INTERVIEW – Philippe Hugon, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), analyse les évènements…
Les affrontements de ce jeudi en Côte d’Ivoire étaient-ils prévisibles?
Hélas, oui, je ne suis pas étonné. Laurent Gbagbo, qui, selon la Commission électorale indépendante (CEI) a perdu le second tour de l’élection présidentielle, veut aller jusqu’au bout. Des propositions lui auraient été faites, notamment pour prendre la présidence l’Union africaine (UA), doublées de la promesse de pas être poursuivi, mais il aurait tout refusé. Il considère qu’il a une mission et qu’il doit aller jusqu’au bout.
Et, pour l’instant, il conserve le soutien de l’armée…
Oui, mais il faut dire qu’il a tout fait pour s’assurer la fidélité de l’armée et surtout de son Etat-major. Mais Alassane Ouattara, qui, selon la CEI, a remporté le second, doit forcément y avoir quelques soutiens.
Alassane Ouattara, qui, depuis le second tour, reste cantonné à l’Hôtel du Golf, a-t-il eu raison de lancer cette marche?
Oui, je pense que cette marche était la seule possibilité pour Alassane Ouattara de sortir de l’ornière. Il lui fallait agir, car, en fait, le temps joue pour Laurent Gbagbo. On sait comment cela se passe: les premiers jours, la communauté internationale est très ferme et puis, au fil des semaines, elle est obligée d’accepter la situation qui s’impose à elle. Ouattara, président légitime, a certes l’arme du financement, mais, pour l’instant et pour quelque temps encore, Gbagbo dispose d’un trésor de guerre suffisant pour assurer le paiement des soldats et des fonctionnaires.
Aujourd’hui, si la situation dégénère, la communauté internationale ne peut rien faire…
Non elle ne peut rien faire: les mandats des Casques bleus et de la force Licorne sont circonscrits à la protection des populations, elles ne peuvent donc pas agir contre un camp ou un autre. Les seules qui pourraient éventuellement agir ce seraient les forces de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et de l’UA, mais cela n’a jamais été évoqué.
Pensez-vous qu’il y ait tout de même encore des médiations informelles entre les deux camps ?
Oui, je pense que certains, comme l’ancien Premier ministre Charles Konan Banny, font du «go-between» entre les deux camps, mais, malheureusement, aujourd’hui, je crois que les portes sont fermées.
Propos recueillis par Armelle Le Goff
20minutes.fr