peut délivrer de permis de construire, encore moins donner un titre foncier. ‘Il faut sauvegarder l’espace public face à l’assaut des affairistes qui y construisent pour le revendre à coût de milliards de francs Cfa’, s’indigne-t-il.
Pour Mansour Sora Wade, cette situation n’est pas connue du président de la République. ‘Si le président était au courant de cette situation, il aurait fait arrêter les travaux, comme il l’a déjà demandé en d’autres lieux. Il faut que les gens qui délivrent ces titres fonciers et permis de construire sur le littoral pensent aux populations’, souligne-t-il. Avant de poursuivre : ‘Dakar est le nez de l’Afrique et du Sénégal. Et personne ne doit l’empêcher de respirer. En plus, le littoral est la première et la dernière chose que les visiteurs du pays voient. Donc, il doit être beau et donner envie de revenir au Sénégal pour les touristes qui visitent notre pays’. Raison pour laquelle, ils comptent manifester leur colère dimanche prochain par un grand sit-in qui va regrouper des milliers de personnes pour dénoncer cette occupation de l’espace public. ‘Nous allons dénoncer cette construction partout où ce sera possible et nous appelons les populations à venir défendre cette cause. Parce que nous devons penser aux générations futures’, ajoute Pierre Goudiaby Atépa.
Sur les lieux, la situation est plus que préoccupante. La plage se rétrécit davantage à cause des constructions sauvagement disposées tout au long de cette partie du littoral. Ces constructions anarchiques offrent un triste décor à côté de l’hôtel implanté aux pieds de la mer. Dans les alentours, de jeunes baigneurs risquent leurs vies sur cette plage formellement interdite à cette activité et qui procure une brise fraiche pour les promeneurs solitaires en cette matinée où le thermomètre affiche 29° sur la presqu’île du Cap-Vert.
D’un autre côté, d’autres personnes, elles, se plongent dans des méditations profondes qui semblent les mener dans les abysses de la mer, tandis que des apprenants profitent du calme qui règne sur les lieux pour cogiter sur leur cours. Interrogés, tous voient d’un mauvais œil l’érection de nouveaux bâtiments à quelques encablures de la plage. Préférant requérir l’anonymat, cette jeune fille, rencontrée sur les lieux en train de réviser ses leçons, trouve non seulement ces constructions dangereuses pour les propriétaires à cause de l’avancée de la mer, mais également parce qu’elles constituent, à ses yeux, une menace pour l’accessibilité de la mer aux populations. ‘Du jour au lendemain, ces propriétaires qui sont de gros bonnets peuvent nous interdire de fréquenter la plage à côté de leurs propriétés’, craint-elle, avant d’ajouter : ‘Heureusement que ça (Ndlr : la mer), ils ne peuvent pas l’acheter. Elle sera toujours là pour alimenter nos cœurs’.
Gérant d’une buvette au Virage, Mor trouve anormale l’occupation anarchique du littoral. ‘Aucune construction ne devrait être érigée ici. Normalement, les automobilistes qui passent sur la route de l’aéroport et les piétons devraient pouvoir contempler toute la beauté du lieu et respirer l’air frais que distille l’océan atlantique. Donc, nous demandons aux autorités de limiter les dégâts en n’autorisant plus de construction sur ce site’, recommande-t-il. En tous cas, le décor qu’offre aujourd’hui cette partie du littoral est plus que désolant, par rapport au meilleur usage qui aurait pu en être fait pour l’intérêt public.
LE LITTORAL : Une zone très convoitée
Aujourd’hui plus que jamais, le littoral sénégalais est source de convoitise de la part des richissimes nationaux et étrangers qui n’hésitent pas à casquer fort pour faire face à l’océan l’Atlantique. Ce qui favorise le renchérissement des prix du lopin de terre sur cette bande de la presqu’île du Cap-Vert, mais qui ne profite même pas à l’Etat. En effet, une étude menée l’année dernière par l’Organisation non gouvernementale Aid Transparency international avait tiré la sonnette d’alarme sur la question. Intitulé ‘Le domaine public maritime de Dakar : élites, pouvoir et impunité’, le rapport révèle que les irrégularités commises sur le Domaine publique maritime (Dpm) au Sénégal sont dues à la négligence de l’administration souvent complice de certains manquements. Il indique que les occupants du Dpm sont principalement d’anciens présidents de l’Assemblée nationale, des sénateurs, des députés, des chefs religieux, des ministres et des hommes d’affaires français et libanais.
Des personnalités qui ont les moyens d’acheter cher, mais à qui on a distribué ces terres ‘n’importe comment au détriment des pêcheurs, des populations autochtones’, signale ce rapport d’étude de 130 pages. Ce que le responsable de l’Ong, Jacques Habib Sy, assimile à un bradage dans la mesure où, selon lui, l’Etat qui les a cédés au franc symbolique bien que pouvant en tirer plus de 600 milliards de francs Cfa.
Seyni DIOP
WALF.SN