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De la cacophonie des promesses d’un président de la République par Pathe Gueye

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De la cacophonie des promesses d’un président de la République

«L’action libère, l’action vivifie, l’action récompense»

Reine Malouin

Elle…Oui il s’agit bien de Cécile Guérard, qui avait raison de rappeler  qu’«en reculant indéfiniment le moment d’agir, on prend du retard ». Quatre années de suspens ont été ainsi affligées sans pitié aux Sénégalais très impatients qui ont commis, faut-il se l’avouer,  un péché fatal de tendre naïvement l’oreille au candidat Macky Sall pour entendre sortir par hasard de sa joujouthèque électorale un jouet parlant, que dis-je, une promesse de trop. Ce fameux stratagème utilisé comme moyen de séduction politique n’a cessé depuis lors d’alimenter l’insignifiance au point que le fonctionnement normal de l’État sénégalais semble être pris en otage.

Avec sa récente décision de continuer son mandat jusqu’en 2019, le président Macky Sall a enfin craché la patate chaude qui lui brûlait jusqu’ici en silence les papilles gustatives. Déçus et enragés par cette subite virevolte, beaucoup d’observateurs du  jeu politique sénégalais ont constaté qu’il a avancé à reculons tout en refusant, au grand regret de certains comme le professeur Ndiaga Loum, de rentrer dans l’histoire par la grande porte. S’en suivent une flopée de contributions aux titres révélateurs dans les médias d’information et les réseaux sociaux. Tout est si vite devenu un cauchemar manquant d’imagination avec une surenchère émotionnelle qui ne dit pas son nom…

Croyez-le! Ce n’est donc pas avec une gaieté de cœur que nous reprenions, ici et maintenant, notre très singulière plume en ces moments douloureusement tristes pour un jeune État comme le nôtre. Nous demeurons fatidiquement estomaqué de constater plus souvent que l’estrade de l’honneur n’intéresse guère ceux à qui le Peuple confère sa destinée. Incertains ou relatifs qu’ils puissent paraître, nos principes de jugement, nos règles de conduite relatives au bien et au mal, nos valeurs et nos devoirs, sont ainsi rayés de nos Codes d’honneur et de respectabilité. En se dédisant de cette manière, le Président Sall apporte sans aucune ambigüité une réponse toute crue à notre interrogation de savoir si l’État est un inspirateur spécialisé du mensonge. Et il ne faut pas rendre les mots malades en évitant de nommer les choses par leur propre nom. Avec tout le respect qui sied à la majestueuse fonction, la personne qui l’incarne a commis, aux dires de plusieurs citoyens, une faute morale en mentant si froidement! Il met en berne son jugement moral lorsqu’il s’expose à cette difficile situation politique.  On dirait qu’il s’est rangé, contre toute attente, aux côtés de Machiavel pour qui, un président de la République ne doit pas obéir à une morale fixe, mais s’adapter aux circonstances. Il a mis en branle sa crédibilité construite par son image, son éducation, son audace  et qui avait suscité l’adhésion spontanée d’une bonne partie de l’électorat qui lui a porté au Pouvoir. Sa sortie officielle du 15 février 2016 tant attendue n’a été en fin de compte qu’une acrobatie intellectuelle qui ne confirme que la promotion évidente au plus haut niveau d’une culture de la grossièreté qu’on croyait jeter aux oubliettes avec le départ du pouvoir de son prédécesseur, le président Abdoulaye Wade. En l’écoutant, nous comprenons avec certitude qu’il est vachement très difficile et horrible de donner un sens et une portée au mensonge! La construction de l’argumentaire qui a jalonné le discours, était truffée d’incohérences bien qu’il ait voulu lui donner du tonus avec des détours incessants à des dispositions juridiques qui n’ont malheureusement pas de place dans ce cocktail indigeste servi aux Peuples. Faire prendre à l’anormal la place du normal n’est pas une mince affaire!

Par ailleurs, lorsque l’on tourne la page de ce registre moral où la culpabilité présumée est devenue une culpabilité avérée, pour ouvrir celle juridico-légale, on se rendra vite compte que la perspective de l’analyse change complètement. Car, sous cet angle, nous sommes en présence d’une trilogie liée de promesses exprimées par une même personne à des moments différents d’une vie politique intense qu’il va falloir disséquer pour en enlever la poussière qui les encrasse.

 

Tout d’abord, il y a la promesse du candidat Macky Sall à l’électorat : La conquête du pouvoir est une étape de permissivités, un exercice délicat, où le candidat, en bon séducteur, use et abuse de leviers d’action même les plus inédits et inattendus pour convaincre. C’est le « temps de la promesse » selon Patrick Charaudeau! Comme tel, Caroline Castets nous précise qu’: « il requiert bien plus que des compétences techniques et des talents d’orateur ; bien plus, même, qu’un mélange de compétences techniques et de vision mais des aptitudes bien spécifiques pour se rendre non seulement visible mais aussi crédible. Pour éliminer ses adversaires et susciter l’adhésion». La durée du mandant devient donc aux yeux du candidat Sall l’un des éléments de ce « mentir-vrai », une fausseté salutaire à marteler à chaque occasion et sous tous les cieux pour arriver à ses fins. Mieux,  les raisons qui sous-tendent cet engagement, sont plus, car, comme le souligne Philippe Braud « on ne séduit que si l’on fait rêver, si l’on ouvre des perspectives ». Au-delà de son programme YOONU YOKKUTÉ, le candidat Sall a voulu faire rêver les sénégalais en ouvrant la perspective de réduire volontairement son mandat. Au total, retenons avec Arnaud Dupuy-Castérès, qu’« une élection s’apparente à un concours, pas à un examen. Ce qui impose une logique de l’offre et à chaque candidat d’afficher un positionnement, une promesse, une posture qui, d’une manière ou d’une autre, devra être jugée plus attrayante pour permettre de creuser l’écart avec la concurrence. » Et c’est de cette manière là que le candidat Macky Sall a alimenté les sentiments et les passions politiques pour nous certifier la pérennité du « risque de la promesse».

 

Ensuite, il ya la promesse assermentée du président Macky Sall à la Nation : C’était le lundi 2 avril 2012 que le nouveau président élu Macky Sall avait levé la main droite vers le ciel pour prêter serment devant le peuple sénégalais. Voici ce qui sortit de sa bouche : « Devant Dieu et devant la Nation sénégalaise, je jure de remplir fidèlement la charge de Président de la République du Sénégal, d’observer comme de faire observer  scrupuleusement les dispositions de la Constitution et des lois, de consacrer toutes mes forces à défendre les institutions constitutionnelles, l’intégrité du territoire et l’indépendance nationale, de ne ménager enfin aucun effort pour la réalisation de l’unité africaine». Son Excellence Macky Sall a ainsi juré de respecter et de faire respecter, entre autres, cette disposition de notre Constitution actuelle qui stipule que : « le Président de la République est élu au suffrage universel direct et au scrutin majoritaire à deux tours. La durée du mandat du Président de la République est de sept ans. Le mandat est renouvelable une seule fois ».

Maintenant, qu’on nous explique à quoi pourraient servir ces règles communes, sans la vertu des professionnels du droit qui l’appliquent ou d’un président de la République qui en est le principal gardien? Ce serment du chef du l’État n’est pas à prendre à la légère dans la mesure où il se situe très au dessus de la promesse du candidat qui n’engage d’ailleurs que ceux qui y ont cru. Par son serment, le président Macky Sall a proclamé solennellement son adhésion à des valeurs largement partagées tout en s’engageant à l’égard de la Nation sénégalaise tout entière à les protéger. C’est pourquoi, il est tout à fait compréhensible et inopportun de l’entendre dans son discours dire: «J’entends me conformer à la Décision du Conseil constitutionnel. En conséquence de quoi, le mandat en cours du Président de la République connaitra son terme en 2019». Dure est la loi, mais c’est la loi, dit-on!

 

Enfin, il ya la réaffirmation de la promesse du candidat par le président Macky Sall : Le « temps de la promesse », supplanté par le SERMENT qui prend la primauté sur tout, est révolu et a cédé la place au « temps de la décision ». Paradoxalement, SOUS sa casquette de président de la République, Macky Sall a décidé de réaffirmer son engagement de réduire son mandat. Sur ce, entendonsle nous repréciser encore dans sa dernière sortie que, « la restauration du quinquennat de manière irréversible (…) traduit ma conviction profonde qu’il est bon et sain que le peuple puisse faire entendre sa voix dans des délais raisonnables, en élisant le président de la République tous les cinq ans. De plus, le quinquennat est plus conforme aux standards internationaux en matière électorale pour une démocratie qui se veut majeure et moderne comme la nôtre ». Pourquoi a-t-il attendu tout ce temps en continuant de promettre alors qu’il avait en sa possession toutes les cartes légales et légitimes pour agir et respecter sa promesse. Ne sait-il pas, comme le note Confucius, que « l’homme supérieur c’est celui qui d’abord met ses paroles en pratique, et ensuite parle conformément à ses actions? ». Or, il ya eu plus de palabres que d’actions concrètes et sérieuses dans cette affaire toute simple a priori mais foncièrement engloutie dans les labyrinthes d’un agenda politique caché. Ah! Pouvoir quand tu nous tiens! Nous avons tous compris! En décidant sciemment de recourir à l’article 51 de la Constitution pour respecter son engagement politique, le président Sall se réfugie derrière le FLOU DU DROIT en faisant semblant de se conformer à la Loi. En même temps, il porte d’innombrables ennuis et torts à nos Instituions politiques et judiciaires et sème une zizanie virulente aussi bien dans le camp des « spécialistes du droit » que celui des profanes qui éprouvent un grand mal à voir scintiller de l’horizon sombre du droit une lueur de clarté, de précision et de concision. Est-il vraiment opportun et intelligent de prendre un passage en espérant y rouler tout droit alors que le panneau de signalisation en face indique: CUL-DE-SAC? Autrement dit, passer par le Conseil constitutionnel ou l’Assemblée nationale pour une mixtion d’AVIS ou de DÉCISIONS sans aucune efficacité, revient pour un président de la République à choisir l’impasse, cette voie sans issue qui,  par conséquent requerra de faire tôt ou tard un demi-tour pour se retrouver de nouveau face à des électeurs non amnésiques. Pour le dire en un mot,  le président Sall «?se la joue?» légaliste pour se consoler du sentiment de sa propre vacuité, à l’instar du garçon de café sartrien. Oui! Il semble être ainsi de mauvaise foi, tel que pointé du doigt par Jean-Paul Sartre pour qui, «?c’est le propre de l’homme que d’être capable de mauvaise foi, c’est-à-dire de se mentir à lui-même sur ce qu’il est vraiment)». Cette mauvaise foi est donc sa tentative incomplètement réussie pour se masquer à lui-même en se dédouanant de toute responsabilité….

En définitive, il est tout à fait absurde et réducteur de vouloir une chose et en même temps son contraire! La voie légaliste ou « légalicisée par les 5 sages du Conseil constitutionnel » préférée par le président Macky Sall, n’a pas suscité l’adhésion de tous les citoyens alors que la sanction morale ne bat pas de l’aile dans l’attente d’une probable sanction politique. Pourtant la solution reste comme toujours à portée de main. Et c’est la Constitution elle-même en son article 39 qui l’indique à son gardien : la DÉMISSION. Oui, elle est, à l’état actuel du sombre dilemme, la carte à jouer, l’as de COEUR qui permettra au président de la République à la fin de son quinquennat d’OSER ÊTRE LUI-MÊME!

 

Pathé Guèye

Montréal, le 02 mars 2016

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