Le dossier des déchets toxiques est un creuset d’anomalies contractuelles, d’opacité autour des procédures, mais surtout des sommes colossales de « manière indécente », sur le dos des contribuables ivoiriens. Révélations sur le volet de la dépollution de sites qui reste entourée de mystère.
La Société Tredi Environnement chargée de la dépollution a été remplacée, sans grand bruit, par Biogénie, mais la fin des opération de nettoyage reste relativement confuse jusqu’à ce jour .
L’affaire des déchets toxiques n’a pas encore livré tous ses secrets. Dans son numéro du vendredi dernier, Le quotidien L’expression (n°817) a fait de terribles révélations sur « Comment Tredi a floué les Ivoiriens », revenant sur les anomalies contractuelles, l’opacité autour des procédures, mais surtout, les sommes colossales empochées de « manière indécente », sur le dos des contribuables ivoiriens.
Mais ce sont les victimes ivoiriennes qui doivent, aujourd’hui, avoir mal au cœur. Pendant qu’elles vivaient leur calvaire, la Société TREDI Environnement du groupe français Séché empochait des sommes surréalistes tirées de contrats de gré à gré, soutenue par des soutiens ivoiriens. C’est une affaire dont les détails renseignent davantage sur la méthode TREDI qui lorgnerait aujourd’hui le juteux marché de l’eau en Côte d’Ivoire après avoir été au cœur de ce qu’on pourrait appeler le « scandale des déchets toxiques ».
De sources sérieuses, le contrat de Tredi contenait une partie d’évaluation des risques sanitaires, alors que cette analyse avait déjà été réalisée par différents organismes. Ce contrat, sans appel d’offre, signé en toute précipitation plaçait donc Tredi en situation de juge et partie dans une affaire où les victimes, courant derrière leurs incertaines indemnisations, demeurent les véritables « dindons de la farce ».
TRDEDI se frottait donc les mains et signait un contrat s’appuyant uniquement sur l’analyse du CIAPOL, anormalement alarmiste selon diverses sources, quant à la nature et la toxicité des déchets déversés par le Probo Koala.
Rappelons qu’initialement, il était convenu de l’enlèvement d’une quantité de 2500 tonnes de déchets issus des 528 tonnes de déchets déversés lors de cette catastrophe écologique qui a fait le beurre de certaines sociétés dont TREDI.
Dans un élan de boulimie et un contexte entouré d’une certaine opacité, Tredi ne se gênera pas pour renégocia par la suite avec Safiatou Ba un avenant pour la récupération de 3000 tonnes supplémentaires facturés environ 3100 euros la tonne, près de 2 030 000 FCFA !
Pour Tredi, l’agréable jeu de multiplication et de surfacturation ne s’arrêtera pas là : le nombre de sites pollués aux alentours d’Abidjan variait généralement dans la presse de 14 à 18. Mais, le rapport de la Convention de Bâle précisa que Tredi prit finalement en charge la dépollution de 25 sites.
Cependant, le plus ahurissant est cet avenant au contrat que les proches du dossier n’ont jamais pu justifier. Jusqu’à présent, aucune explication claire n’a été donnée pour justifier cet avenant et son coût exorbitant supporté par les maigres deniers ivoiriens pendant que, dans les banlieues d’Abidjan, les victimes souffraient le martyr.
Des zones d’ombre qui nécessitent l’ouverture une enquête officielle
Et des zones d’ombres demeurent qui nécessiteraient, aujourd’hui, une enquête parlementaire. Sinon, comment expliquer que les dirigeants de Tredi et notamment son directeur général, Philippe Leblanc, refusèrent systématiquement de donner la moindre information sur les détails du contrat qui se livrent à nous à compte goutte, pendant que les associations de défense des victimes sont complètement marginalisées et, aujourd’hui, laissées à leur sort au sujet des indemnisations ?
Les chiffres parlent d’eux-mêmes si l’on sait que le paiement des 2500 tonnes initialement prévues fut de 9 millions d’euros (plus de 5 milliards 895 millions), dont 30% d’avance. Le surplus de 3000 tonnes fut facturé environ 10 millions d’euros (6 milliards 555 millions de FCFA), dont 85% d’avance. Une dernière évaluation fixerait la quantité totale de déchets facturés par TREDI au delà de 9000 tonnes.
C’est finalement sous la pression de Trafigura auprès du Ministère de l’Economie que le contrat entre le gouvernement ivoirien et Tredi fut rompu au mois de septembre 2007. Pourtant TREDI usera de toutes les ficelles occultées par l’ouvrage publié à grands fracas (Le cargo de la honte, L’effroyable odyssée du Probo Koala) dont l’un des auteurs, Charlotte Nithart est, pour beaucoup, proche de l’Association Robin des Bois, que certains disent bénéficier des largesses du Groupe Séché et de Tredi Environnement.
Et, jusqu’au bout, Safiatou Ba tenta de maintenir le choix à nouveau sur Tredi sans succès. Tredi fut remplacé, sans grand bruit, par Biogénie mais la fin des opérations de nettoyage reste relativement confuse jusqu’à ce jour.
Faire la lumière sur 22 milliards et 270 millions de FCFA : les associations s’impatientent
Selon Trafigura, le coût final de l’opération de nettoyage fut de 34 millions d’euros (22 milliards et 270 millions de FCFA). Cependant, le montant réel de la facture présentée par Tredi au gouvernement ivoirien reste entouré de mystère.
Certaines associations commencent à s’impatienter pour savoir les tenants et les aboutissants de ce « sulfureux » dossier de dépollution et comment il a été géré par TREDI et ceux qu’elles désignent comme ses « relais locaux ». Tout ce qu’elles espèrent, rien que par respect des victimes en souffrance, c’est qu’une enquête officielle soit vite ouverte pour édifier les Ivoiriens sur cette affaire qui a tout l’air d’une grande opération de corruption sur fond d’une indécente exploitation de la misère.
Peut-être que les députés se saisiront d’une si importante question lors de la session parlementaire ouverte, en grandes pompes, ce 24 avril à Yamossoukro ? C’est le moins que les associations et victimes puissent attendre des élus de la représentation nationale.
Abou Traoré
koaci.com