Crise Malienne: IBK l’arbre qui cachait la forêt. (Par Ibrahima Traoré)

T« Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes. » Bossuet

Dans cette crise malienne, ce qui frappe de prime abord c’est cette tendance à délimiter les enjeux à une stricte dimension sécuritaire qui a comme conséquence de prendre l’effet pour la cause. Ce qui est aussi frappant c’est l’importance qu’on attribue au rôle du président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) dans l’explication de cette crise qui est désarmante. Oui, dire que c’est une crise post- électorale ou affirmer que cette situation est due à l’incapacité du Président IBK notamment de gérer les problèmes sécuritaires que connait le Mali est une réduction phénoménologique d’une réalité beaucoup plus complexe aurait dit Husserl.

A QUI LA FAUTE : IBK OU LA FRANCE ?

Tout le monde dit que IBK est un « sous-préfet » de la France ce qui est vrai mais ce qu’on oublie de dire c’est que celui qui était le candidat de la France et de l’U.E c’est bien Soumaila Cissé le libéral pur jus. C’est Parce que non seulement IBK était plus populaire sur le terrain mais aussi son appartenance à l’internationalisme socialiste et sa « proximité » avec François Hollande avaient obligé La France et l’U.E à se rabattre sur lui. IBK avait la faveur des électeurs car pour eux il était le plus à même de restaurer de l’autorité de l’Etat à Kidal. Cependant, il s’est retrouvé pieds et poings liés à cause de la pression de la France et était obligé réduire ses ambitions à la baisse : au lieu de réclamer le désarmement du MNLA et la restauration de l’autorité de l’Etat à Kidal, IBK a donné son accord à l’ouverture de négociations de paix à Alger avec le MNLA. Pourtant IBK avait bien dit que la libération ne peut être effective que lorsque l’armée malienne pourra rentrer à Kidal mais la France a apposé une fin de non-recevoir. Même si nous ne sommes pas dans le secret des dieux nous ne sommes pas sans savoir que dans cette crise la France n’est pas la solution mais le problème principal mais ce qui est extraordinaire c’est cette prouesse qu’a réussi la France avec habilité : elle a su détourner subtilement la colère des maliens contre elle vers IBK. Un vrai coup de maitre !

LA DEPENDANCE DU FINANCEMENT EXTERIEUR : UNE DIFFICULTE INSURMONTABLE POUR LE MALI

La véritable question c’est comment être politiquement libre si on est économiquement dépendant ? Que pouvait faire IBK contre la volonté de la France qui pouvait l’asphyxier financièrement quand bon lui semble ? Cette dépendance du Mali au financement extérieur amoindri sa marge de manœuvre et remet en question sa souveraineté car nous savons que c’est celui qui paie les musiciens choisit la musique. Oui, la France ne finance le Mali que parce qu’elle y trouve son intérêt. Il faut être d’une naïveté confondante pour penser que la France est présente au Mali pour des considérations humanistes : « Les États n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts » disait le général de Gaulle.

LES INTERETS DE LA FRANCE AU MALI

Pour sécuriser les mines d’uranium d’Orano Niger avait négocié pour envoyer à Kidal les Touaregs qui ont formé le MNLA qui étaient au service de Khadafi. Le groupe ORANO a réalisé 110 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2018 avec 2 167 tonnes d’uranium surnommé « l’Arabie saoudite de l’uranium » pour le coût réduit et la rentabilité de ses gisements.

Force est de constater qu’il y’a également des intérêts géostratégiques pour lesquels la France ne peut pas rester insensible. L’instabilité du Sahel dans son ensemble a un impact sur les projets économiques de la France dans toute la région.

ARRETONS D’ETRE LES IDIOTS UTILES DU SYSTEME :

Nous devons faire preuve de plus de lucidité et d’arrêter d’être les idiots utiles du système en prenant pour argent comptant toutes les promesses du capitalisme occidental. Pourquoi se battre pour des causes qui vont à l’encontre de nos intérêts ?

Promouvoir la conception du développement des puissances occidentales avec cette croissance extravertie qui ne profite pas aux populations mais qui répond exclusivement à l’exigence de gouvernance des investisseurs étrangers dont le seul but est de sécuriser leurs intérêts et d’assurer leur retour sur investissement est inacceptable pour un patriote.

La sécurisation des intérêts de ces grands investisseurs passe à la fois par la politique (exigence de bonne gouvernance pour protéger les intérêts des multinationales) mais aussi par la militarisation toujours pour protéger leurs investissements. Un gouvernement patriote, responsable et mature ne peut pas accepter de conduire sa politique dans ce paradigme.

LA SITUATION DU MALI RESULTE DE LA FALLITE DE L’ETAT POSTCOLONIAL

Tout ce qui s’est passé ces dernières années prouve que les maliens ne sont pas malheureusement au bout de leurs peines pas du fait de la faillite de l’Etat mais de l’Etat postcolonial mis en faillite. Nos efforts de libération de nos pays sont restés inachevés ce qui a conduit à des indépendances de façade et des états qui ne le sont que de nom. L’Etat malien n’a pas objectivement les moyens de faire face à ses défis : on demande à un gouvernement d’un des pays les plus pauvres au monde de régler un problème sur lequel butent les grandes puissances que ce soit en Afghanistan en Irak ou bien en Libye. Il faut savoir raison garder.

Nous pensons que la situation malienne est un vrai cas d’école en ce qu’elle nous permet de voir jusqu’au nos états postcoloniaux tels qu’ils sont pensés et façonnés sont problématiques. Il ne sont ni viables ni outillés pour permettre des cadres efficients quant à la perspective d’un développement serein et articulé dans la mesure où ils présentent trop de vulnérabilités. Il urge de construire une pensée politique autonome qui ne soit pas aliénée et qui prend en compte nos réalités politiques, économiques, sociologiques, historiques, religieuses car cette situation malienne pend au nez des autres pays du sahel