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Cruelle fin de règne (Par Abdoul Aly Kane)

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A l’entame de son dialogue national des 26 et 27 février courant, le Président Macky Sall a annoncé qu’il en aurait fini avec la fonction de président de la République dès la fin de son mandat qui échoit le 02 avril. Il a même ajouté qu’il avait assez du pouvoir « Doyalnaa seukk », et qu’il ne souhaiterait même pas être présent au Sénégal lors de l’élection présidentielle. Il a confirmé hier sur le réseau X que « le dialogue national a retenu la date de 02 juin comme date des élections », et qu’il aura préalablement quitté le poste à ce moment-là.

Son conseiller, le journaliste Madiambal DIAGNE, précise via le même réseau que « Sa décision est irrévocable. Macky SALL nous a annoncé qu’il va écrire au Conseil Constitutionnel ce 1er mars 2024 pour préciser qu’il quitte ses fonctions au terme de son mandat et qu’il invite le Conseil Constitutionnel à installer un Président intérimaire à la date du 2 avril 2024 ».

Cette communication du Président SALL et les précisions de son conseiller, sont sidérantes au regard de l’instabilité dans laquelle il a installé le pays depuis le début du processus de validation des candidatures.

Dégageant toute responsabilité, il impute le report des élections aux accusations du PDS contre deux juges constitutionnels soupçonnés de corruption pour avoir invalidé la candidature de Karim Wade, le corrupteur étant le Premier ministre actuel, candidat de la coalition au pouvoir à ces mêmes élections.

La commission d’enquête parlementaire mise en place par la coalition BENNO/PDS dans le but d’établir la véracité de ces accusations est entretemps supprimée, du fait qu’un des juges incriminés aurait porté plainte contre ses accusateurs.

Le Conseil Constitutionnel, atteint dans son honneur, décide malgré tout de fixer la fin du mandat de l’actuel Président au 02 avril. Entretemps, le Président continue la collaboration avec le Conseil Constitutionnel et renouvelle sa confiance au Premier ministre.

Quelle suite à ce coup de théâtre ? Rien pour l’instant. A l’issue du dialogue national dont la légitimité institutionnelle reste à établir, le 02 juin est finalement retenu par les participants et annoncé par le président de la République comme la nouvelle date des élections qui devaient se tenir initialement le 25 février passé.

Afin que nul n’en ignore, le Président SALL a confirmé hier, par tweet sa décision de quitter ses fonctions le 02 avril.

Pour plus de précisions, il fait dire par son conseiller qu’il va demander au Conseil Constitutionnel d’installer un Président intérimaire puisqu’à cette date, son successeur n’aura pas encore été élu.

En clair, après avoir repoussé la date des élections au mois de juin 2024, voilà que le Président SALL nous informe qu’il ne passera pas les pouvoirs à son successeur mais à celui que le Conseil Constitutionnel aura désigné pour assurer « l’intérim ».

Le Président SALL observera donc de loin la cérémonie d’installation de son successeur élu, comme cela a toujours été le cas, et non imposé par d’énigmatiques « forces organisées » contre lesquelles il invitait les politiques à s’entendre.

En 64 années d’indépendance…

En quelques mois, le Sénégal aura ainsi basculé dans une impasse du seul fait d’un président de la République qui a pris des décisions inopportunes ne se rapportant qu’à ses intérêts exclusifs. En 64 années d’indépendance, notre pays n’aura jamais vécu une situation pareille.

Le hasard n’existant pas en politique, il y a lieu de s’interroger sur le « clap final » d’un tel film au scénario hollywoodien de série B qui se déroule sous nos yeux. A n’en point douter, le timing originel des élections, que le Président Sall a sciemment mis sens dessus dessous avec la complicité de l’administration chargée des élections et de sa majorité à l’Assemblée nationale, ne correspondait pas au sien propre.

Le Conseil Constitutionnel étant le dernier rempart contre l’agression des institutions, on attendra de voir les décisions qu’il prendra quant à la date des élections et la constitutionnalité de la loi d’amnistie introduite comme un cheveu dans la soupe dans l’arsenal de décisions d’un Président sortant.

En toutes hypothèses, le pays connaîtra une nouvelle alternance politique après les élections, même si les pouvoirs abusifs de l’actuel Président ont tendance à masquer la réalité de l’avènement d’une nouvelle ère de gouvernance, en lien avec la maturité actuelle du peuple sénégalais, et plus particulièrement de sa frange jeune.

Le régime du Président Macky Sall prend fin dans une grande confusion découlant de sa façon d’avoir gouverné le pays. Sa coalition n’ayant pas eu la majorité absolue à l’Assemblée nationale, il a convaincu des partis d’opposition de se joindre à elle pour rétablir une majorité non sortie des urnes, donc contraire à la volonté du peuple.

Dans sa quête d’un pouvoir exclusif, il aura soumis la quasi-totalité des institutions de la République au service de ses propres desseins. Les juges de fond de Ziguinchor et de Dakar ordonnent la remise à Sonko des fiches de parrainage aux fins de constituer son dossier de candidature, son administration refuse d’appliquer leurs décisions.

La CENA instruit la DGE de remettre des fiches de parrainages à Ousmane SONKO, il congédie tous ses membres et choisit une nouvelle équipe comptant certains membres de son parti.

Le Conseil Constitutionnel retient une liste de candidats qui ne lui convient pas, il reporte la date des élections et menace de dissoudre cet organe si d’aventure il prenait une décision relative à la fixation d’une date des élections qui ne lui conviendrait pas.

Des milices mises à contribution

Les forces de défense et de sécurité et des milices infiltrées sont mises à contribution pour casser du manifestant à balles réelles.

Avide d’exercer ses pouvoirs dans leur plénitude, il a fini par être, au fil de son magistère, un dictateur c’est-à-dire un chef « détenant tous les pouvoirs et les exerçant sans contrôle et de façon autoritaire ».

S’il avait passé quelques années encore à la tête du pays, sa propension à le gérer par la force aurait fini de faire de lui un « tyran », soit un chef qui « exerce une autorité arbitraire et absolue, sans respect des lois et en usant généralement de méthodes oppressives et violentes ».

Le Sénégal démocratique doit se féliciter de son prochain départ qu’il a annoncé urbi et orbi, pour clôturer un magistère à nul autre pareil en termes de violences de tous ordres, de mal gouvernance et de dilapidation des ressources publiques.

La proximité de son départ, malgré une grande vigilance citoyenne à observer sur son effectivité, induit que l’on se penche aussi sur les urgences économiques à affronter.

La question la plus importante pour le mieux être d’une population très jeune, c’est celle de l’emploi. Structurellement, le Sénégal n’est pas un pays d’emplois du fait de choix antérieurs et actuels inappropriés.

Le nouveau pouvoir sera tenu de mettre en œuvre, dans des délais raisonnables, des politiques créatrices d’emplois.

Ces politiques devraient tabler sur les emplois « PME » et être centrées sur des avantages comparatifs sectoriels ainsi que sur la formation professionnelle dans la quête d’une plus grande compétitivité induisant la croissance.

C’est pourquoi, il nous parait indispensable d’articuler toute politique de développement industriel avec celles des pays de la sous-région pour bénéficier d’économies d’échelle indispensables pour concourir à l’international.

L’OMVS pourrait constituer un premier cercle de pays, idéal du fait que les pays membres (la Guineé , le Mali, la Mauritanie et Sénégal) partagent un même bassin, le fleuve Sénégal, et enregistrent des résultats appréciables en matière hydro électrique malgré les échecs en matière de politique agricole commune imputables au défaut d’accompagnement financier et foncier après la réalisation des barrages.

Le deuxième cercle pourrait être constitué de pays avec lesquels nous partageons une certaine similarité en matière de structures productives et de cycles économiques. Ce dans la perspective de partager ultérieurement avec eux une politique monétaire commune, en termes de taux de change et de gestion solidaire des réserves de change.

En effet, il est notoire que le FCFA, de par sa stabilité (taux de change fixe avec l’euro), est une monnaie qui incite à l’importation et discrimine les exportations susceptibles de générer de la valeur ajoutée.

Concernant les PME, le réalisme économique commande que l’on se focalise sur ce que les entreprises artisanales savent faire « le mieux ». Dans ce souci, une attention particulière devrait être accordée à la promotion des industries culturelles créatives, du secteur artisanal déjà exportateur vers la sous-région (chaussures et maroquinerie) et son accompagnement vers des standards semi-industriels, grâce à la maîtrise des processus par le biais de formations adaptées via une coopération efficace avec les pays asiatiques et des agences comme l’ONUDI, réservoirs de coopérants industriels.

En matière d’industries culturelles créatives, nous pensons particulièrement à la musique, la peinture, la mode, le cinéma qui donnent satisfaction si l’on s’en tient aux distinctions glanées dans les festivals.

Dans une précédente chronique, nous évoquions le gisement d’emplois que constituent ces industries culturelles et créatives.

« Les principaux facteurs de production de l’économie créative sont essentiellement la créativité et le capital immatériel, soit la capacité à innover, à créer des concepts et à produire des idées et des œuvres de beauté, principal avantage compétitif à détenir, et non les ressources financières. Cela rend ce secteur attractif pour une population ingénieuse et créative dont l’âge médian est de 19 ans.

La part de ce secteur dans le PIB de notre pays est encore très faible alors que nos talents créatifs sont reconnus dans le monde entier ». Voilà ce que nous écrivions dans ces colonnes.

L’histoire retiendra de Macky…

Dans le sous-secteur de la mode, nos stylistes habillent les stars du monde entier. Il est utile de préciser qu’au Sénégal, la confection est le seul secteur où le chômage n’existe pas.

Malheureusement, cette main d’œuvre souffre d’un déficit de formation aux standards internationaux, une formation qui pourrait davantage ouvrir les produits aux marchés de la sous-région et international via nos stylistes.

Des solutions existent en termes de mobilisation de ressources financières, d’accès aux marchés export, d’accès aux matériels professionnels et de formation ; il s’agit de les identifier et de les mettre en œuvre.

La formation professionnelle permanente est incontournable.

En termes de comparaison avec le football, on perçoit bien les résultats d’une politique de formation locale ayant donné naissance à des talents aujourd’hui reconnus dans le monde entier.

Par conséquent, miser sur le passage de l’artisanat à la semi industrie, et sur les industries culturelles créatives à fort impact sur le marché international, adossés à une formation professionnelle adaptée, pourrait non seulement créer des emplois mais accroître nos réserves de change.

Il faudrait aussi miser sur le numérique en partant des besoins exprimés par les professionnels tout en assurant le financement de l’investissement dans les infrastructures qui assurent la connectivité.

En conclusion, nous appelons les Sénégalais à ne pas faire du « dégagisme » de Président la seule priorité au détriment du choix des programmes.

Quant au Président SALL, j’ai bien peur que l’Histoire retienne de lui non pas le bâtisseur qu’il s’est évertué à incarner mais plutôt l’image d’un chef d’Etat à qui son peuple a tout donné, et qui s’est transformé au final en dieu de la mythologie grecque à cheval entre Hermès, Dieu protecteur des voleurs, et Deimos, Dieu de la terreur envers son peuple.

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