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Coronavirus: un chercheur s’interroge sur le faible nombre de cas en Afrique

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Alors que l’épidémie a déjà fait plus de 2 800 morts et plus de 80 000 contaminés dans une quarantaine de pays, le continent africain, qui n’a pour l’instant recensé que trois cas, semble étonnamment épargné par le virus.

Spécialiste des maladies infectieuses et tropicales, Pierre-Marie Girard est directeur des Affaires internationales à l’Institut Pasteur. Il coordonne également le Réseau international des Instituts Pasteur, parmi lesquels dix se trouvent sur le continent africain.  

Alors que les experts commençaient à s’interroger sur le faible nombre de cas détectés sur le continent, un premier cas de Covid-19 a été confirmé en Afrique subsaharienne, au Nigeria. Pourquoi l’Afrique est-elle si peu concernée pour l’instant ?

De façon globale, on ne comprend pas pourquoi il n’y a pas plus de cas en Afrique. Ces trois cas sont en plus apparus très tardivement par rapport au début de l’épidémie. Il y a un certain nombre d’hypothèses, notamment bien sûr celle qui consiste à dire qu’il y a eu des cas et qu’il y en a encore, et qu’on est passés à côté. On pouvait dire ça il y a quelques semaines, mais le temps passant, cela devient de plus en plus étrange que les cas n’apparaissent pas de façon plus évidente.

Quelles sont les autres hypothèses ?

D’autres hypothèses ont été évoquées. Premièrement, que peu de personnes infectées seraient venues en terre africaine. Mais cette première hypothèse paraît peu probable, sachant qu’on estime qu’un million de Chinois vivent en Afrique ou font des allers-retours réguliers entre la Chine et le continent, et vu les mouvements de population qu’il y a eu avec la fête du Nouvel An chinois début février. Une deuxième hypothèse consiste à dire que le climat, les températures tropicales ne seraient pas propices à la virulence du virus. Là aussi, c’est peu probable parce qu’in vitro, le virus se multiplie très bien dans la chaleur. Enfin, troisième hypothèse : l’idée d’une forme de résistance à un profil génétique qui expliquerait que les personnes vivant en Afrique soient moins sensibles à l’infection. Là aussi, on ne voit pas très bien pourquoi. On peut aussi imaginer aussi qu’il n’y ait que très peu de formes graves ou des formes asymptomatiques. Dans ce cas-là, le dépistage n’étant pas systématique, on pourrait passer à côté de l’épidémie pendant longtemps.

Pensez-vous que l’on va assister dans les prochains jours à une multiplication du nombre de cas ?

Je ne peux pas l’affirmer. D’abord parce que ni en Égypte ni en Algérie, ça n’a a priori fait boule de neige. Et ensuite, parce que c’est pour l’instant trop tôt pour savoir pour le cas de Lagos. 

Que sait-on de la prise en charge de ces trois cas ?

On a seulement des bribes d’information et très peu de visibilité sur ces cas. En Algérie, par exemple, on ne sait pas si le travail d’enquête, presque « policière », a été fait pour retrouver les personnes qui ont été contact avec le malade, d’autant que ce travail n’est pas simple et qu’il demande des moyens. Et on ne sait pas non plus si d’autres personnes en lien avec le malade ont été testées.

L’OMS s’inquiétait il y a quelques jours de la propagation du virus dans des pays dont les systèmes de santé sont précaires. D’un autre côté, en Afrique, on invoque parfois l’expérience acquise avec Ebola. Pensez-vous qu’elle peut en effet servir dans la gestion de ce nouveau coronavirus ?

À l’échelon international, je pense que l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui était passée totalement à côté de l’épidémie d’Ebola, en a en effet tiré les leçons. Même s’ils ont été un peu longs à déclarer l’épidémie de coronavirus, ils ont été beaucoup plus rapides que pour Ebola. À l’échelon des pays, et de façon indiscutable, il y a à l’évidence eu beaucoup de mises à niveau des laboratoires, de formations des techniciens, et des dispositifs de surveillance des épidémies ont été mis en place. Par ailleurs, les ministères de la Santé ont maintenant l’obligation d’appliquer le Règlement sanitaire international (RSI), c’est-à-dire être en mesure de faire remonter précocement les épidémies et de faire remonter les cas, via le ministère, au niveau de l’OMS. Mais évidemment, le continent partait de très loin.

Faut-il s’inquiéter alors pour ce cas à Lagos ?

Ce que l’on sait sur ce cas importé [le malade revenait d’Italie, ndlr], c’est qu’ils ont pu très tôt le repérer et très tôt prendre des mesures de confinement très fortes. Maintenant, ça c’est l’information officielle, et là encore on ne connaît pas au juste le niveau de précision de l’enquête qui a été faite dans son entourage. Statistiquement, on considère qu’un seul cas index [le patient zéro dans le pays, ndlr] contamine entre deux et trois personnes, en l’absence de mesures barrières mises en place. Si vous continuez ce petit jeu, vous arrivez rapidement à des centaines et des milliers de personnes à partir d’un cas unique. Vu la densité de population et la faiblesse des moyens dans un pays comme le Nigeria, il faut donc de toute façon être très vigilant.

Rfi

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