Coup de force électoral en Côte d’Ivoire : l’art de vaincre sans avoir gagné.
La situation en Côte d’Ivoire, au lendemain du second tour de l’élection présidentielle, n’augure rien de bon pour l’avenir de ce pays et de la sous région. Contre le verdit des urnes en faveur d’Alassane Dramane Ouattara, annoncé par la Commission Electorale Indépendante (CEI) et certifié par les Nations Unies comme le prescrit l’Accord Politique de Ouagadougou du 04 mars 2007, le candidat sortant Laurent Gbagbo par un simulacre s’est proclamé vainqueur de l’élection présidentielle contre toute évidence.
En effet cette élection présidentielle devait clôturer le processus de paix et la réconciliation nationale du pays suite à sa partition consécutive à la guerre civile de 2002. Après la fin de la transition en Guinée, on espérait que la Côte d’Ivoire allait renouer avec la paix et la stabilité pour le plus grand profit du peuple ivoirien et de notre sous région. Mais c’était sans compter avec la mauvaise foi et la duplicité du camp présidentiel. Après avoir trainé les pieds pour se rendre aux urnes (son mandat ayant expiré depuis 2005) en reportant à plusieurs reprises le scrutin, Mr Gbagbo a convoqué les élections avec la ferme intention de la remporter par tous les moyens ( en témoigne ses slogans « on gagne ou on gagne », « j’y suis, j’y reste »).
Dès la veille du second tour, sentant les carottes cuites face au large front du Rassemblement des Houphouetistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), le camp de Gbagbo a mis en branle sa stratégie de confiscation du pouvoir.
Le premier acte posé est la mise place d’un couvre feu préventif injustifié à la veille du second tour. Le deuxième acte est le blocage volontaire des travaux de la Commission Electorale Indépendante (CEI) par les représentants de Gbagbo, avec en point d’orgue la scène ubuesque où ces derniers empêchent physiquement le porte parole de la CEI d’annoncer les résultats provisoires. Troisième acte le bâillonnement de la liberté d’expression et du droit à l’information plurielle avec l’embrigadement de la Radio Télévision Ivoirienne (RTI) au service exclusif de la propagande du camp de Gbagbo et l’interdiction d’émettre des médias étrangers en Côte d’Ivoire. Quatrième acte le tout sécuritaire avec la fermeture des frontières terrestres, maritimes et aériennes, la prolongation du couvre feu : tous les ingrédients classiques d’un bon coup de force électoral sont réunis. Il ne reste plus qu’à trouver un bon alchimiste pour transformer le cuivre en or.
Le dernier larron à entrer en scène est le Conseil constitutionnel dont la présidence à été opportunément confiée à un membre fondateur du Front Populaire Ivoirien (parti de Gbagbo). On connaissait Laurent Gbagbo « le boulanger », il faut y ajouter désormais Paul Yao Ndré « l’alchimiste ». Il joua à merveille le rôle pour lequel son patron l’a choisi, après avoir invalidé les résultats provisoires annoncés par la CEI en faveur de Ouattara, Mr Paul Yao Ndré réussit le tour de passe passe de proclamer Gbagbo vainqueur de l’élection présidentielle après l’annulation des votes dans le nord de la Côte d’Ivoire, bastion d’Alassane Ouattara. Une décision grave et lourde de conséquences dans la mesure où elle prive de citoyenneté des milliers d’ivoiriens dont les voix sont réduites au silence. Or rappelle le Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies en Cote d’Ivoire « même si toutes les réclamations déposées par la Majorité Présidentielle auprès du Conseil Constitutionnel étaient prises en compte en nombres de procès-verbaux, et donc de votes, le résultat du second tour de l’élection présidentielle tel que proclamé par le Président de la CEI le 2 décembre ne changerait pas, confirmant le candidat Alassane Ouattara vainqueur de l’élection présidentielle ».
Mais Gbagbo et son camp n’ont que faire de l’arithmétique, tel Lucky Luke Mr Gbagbo se fait investir par « son » conseil constitutionnel. Par ailleurs Ouattara dont la victoire est confirmée par les Nations Unies chargée de certifier l’élection , s’investit Président de la République avec le soutien du Premier Ministre Guillaume Soro, la reconnaissance du SG des Nations Unies, de la France, des Etats Unis, de la Grande Bretagne, de la CEDEAO et de l’Union Africaine. Quant à Gbagbo il n’est soutenu que par une poignée de ses amis et obligés socialistes africains (dont le Parti Socialiste Sénégalais).
Un Etat, deux Présidents. L’affrontement est il inévitable ?
Oui si Mr Gbagbo s’entête à vouloir nier l’évidence et s’enfermer dans sa logique ethno stratégique de chef de faction pour qui la politique n’est que la continuation de la guerre par d’autres moyens.
Non si les médiateurs parviennent à ramener Laurent Gbgbo à la raison et le contraindre de respecter le verdict des urnes avec la promesse de lui aménager une sortie honorable.
Face à ce chaos prémédité, l’argument de complot international est inopérant, le démocrates africains et du monde entier doivent faire bloc autour de la position des Nations Unies et contraindre Gbagbo à remettre le pouvoir. Il n’ya plus de souveraineté quand les institutions sont instrumentalisées à dessein pour étouffer l’expression souveraine du suffrage universel. Dans ces situations l’ingérence de la communauté internationale est non seulement un droit mais un devoir.
Mohamed Ayib Daffé