Contribution: Migration circulaire ; miser sur la Direction de l’Emploi pour réussir le « Match » (par Moussa Seydou Diallo)

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XALIMANEWS-La migration est une donnée naturelle et un besoin humain. On doit l’accepter, l’intégrer et vivre avec. Quand bien même, la recrudescence de l’immigration irrégulière dans un contexte marqué par la pandémie de la covid-19 appelle et interpelle chacun de nous. La semaine dernière, des candidats à l’immigration irrégulière ont été débusqués par les forces de défense et de sécurité qui, depuis un certain temps restent en alerte et veillent aux aguets. Il est bien de rappeler que 183 candidats ont été interpellés à Mbour par la Marine nationale. Il y’a de cela quelques temps alors qu’ils s’apprêtaient à embarquer dans des pirogues de fortune. Le 18 septembre dernier, 73 candidats en destination de l’Espagne via une pirogue ont été interpellés par la gendarmerie de Fatick. Au courant du même mois, la Section de recherches de la gendarmerie a mis la main sur 14 personnes en préparation pour rejoindre clandestinement l’Espagne à Rufisque. Soit 270 candidats à l’immigration irrégulière interpellés dans l’espace de deux(2) mois. C’est dire que la situation est grave et que ces personnes en plus d’être décidées semblent n’avoir rien à perdre.

Avant cette recrudescence, la fin de l’année 2019 a été marquée par la tragédie survenue le, 4 décembre de cette année au large des côtes Mauritaniennes avec 62 morts. Ce qui constitue une lourde perte pour notre pays en ce sens qu’au Sénégal la population active ou la force de travail représente 58,5% de la population et près de 60% en son sein ont entre 15 et 34 ans d’après le rapport de l’ANSD de 2014. Considérant que la plupart des candidats à l’immigration irrégulière se situe dans cette tranche d’âge, c’est dire que si on laisse la situation perdurer le Sénégal va perdre sa force de travail pour ne pas dire ce qu’il a de plus cher. L’Etat a une grande part de responsabilité et doit assumer pleinement son rôle pour la résolution de cette problématique mais aussi la famille qui est le reflet de la société, par l’éducation de base.

C’est pourquoi, certaines initiatives prises par l’Etat et la volonté affirmée du Président de la République sont à saluer, même s’il reste beaucoup à faire. Il est vrai que l’Etat ne peut et ne pourra pas donner à chaque personne un travail. Encore que la problématique du travail est mondiale et partagée par tous les Etats. En revanche, on attend de l’Etat la création d’une politique efficace à défaut d’un cadre pouvant permettre l’emploi et l’employabilité des nombreux demandeurs d’emploi. Cela est bien possible dans un Sénégal qui regorge de potentialités immenses, mais en pleine mutation. En plus de cela, il y’a beaucoup de pistes non encore explorées et exploitées dans le cadre de la coopération, notamment pour ce qui est convenu d’appeler « migration circulaire ».

C’est dans ce registre qu’il faut inscrire le programme « Match » lancé en début Octobre par l’Etat du Sénégal avec ses partenaires, notamment l’OIM et l’Union Européenne. Ce projet de migration des talents Africains par le biais du renforcement des capacités et de recrutement est financé par le fonds Européen Asile, Migration et Intégration de l’Union Européenne pour un montant de deux millions (2 000 000 d’Euros). Soit plus de 1 300 000 000 F CFA pour une période de 2ans.  Son objectif est en réalité de faire face aux besoins du marché du travail de 4 États membres de l’UE à travers le développement d’une voie migratoire légale permettant à 210 migrants provenant du Nigéria et du Sénégal de venir travailler pour une période de 1-2 ans dans des entreprises belges, italiennes, luxembourgeoises ou néerlandaises. Les secteurs prioritaires, et en pénurie de main d’œuvre dans l’UE, sont les technologies de l’information et de la communication (IT), et la numérisation.

Les futurs candidats qui serviront de « cobayes » à ce projet pilote devront être sélectionnés. Mais comment, par qui avec quels moyens ? C’est des questions qu’on est en droit de se poser si l’on sait que ce n’est pas la première fois que le Sénégal lance des programmes de ce genre. En tout cas pour ce qui est de la main d’œuvre de travail à des pays européens. De tout le temps, il y’a eu des problèmes qui ont été notés, soit au début du processus, au cours de la mise en œuvre ou en fin de mise en œuvre. Le cas de l’Espagne qui avait un accord avec le Sénégal pour la fourniture de main d’œuvre dans le secteur agricole suffira comme exemple. D’ailleurs c’est d’autant plus préoccupant que jusque-là, on n’a pas encore entendu de manière officielle l’implication du Ministère de l’Emploi de la formation professionnelle et de l’artisanat, notamment la Direction de l’emploi ?

Ce serait ubuesque de penser réussir un tel projet sans l’implication du département en charge de la question de l’emploi au Sénégal. C’est elle qui devrait piloter un tel projet parce-que cela fait partie de ses attributions. Au cas contraire, elle doit être au cœur des opérations de mises en œuvre au risque de s’acheminer tout droit vers une atrophie du projet. En effet, selon les dispositions de l’article L. 223 de la Loi n° 97-17 du 1er décembre 1997 portant Code du Travail, « les services chargés de l’emploi sont, en matière de main-d’œuvre, chargés : de la réception des offres et des demandes d’emploi et de leur diffusion ;du rassemblement de la documentation permanente sur les offres et demandes d’emploi et, en général, de toutes les questions relatives à l’utilisation et à la répartition de la main-d’œuvre entre autres etc.

En outre, Aux termes de l’article 39 du décret n° 2009-1448 du 30 décembre 2009, la Direction de l’Emploi est chargée de : coordonner et suivre les questions d’emploi dans les politiques macroéconomiques et sectorielles ; traiter les offres d’emploi des entreprises étrangères et de veiller à la bonne gestion de la migration de travail ; assister les demandeurs d’emploi pour la facilitation de leur accès à l’emploi etc. C’est dire qu’on ne peut pas se tromper de porteur de projet si l’ambition est de le réussir et d’aboutir à un début de solution à la recrudescence de l’immigration « sauvage ».

Le dispositif et le portage sont très importants pour mener à bien un projet de ce genre aux enjeux multiples et cruciaux pour les pays de départ mais aussi les pays d’accueil. Il ne faudrait pas se tromper de priorité. Aussi, il est bien de rappeler que du point de vue statutaire, le Directeur de l’Emploi assure le Secrétariat permanent de plusieurs instances, entre autres : Comité national intersectoriel de suivi pour la mise en œuvre, le contrôle et l’évaluation de la Déclaration des Chefs d’Etats de l’Union africaine sur l’Emploi et la Lutte contre la Pauvreté. Comité technique national intersectoriel sur l’emploi et la formation professionnelle (CNTIEFP).

Le secrétaire d’Etat en charge des Sénégalais de l’Extérieur, Moïse Sarr qui s’est réjoui du lancement du projet doit, dans une approche globale, inclusive et participative en impliquant tous les acteurs et surtout la Direction de l’emploi pour étudier et voir la meilleure stratégie à mettre en place et non en faire du clientélisme comme on a l’habitude de la voir. Pour permettre une meilleure visibilité, et efficacité des actions de l’Etat, pouvant générer des résultats, il faut mettre en avant ceux qui en ont les attributions et les compétences. Pour ce qui est de l’emploi, de l’immigration de travail, c’est bien du ressort de la Direction de l’emploi du ministère de l’emploi, de la formation professionnelle et de l’artisanat.

Moussa Seydou DIALLO

SG AJMS

Spécialiste migration Ouest-Africaine

[email protected]

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